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Message : Re: Typographie et livre electronique (long)

(Olivier RANDIER) - Mercredi 24 Novembre 1999
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Subject:    Re: Typographie et livre electronique (long)
Date:    Wed, 24 Nov 1999 01:04:36 +0100
From:    Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>

La diversité des opinions montre que rien n'est encore sûr, même le pire.
Je crois qu'avant de faire de la prospective à haut risque, il importe de
bien distinguer les différents aspects du problème.

On en peut pas mélanger forme, supports, formats, processus d'édition,
problèmes économiques et marketing.

Sur le plan du marché, je suis personnellement convaincu qu'il y a un
marché pour le livre électronique, et que ce marché deviendra rapidement
important.
Ce marché se substituera-t-il à celui du livre papier, ce n'est pas
évident. Il est plus que probable que, les premiers temps, les deux
coexisteront et ont peut même imaginer que le livre électronique servira
d'abord surtout à ouvrir de nouveaux marchés, peut-être grâce à des
concepts nouveaux.

Ce sont ces concepts nouveaux qui constituent l'apport essentiel du livre
électronique. On peut citer, en vrac : l'hypertexte, l'indexation
automatique, l'interaction avec des dictionnaires ou autres ouvrages de
références, ainsi que d'autres outils de traitement automatique du texte,
même si certains n'en sont qu'à leur balbutiement (classement, analyse,
recherche, traduction, etc.), le suivi des mises à jour, la possibilité de
prendre des notes, de récupérer facilement les données, etc. Et il y en
aura sans doute d'autres.
Négliger le potentiel de ces nouveaux concepts serait une erreur :
imaginait-on l'impact de l'hypertexte avant Internet ?...
On peut d'ailleurs lier l'évolution du livre électronique à celle
d'Internet. Si le vulgum pecus ne comprend pas aujourd'hui l'intérêt du
livre électronique, on peut en dire autant d'Internet, il y a quelques
années. Quand la majorité sera connecté à Internet (dans moins de cinq ans,
je pense), on peut imaginer qu'elle souhaitera bénéficier des mêmes
fonctionnalités dans sa bibliothèque électronique (ah, lancer une recherche
dans toute sa bibliothèque !). J'imagine assez bien que pourrait s'imposer
auprès du grand public une mini-console Internet/livre électronique.

En ce qui concerne les problèmes économiques, je pense que, dans un premier
temps, le livre électronique sera surtout un plus, un service
supplémentaire, donc un surcoût. Un investissement destiné à conquérir des
parts de marché.
Il ne pourra donc pas servir à faire des économies. Quand au problème de
regroupement des entreprises au niveau international, c'est lié au contexte
économique dans lequel nous évoluons (hélas), ce n'est pas directement lié
au changement de technologie. C'est une question d'opposition entre une
logique industrielle et une logique artisanale. Personnellement, je suis
profondément convaincu que le livre doit rester un artisanat. Mais je suis
un dinosaure, sans doute... Bien sûr, il y aura sûrement de nouveaux
acteurs, mais je pense (j'espère) que le lecteur jugera vite ceux qui
s'imaginent pouvoir produire du livre comme on produit des logiciels...

D'autre part, le fichier électronique sera probablement produit à partir de
la même source que la version papier, justement pour minimiser les coûts.
Donc sa forme sera nécessairement très proche de la version papier.
Rappelons-nous aussi que l'imprimerie, à ses touts débuts, a servi à copier
le manuscrit. Ce n'est qu'après qu'elle a imposé ses propres règles
(lesquelles sont devenues plus strictes que celles du manuscrit).

C'est là que se pose le problème du format. Hormis le format propriétaire
microsoftien proposé (dont j'espère qu'il finira le plus vite possible aux
oubliettes ! -- prions la justice américaine ;-), on peut s'attendre à voir
s'affronter deux formats : PDF et HTML/XML.
HTML/XML peut s'imposer pour certains ouvrages spécialisés, à cause des
fonctions complexes qu'il peut apporter (par exemple, la possibilité de
générer des pages automatiquement en réponse à une requète), utile pour une
encyclopédie, un catalogue. Mais PDF sera certainement celui qui
s'intégrera le plus facilement dans la chaîne de production, comme il le
fait actuellement dans les flux prépresse. J'imagine que personne ici
n'envisagerait de guetter de coeur de composer désormais des livres sur
DreamWeaver ! ;-)
Si c'est le cas, il n'y aucune raison (rationnellement, j'entends) que la
forme en patisse. Par contre, la composition pour écran pourra imposer
certaines règles supplémentaires ou en modifier certaines, mais on devrait
pouvoir rester dans le même contexte. Plus vite les professionnels
maîtriseront ce nouvel outil, plus la transition sera fluide, et plus la
qualité sera préservée.

Quand au support matériel de ce livre électronique, il est clair qu'il
n'est pas encore abouti. Mais ça va bouger très vite. On annonce 600 dpi
avec ClearType pour bientôt (mais c'est une escroquerie, ça ne marchera pas
sur du texte en couleur, par exemple). Je pense qu'on peut arriver
rapidement à un 300 dpi réels. Il faudra beaucoup travailler sur la qualité
de l'écran (couleur, luminosité du blanc, définition, toucher). Il y aura
aussi le problème des formats divers d'empagement (écrans modulables ?).
La chose qui me gène le plus dans les objets proposés pour le moment
(excepté le grand format pour magazine, c'est l'écran unique censé
remplacer la double page. Je trouve ça idiot : ça déroute l'utilisateur, ça
restreint l'usage. Alors qu'un deuxième écran serait tellement utile, pour
afficher simultanément une autre page du document ou d'un autre, consulter
une encyclopédie ou des traductions, prendre des notes avec un stylet ou en
affichant un clavier tactile. Ça ne changerait rien à l'encombrement de
l'objet, il suffit de deux écrans qui se replient l'un sur l'autre, comme
un livre ordinaire.
Mais le papier électronique pourrait bouleverser encore la donne, et posera
des problèmes spécifiques, également.

Voilà, c'était mes deux euros...
Et encore, on pourrait en faire encore comme ça pendant des plombes.

Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
	http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse
(projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie
illustrative).