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Message : Re: Pourquoi un corps 12 est-il appelé corps 12 ?

(Olivier RANDIER) - Jeudi 14 Octobre 1999
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Subject:    Re: Pourquoi un corps 12 est-il appelé corps 12 ?
Date:    Thu, 14 Oct 1999 01:41:50 +0200
From:    Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>

>>> En fait, il semble que ce soit la Linotype qui est à l'origine de certaines
>légendes tenaces. Dans les fontes de labeur en plomb, ainsi que dans leur
>version électronique la plus courante, le corps correspond à l'oeil des
>caps plus les descendantes, plus un talus de pied et de tête (seuls les
>accents débordent d'environ la moitié de leur hauteur). En linotypie, par
>contre, les talus de pied et de tête ont disparu.
>
>
>   J´ai hâte de scruter avec toi le matériel que tu as ramené, car
>l´assertion « pas de talus » me stupéfait.

Je confirme l'absence de talus. Je peux même te dire que certains titres
sont composés sur des lignes de lino dont la hauteur correspond à celle des
bas de casse !

>   En revanche, j´en profite pour poser la question qui me harcèle depuis
>1986 :
>
>   Si on appelle « bodoni corps 12 » une certaine police de caractères,
>c´est qu´elle a été dessinée de telle sorte qu´on puisse s´en servir (par
>exemple en linotypie) avec un interlignage de 12 points, avec les seuls
>talus (tête et pied) prévus par le créateur.

C'est vrai au plomb (sauf en titrage), pas en lino (ou alors, les lignes
fondues qu'on a récupérées ne sont pas de la lino).

>   Quand j´ai regardé de près un « corps 12 » PostScript, j´ai vu que les
>logiciels ajoutaient d´eux-mêmes un « sur-interlignage » qui faisait que
>mon 12 se voyait « fondu 15 » ou plus, par défaut.
>   Et c´était une bonne idée car une compo en « 12 fondu 12 » était
>illisible pour beaucoup d´entre eux (j´ai refait l´expérience hier avec
>Illustrator [pour profiter du zoom] et un bodoni d´Adobe : en 12/12 le bas
>du « q » flirte méchamment avec le haut du « A » et bouffe le haut du
>« É » ; et Illustrator l´interligne à 14,5 par défaut).

Généralement les fontes électroniques comportent juste le talus minimal
nécessaire pour qu'ascendantes et descendantes ne se touchent pas.
Pratiquement tous les logiciels de mises en page ou de traitement de textes
ont une fonction d'interlignage automatique. XPress a une valeur par défaut
de 120% du corps. Bien entendu, quand on a un peu l'habitude, on apprend à
ne pas s'en servir et à donner des valeurs d'interlignage absolues de façon
à avoir un bon résultat en fonction de la fonte choisie.
La fonction d'interlignage est donc dissociée du dessin de la lettre.
À part certaines limitations mathématiques, rien n'empêche toutefois de
fondre un c. 7 sur du 24, ni un 24 sur du 7 ! C'est ça, le virtuel.
Ça comporte des avantages et des inconvénients. Je peux développer si ça
t'intéresse.

>   Question : dans ce cas, pourquoi le fondeur l´a-t-il appelé « corps 12 » ?

En compo électronique, la mention du corps, si elle existe, se réfère au
dessin. Le Times Ten, par exemple, a été numérisé à partir d'un corps 10.
Il a donc les corrections optiques correspondant à un c. 10. Bien entendu,
une fonte postscript peut être utilisée à n'importe quelle taille. Il
n'empêche que le dessin correspond à un c. 10, ce qui veut dire qu'en c.
100, le résultat sera probablement mauvais. Il est d'ailleurs regrettable
que cette information soit si rarement disponible. Pour résoudre ce
problème de dessin, certaines fontes comportent des versions "Titling" ou
"Display" redessinées pour l'usage en grands corps. L'ultime solution étant
l'axe corps des polices Multiple Masters qui permet, à partir de quelques
dessins extrêmes, de créer par interpolation différentes tailles avec des
corrections optiques adéquates.

Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
	http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse
(projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie
illustrative).