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Message : Re: Espaces non-justifiantes et methode de justification

(Jean Fontaine) - Mercredi 04 Mars 1998
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Subject:    Re: Espaces non-justifiantes et methode de justification
Date:    Wed, 4 Mar 1998 13:22:56 -0500
From:    "Jean Fontaine" <jfontain@xxxxxxxxxxx>

>Thierry Bouche wrote:
>> le sentiment d'achèvement que cela induit.
>----
>Ben moi, ce sentiment me gêne... Pourquoi ? Tu l'expliques très bien
>dans la suite de ton message :
>
>> Aussi (mais c'est une FAQ, qui voudrait rédiger quelque chose à ce
>> sujet pour la FAQ ?) ça participe de la fondamentale dissymétrie des
>> formes typographiques. Une phrase débute par une majuscule et s'achève
>> par un point. Un chapitre débute par un retrait d'alinéa (ou une
>> lettrine) et s'achève sur une ligne pleine. On s'aperçoit que plus la
>> typo est aux mains de _graphistes_, plus la symétrie cherche à
>> s'imposer (exemples archétypaux : « Le roi lioN », mais aussi « le bon
>> usage »). Méfions-nous de la « raison graphique » ! Préservons le
>> déroulement de la pensée (à sens) unique !
>----
>Oui ! mille fois oui ! Alors ne réindroduisons pas in extremis le
>sentiment statique, donc morbide, de l'achèvement... Préservons le
>déroulement dynamique, même après le point final.
>Prends les plus grands romans... Leurs ultimes lignes souffriraient
>beaucoup d'être pleines ! C'est encore plus vrai si les derniers signes
>précèdent le néant... Inutile d'évoquer celles qui sont inachevées...
>Quelle tristesse de buter bêtement sur la marge ! (Sauf à vouloir que
>cette particularité finale signifie explicitement quelque chose...)
>Amicalement,
>Jean-Pierre Lacroux


   Immixtion dans ce débat d'un non-spécialiste non-typographe, mais
néanmoins lecteur occasionnel d'imprimés. Pour moi, un roman qui se
terminerait sur la marge de droite, c'est un peu comme si la vie du héros
s'achevait sur le tronc d'un platane. Il a manqué le tournant...

   Le « sentiment d'achèvement »... Normalement, on n'achève pas un alinéa
sur la marge de droite (pour mieux le distinguer de l'alinéa qui suit, je
suppose). L'achèvement normal d'un alinéa quelconque se situe quelque part
entre les deux marges, de préférence pas trop près de l'un ni de l'autre et
idéalement (quant à moi) vers le milieu. Pourquoi le dernier alinéa d'un
chapitre ne devrait-il pas connaître le même achèvement que ses
prédécesseurs? Si l'on préfère que le chapitre se termine sur une ligne
pleine, il faudrait pousser cette logique jusqu'au bout et exiger qu'il se
termine sur une page pleine également, une page impaire s'il vous plaît. Le
sentiment de plénitude serait alors rassasié... mais celui d'achèvement?

   Quand l'alinéa se termine sur la marge de droite, il y a alors ambiguïté
avec une simple fin de ligne. Le lecteur pourrait hésiter et se demander :
 Ne manque-t-il pas quelque chosee à cet alinéa? » Il pourrait même, ô
horreur, douter : « Les typographes n'auraient-ils pas oublié par mégarde la
dernière ligne? »

   Alors que le blanc d'une ligne creuse signifie au lecteur : « Ici
s'achève l'alinéa. » Quant à une page « creuse », le blanc en fin de page
signifie : « Ici s'achève le chapitre. Lecteur, use à bon escient cet espace
qui t'est accordé pour méditer en toute quiétude sur ce dont tu viens
d'achever la lecture. »
















Bien médité?
Jean Fontaine
jfontain@xxxxxxxxxxx