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Message : Re: La compo des pages jaunes sur Internet

(Jacques Melot) - Dimanche 23 Mai 1999
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Subject:    Re: La compo des pages jaunes sur Internet
Date:    Sun, 23 May 1999 11:37:29 +0000
From:    Jacques Melot <melot@xxxxxx>

 Le 18/05/99, à 22:15 +0000, nous recevions de Olivier RANDIER :

>Après avoir eu la désagréable surprise de constater que tous les avocats
>de sa ville avaient disparus de la dernière édition de l'Annuaire soleil
>-- un annuaire privé local, ma mère m'a demandé de contrôler si son
>cabinet était bien référencé sur les pages jaunes version internétique.
>J'ai donc fait un tour pour voir sur http://www.pageszoom.com/. Bon, elle
>y était bien, mais là n'est pas la question. Ce qui m'inquiète, c'est la
>forme que prennent les adresses sur la version Web :

>Machin Truc	<-- c'est le nom et le prénom 0X 0X XX 00 X0	<-- c'est
>le téléphone
>télécopie:	<-- notez l'absence d'espace avant le deux-point... 0X 0X
>XX 00 XX
>116 r du Pont aux Anes <-- pas de virgule après le chiffre, pas de point
>abréviatif, pas de traits d'union
>94120 BOISSY SAINT LEGER <-- pas de trait d'union, pas d'accents (air connu)

>Et tout est à l'avenant...

>Bon, que les PTT persistent à nous emmerder avec l'unique exception
>incontournable (et très contestable) à l'usage des accents et des traits
>d'union dans les noms de lieux, on a fini par s'y faire. Mais doit-on
>accepter d'étendre ce genre d'incongruités à toute l'adresse ? Comment
>conserver un semblant de cohérence et de sens à ces choses, si LA
>référence fait n'importe quoi ??? Je précise que ces fautes sont
>systématiques. C'est d'autant plus grave qu'il est probable que ces
>adresses seront fréquemment réutilisées telles que, après avoir été
>pompées directement sur la toile. Un doute affreux m'étreint : comment est
>la version papier ? Aaarggh, faut que j'aille voir.
>Que diriez-vous d'un mail-bomb : mailto:pages.jaunes@xxxxxxxxxxxxxxxx ?

>Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
>	http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html Experluette
>: typographie et technologie de composition. L'Hypercasse (projet de base
>de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie illustrative).




   Je prends le train en marche et viens ajouter mon grain de sel...

   Quel que soit l'origine, le sens et la valeur de cette fameuse virgule
(après le numéro de la rue), il s'agit incontestablement d'un usage qui
s'est établi. Être en usage ne signifie nullement être optimal du point de
vue de la logique ou à d'autres points de vue, même utilitaires. Nous en
avons un autre exemple avec l'abréviation M. pour Monsieur, alors que Mr,
comme nous (enfin, au moins Jean-Pierre Lacroux et votre serviteur!)
l'avons reconnu dans le présent forum, serait préférable.
   Doit-on suivre aveuglément l'usage, figeant ainsi les choses pour
l'éternité? Et sinon, qui peut ou doit décider  des changements et de leur
nature? J'avoue que je suis très hésitant en ce qui concerne ce dernier
point. On tombe si facilement dans la présomption. Quand au premier, il est
évident l'usage n'est pas intangible et peut évoluer. Mais il peut aussi
changer par un phénomène d'aliénation culturelle (tel l'« influence »
anglo-saxonne actuelle, par exemple) qui consiste à remplacer, purement et
simplement, un usage par un autre, pour des raisons qui n'ont rien à voir
avec un progrès (phénomène de colonisation des esprits).

   Pendant que j'y pense, nous avons, en français, un autre exemple dans
lequel l'emploi de la virgule est parfois qualifié de conventionnel, là où
la logique (mais vous savez ce que je pense de la logique, n'est-ce pas?!)
- donc j'ajoute : primaire - voudrait qu'on n'en mette pas (dans certaines
langues, comme l'anglais, on l'omet effectivement dans ce cas) : entre une
énumération et un « etc. » qui la suit immédiatement. En effet, « etc. »
(d'abord noté &c.) est une forme abrégée de « et caetera », c'est-à-dire «
et la suite ». Cependant il est possible de mettre une virgule avant « et »
en français, dans les circonstances que nous savons (par exemple, « et
ainsi de suite » s'emploi très souvent précédé d'une virgule). Forts de ce
rappel, je vous laisse conclure quant à l'opportunité d'une virgule devant
« etc. »... (on prétend de plus en plus souvent, dans un accès de
révisionnisme linguistique bien pensant, chez les universitaires
anglo-saxons notamment, qu'il ne faut pas de virgule devant « etc. » en
anglais - ce qui est faux - ou même d'une manière générale dans les autres
langues).


   Si l'on trouve des horreurs sur le modèle de :

Machin Truc	<-- c'est le nom et le prénom
116 r du Pont aux Anes    <-- pas de virgule après le chiffre, pas de point
			      abréviatif, pas de traits d'union
94120 BOISSY SAINT LEGER  <-- pas de trait d'union, pas d'accents

   il est probable que l'explication ultime de ceci réside dans le désir
d'optimiser le coût de production, l'utilitarisme faisant complètement
table rase du bon usage typographique. On réduit à son minimum le signe
considérant que le reste est sans importance. C'est là que le bât blesse,
car l'annuaire en question constitue un document utilisé fréquemment,
constitué de centaines de milliers, voire de plusieurs millions d'adresses,
autant d'exemples qui contribuent à perturber le peu de connaissances des
usages typographiques que tout un chacun a pu assimiler, plus
inconsciemment que consciemment, au cours de sa vie, à l'occasion de ses
lectures.

   Quant aux capitales non accentuées dans les noms de personnes, c'est une
autre histoire (qui rejoint celle de non accentuation des capitales en
général). Il s'agit plutôt d'un des avatars de l'esprit français fait -
pour ce qui concerne son mauvais côté - d'arrogance, d'ignorance et
d'imprécision (je précise, car je suppose que cela commence à devenir
urgent de le faire, que je suis Français, pour le meilleur et pour le
pire). Tout cela, bien entendu, a tendance à ressortir tout spécialement
dans les milieux à la fois protégés et puissants, donc tout
particulièrement dans l'administration.
   Je pense que ce qui est derrière n'est rien d'autre que l'idée que «
tout le monde » comprend que « ANDRE MELOT », c'est (... mon papa, certes,
mais encore...) André Melot... ou Mélot...
   Tout est là : « tout le monde comprend »... ce qui sous-entend que ceux
qui ne participent pas de l'univers français, n'existent pas ou sont
quantité négligeable (« les étrangers nobles, eux, comprennent bien sûr
tous le français ».).
   Quand à l'ambiguïté MELOT -> Melot ou Mélot, on s'en accommode : « ça
n'a pas d'importance », « on se débrouille », « c'est pas vraiment un
problème », etc., etc. Cela fait partie d'un manque de précision endémique,
d'une propension à se contenter de peu, d'à-peu-près, d'expédients aussi,
ce que l'on retrouve notamment dans la faiblesse chronique des ambitions
qui ne deviennent fortes que lorsque les conceptions saines ont fait place
au dernier des cynismes (humm! aujourd'hui, je me trouve bien caustique!
C'est peut-être à cause de la neige) Enfin, c'est sûrement l'envers d'une
médaille somme toute pas si laide...
   Si vous ne vous reconnaissez pas dans ce tableau généralisateur - après
tout nous ne serons jamais que des individus -, vous y reconnaîtrez bien
quelque type de français idéalisé (pensez, par exemple, à certains éléments
de la faune de l'émission de télé de Polack, « Droit de réponse », le
samedi soir, si mes souvenirs sont exacts). Que voulez-vous, il y a des
coups de pieds dans le c... qui se perdent, alors il faut bien appuyer un
peu sur ces choses parfois (en général, pour des raisons techniques -
comprenne qui pourra - j'évite d'appuyer sur le champignon, alors il faut
bien que je me défoule autrement).

   L'argument de l'enveloppe (Alain Joly) que l'on jette après l'avoir
ouverte ne tient guère : que fait-on le plus souvent avec les journaux,
sinon les jeter après usage (ou équivalent)?

(>Une adresse écrite (ou imprimée) sur une enveloppe sera réduite à son
expression purement fonctionnelle parce que, dans tous les cas, la dite
enveloppe sera jetée à la corbeille par son destinataire dans les instants
qui suivront son ouverture [...].)


   Jef Tombeur, pour sa part, ajoute :

>Comme dirait le "méchant Méron" :-)), pourquoi ne pas se rallier aux normes ?
>Pour le téléphone, on en a déjà discuté (+33 etc)
>Pour les codes postaux :
>F-00000

   Oui, mais voilà! d'autres, tels les Suédois, ont adopté pour les noms de
pays, depuis quelques années, le code alpha-2 de la norme ISO 3166
(j'espère que je ne me trompe pas de numéro) : pour la Suède, ils emploient
désormais SE (au lieu de S), pour la France FR (au lieu de F), DE pour
l'Allemagne (au lieu de D), etc.
   (Cet usage d'une norme en remplacement du code utilisé jusqu'à présent
(celui pour les véhicules) et qui, a bien des égards était assimilable à
une norme ou même en était une au plein sens du terme, est d'ailleurs à
l'origine de difficultés : par exemple, FR y était le code pour les Féroé!)

   En ce qui concerne maintenant la reconnaissance optique des adresses, je
vais vous faire bien rire et, surtout, vous communiquer un truc utile.
   Tout ce que le logiciel de reconnaissance n'arrive pas à traiter aboutit
à ce que le personnel des poste, au tri, appelle « le rebut ». Ce rebut est
trié à la main. Il paraît que, l'un dans l'autre, le rebut est acheminé
plus rapidement que le courrier régulièrement reconnu par les machines.
Personnellement, je sais par expérience que le courrier qui m'est expédié
depuis la France et qui met le moins de temps pour me parvenir (2 à 4 jours
pour le courrier « Prioritaire ») est celui qui a été trié manuellement et
expédié dans des enveloppe au grand format (A4 et plus).
   Ma conclusion est donc : n'hésitez pas à capitaliser et à mettre tous
les signes typographiques qui vous semblent bons ou nécessaires! Si vous
augmentez le « rebut » à traiter, vous pouvez caresser l'espoir de diminuez
d'autant le chômage... En faisant un effort (ce qui est une manière de
payer) pour écrire les adresses de manière codifiée, vous participez, même
modestement - mais les petits ruisseaux font les grandes rivières - à
diminuer le personnel nécessaire au tri. L'argent ainsi économisé par les
P.T.T. n'est pas réinvesti dans une cause noble : il correspond seulement
indirectement aux directives du Fonds monétaire international (qui, entre
autres, recommande de limiter le plus possible toutes les dépenses
publiques, restrictions qui englobent explicitement l'éducation et à la
culture).


[Olivier Randier :]

>On sait que les PTT prescrivaient que les adresses ne devaient pas
>comporter de traits d'union ou d'accents, parce que ceux-ci n'étaient pas
>reconnus par leurs appareillages de reconnaissance optique. Je suis
>convaincu que ceci n'est plus vrai, [...]


   C'est l'argument avancé par les P.T.T., mais cela n'a jamais été vrai :
il s'agit d'une explication pleine de mauvaise foi. Ces limitations
techniques résultaient d'un choix guidé en tout par des considérations
économiques, l'exactitude extra-postale dans l'orthographe des noms de
lieux étant implicitement regardée comme négligeable et représentant un
surcoût (de programmation, de temps de traitement) injustifié. Dans de tels
cas, un bon réflexe est d'aller jeter un coup d'oeil à ce qui se fait à
l'étranger. En Allemagne, la « norme » postale consiste à écrire le nom de
la localité en bas de casse (avec capitale à l'initiale, évidemment) afin
de pouvoir écrire le nom du lieu sous sa forme exacte, car à l'époque où
ces règles ont été élaborées (vers 1970, si mes souvenirs sont exacts) les
capitales accentuées n'étaient pas toujours accessibles ou réalisables
proprement. Même chose en Suède et de manière moins ambiguë, car en
Allemagne, si ma mémoire ne me trahie pas, on tolère ou même recommande
(peut-être même impose!) une translitération des capitales « oumlaoutées »
(ö -> oe, etc.).


[Thierry Bouche :]

>Moi aussi. Mais le truc qui apparaît après le code postal n'est pas un nom
>de lieu, mais le nom de code du bureau distributeur. ALENCON est
>l'orthographe correcte de ce code, même s'il s'agit du bureau de la bonne
>ville d'Alençon.

   Ce n'est pas très convaincant. Dans ce cas, il suffirait d'employer un
code postal entièrement constitué de chiffres (un ou deux de plus à l'heure
actuelle). Ici « ALENCON » est bien mis pour « Alençon », que les P.T.T.
demandent donc bel et bien d'écorcher.

   Un cas qui n'a pas été évoqué ici, mais qui, passez moi l'expression, me
fait royalement ch..., est celui des adresses anglaises, qu'on ait à les
écrire linérairement ou sous forme développée (j'entends par là les écrire
sur le nombre de ligne requis sur l'enveloppe). De manière plus générale et
inversement, je me mets à la place des étrangers qui ont à utiliser une
adresse qui se présente sous une forme peu familière lorsqu'elle est donnée
sous forme linéaire. (Je remercie par avance ceux qui pourront m'expliquer
une fois pour toute comment écrire correctement sur une enveloppe une
adresse anglaise. Même chose pour les adresses en Amérique du Nord,
notamment en ce qui concerne les retours à la ligne.)
   Par exemple, l'adresse des auteurs d'un article dans une revue
spécialisée est très souvent donnée en note infrapaginale sur la première
page de l'article. On conçoit mal donner ces adresses sous leur forme
développée et le fait est que je n'ai pas souvenir de l'avoir vu faire.
Dans ce cas, une solution, peu élégante, mais efficace, serait de marquer
les renvois à la ligne comme on le fait dans la pratique des
documentalistes : en utilisant la barre verticale (|). Personnellement,
j'utilise les points, tout simplement, et je me comprends, mais suis-je
vraiment compris par tous?

Jacques Melot. 16, rue Rochebrune. F-75011 Paris. melot@xxxxxx

Jacques Melot. B. P. 1599. IS-121 Reykjavík. melot@xxxxxxxxxxxxxx

   Peu satisfaisant? Si oui, que dire alors de :

Jacques Melot |16, rue Rochebrune | F-75011 Paris | melot@xxxxxx

Jacques Melot | B. P. 1599 | IS-121 Reykjavík | melot@xxxxxxxxxxxxxx

   On peut douter que le jeu en vaille la chandelle, encore que...

   Salutations amicales,

   Jacques Melot, Reykjavík