Re: TDC 45

[Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxxxxxxx>]

At 13:34 +0100 6/12/98, Jean-Pierre Lacroux wrote:
>C'est pire... mais, pour en revenir au « nombre » de créateurs de
>caractères inscrits dans les compétitions internationales, je trouve que
>la faiblesse de la participation française est une excellente chose, un
>symptôme de santé mentale...
>
J'abonde... j'abonde encore... Pas par « cocorico », je m'en fous, mais
l'abondance de l'offre en polices finalement rigoureusement semblables, et
parfaitement inutiles pour la plupart, a quelque chose d'effrayant.

Tous ces gens croient qu'ils savent créer des caractères, parce que c'est
plus facile (en tout cas moins fatiguant et moins salissant) de tirer une
souris que de pousser une lime. Quand à l'inspiration, au talent, au
savoir, au génie... c'est supposé résider dans l'ordinateur !

Ce qui est intéressant, c'est l'usage qu'en fait la publicité : prendre une
police simplement parce qu'elle vient d'être commercialisée, en s'imaginant
qu'elle n'a jamais été vue par personne, alors qu'elle ressemble comme deux
gouttes d'eaux à une autre police commercialisée deux mois plus tôt
(généralement par le même éditeur : Emigre semble s'être fait une
spécialité de ce genre d'attitudes).

>Imaginons que ce cher Claude
>revienne
>parmi nous et découvre avec ravissement que Fontographer est plus
>facile
>à manier que le burin et la lime.
>
À l'époque du « cher Claude », ce bienfaiteur de l'humanité (dont je n'ai
jamais dit que c'était une chochote, contrairement à ce qui a pu s'écrire
ici ;-))), on fabriquait beaucoup de polices « nouvelles ». Il s'agissait
de clones, de piratage : rien d'original, et d'ailleurs personne ne
prétendait que cela l'était : c'était fait pour être vendu comme polices
clonées, et rien de plus.

Ça a duré longtemps, et j'ai le sentiment que cette folie pseudo-créatrice
(je veux dire : cette prétention à l'originalité) est tout à fait récente.
Mieux, je parie qu'elle date de l'arrivée d'Internet dans le grand public :
nouveaux besoins (mais combien de polices effectivement adaptées à la
lecture sur écran ont-elles été dessinées ?), nouveau public, nouveaux
moyens de diffusion (et piratage accru, of course).

Cette massification de la production d'objets interchangeables, mais qui se
présentent comme des « oeuvres originales », n'est, cela étant, pas
spécifique à la typographie : on trouve ça un peu partout, du livre au
cinéma, de la machine à laver à la gastronomie : c'est surtout un signe des
temps, non ?

>Pour qu'il n'y ait pas de quiproquo : je ne parle que des créateurs de
>caractères typographiques, c'est-à-dire de gens admirables
>
Pour qu'il n'y ait pas de quiproquo : nous sommes bien d'accord. Hormis les
jeux purement graphiques, qui peuvent être rigolos ou merveilleux, mais ne
sont plus tellement réutilisables une fois employés par leur créateurs (je
pense au grunge, quand il était créatif, donc il y a longtemps), combien de
polices _réellement_ nouvelles et _réellement_ utilisables ont-elles été
crées dans les... disons dix dernières années ? Cinq ? Six ? Il faudrait
recenser !

Pour les admirateurs de Porchez : LeMonde est à mon avis une vraie création
(même si sa totale originalité reste à démontrer, mais bon : on ne fait pas
la révolution tous les matins), mais pas la Parisine, par exemple.

Alain Hurtig                                    mailto:alain.hurtig@xxxxxxxxxxx
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Recherchons les enfants, les parents des enfants, les enfants des enfants,
les cloches du printemps, les sources de l'été, les regrets de l'automne,
le silence de l'hiver.
   Philippe Soupault, _Un deux ou trois_.