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Message : Classifications, fond et forme (etait Re: chiffres haut & bas de casse)

(Olivier RANDIER) - Lundi 27 Juillet 1998
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Subject:    Classifications, fond et forme (etait Re: chiffres haut & bas de casse)
Date:    Mon, 27 Jul 1998 04:24:27 +0200
From:    Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>

>Bonjour,
>Je tiens d'abord à vous féléiciter pour cette liste qui est une grande
>source d'enrichissement.

Merci, merci ;)))

>Cette grande confusion, il me semble, n'est pas la mienne, et, dirigeant
>depuis trois ans un magazine littéraire, j'ai toujours voulu accorder le
>plus grand soin au choix des typographies, en regard du sens même du travail
>des différents écrivains, (il resterait à définir, bien entendu, le "sens"
>d'une famille typographique...) tout en maintenant une cohérence à la
>maquette générale. Pour ma part, j'ai plutôt la fibre rigoriste, et je me
>tourne pour mes propres textes-souvent au dépit, je dois l'avouer, de la
>lisibilité- vers des didones étroites.

Des didones étroites ? Vous écrivez des ouvrages sur le Droit ?

Bon, faut pas écouter Jean-Pierre, c'est rien qu'un père-la-virgule
rabatjoie ;)
S'il a raison de dire qu'une mise en pages et une typographie admirable ne
sauveront pas un texte médiocre, et qu'inversement un bon texte peut faire
oublier les horreurs typographiques si répandues de nos jours, il n'empêche
qu'une mise en pages et une typographie pleinement accordée au fond procure
un plaisir supplémentaire (que bien peu de gens apprécient, hélas). Mais il
est vrai que c'est surtout par défaut que ça joue : une bonne mise en pages
est celle qui s'efface devant la pensée de l'auteur (évidemment, quand il
n'y en a pas, il ne reste plus grand chose).
Moi, ce qui va me choquer le plus, ce sont les typographies anachroniques.
Par exemple, j'ai trouvé chez ma mère un Villon édité par Jean de Bonnot.
Le texte est proposé sous trois formes : les manuscripts de l'auteur, une
mise en pages en Garamond, classique et une autre en Textura. Pas de
problème pour le Garamond, on peut très bien imaginer que certaines des
premières éditions de Villon ont été composées ainsi. Par contre, la
Textura apporte au texte un coté rigide et teuton assez contradictoire avec
l'esprit "libertaire" de Villon. Ca part d'un bon sentiment, l'idée étant
de donner une idée de la typographie de l'époque. Le problème, c'est que la
Textura a été peu utilisé en France, où on lui a préféré la gothique
cursive. Bon, Jean de Bonnot a une excuse : il n'existe pas, à ma
connaissance, de version électronique ou plomb de la gothique cursive
française (une honte, alors que la France a produit quelques-uns des plus
grands ateliers de copistes).
Bon, tout ça pour dire que ce qui compte surtout, c'est d'éviter l'impair
historique : on ne compose pas la poésie de Ronsard en Didot, ni Montaigne
en Helvetica.
Pas de recours, donc : il faut connaître l'histoire de la typographie. Lire
La civilisation de l'écriture, que j'ai déjà  cité dans un message
précédent.

>Mon problème est basique, en fait : celui de la classification.

Là aussi, d'accord avec Alain.
N'en déplaise à Jean-Pierre, la classification Vox-Atypi est plus
pertinente. Prenons un exemple : les incises. Chez Thibaudeau, elles sont
une sous-classification du Romain Elzévir, ce qui pourrait amener à penser
qu'elles ont un rapport historique avec celles-ci. C'est faux, puisque les
incises sont une invention récente, postérieure aux linéales qu'elles sont
venues "humaniser".
D'autre part, l'argument de la simplicité de la Thibaudeau ne tient pas,
puisque, si on la prend dans son intégralité, elle comporte treize
familles, soit trois de plus que celle de Vox. Si on parle de Jacno, oui,
elle est plus simple, et peut être considérée comme spécialement dédiée au
labeur. Mais peut-on encore parler de classification ? D'autre part, et
c'est plus grave, la terminologie de Thibaudeau pose problème, parce
qu'elle fait appel au jargon de l'époque, lequel est parfois en
contradiction avec d'autres disciplines : par exemple, avec la terminologie
du calicot. Thibaudeau appelle Égyptienne ce que les compagnons du calicot
appelle Monstre, Elzévir ce qu'ils appellent Antique, et Antique ce qu'ils
appellent Égyptienne. Et quand on commence à parler d'autres langues, ça
devient l'horreur absolue.
En fait, si on regarde de plus près, les classifications se recoupent
largement sur les catégories désignées. L'apport essentiel de Vox, à mon
avis, c'est d'avoir employé une terminologie synthétique, qui évacue les
contradictions entre jargons, en restant accessible au commun des mortels
(ce qui n'est pas le cas d'Alessandrini). Il est d'ailleurs regrettable que
l'Atypi, en traduisant cette classification en anglais, y ait réintroduit
des ambiguïtés. Par ailleurs, les "non-latines" que J.-P. reprochait à Vox,
semble être une invention de l'Atypi (salauds !).
Il y a un bon comparatif des classifications dans Maquette et mise en page
de Pierre Duplan et Roger Jauneau, aux Éditions du Moniteur, un classique.

>Je rencontre sans cesse des problèmes de charte : faut-il une espace avant
>le point-virgule? A quoi servent exactement les différents types de
>guillemets?..

Comme JiPéHèl et AHache : le lexique de l'I.N., à compléter avec une
ancienne édition du Code du Syndicat. Et bientôt, peut-être la FAQ, pour
comprendre le pourquoi du comment...

Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
		http://village.cyberbrain.com/technopole/Experluette
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse
(projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie
illustrative).