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Message : Re: Traité du pointographe pervers... (Jacques Melot) - Lundi 12 Novembre 2001 |
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Subject: | Re: Traité du pointographe pervers... |
Date: | Mon, 12 Nov 2001 11:04:56 +0000 |
From: | Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx> |
Le 11/11/01, à 22:50 +0100, vous écriviez :
Jacques Melot a écrit une réponse de principe qui ne me convainc guère... > >Jorge de Buen a ressorti ses exemples d'asymétrie ¿...! qui permettent à>l'intonation de changer en cours de phrase, chose impossible en >français. Je ne suis pas d'accord du tout avec cette affirmation et je suis prêt à parier qu'il en sera de même de Jean-Pierre Lacroux.Mais moi je suis certain que Littré serait de mon côté...
Oaaaf ! Tu sais, Littré ou Lacroux, tu l'as dans l'aile à tous les coups.
> >Il semblerait néanmoins qu'à l'heure actuelle on ne puisse pas>s'amuser à finir par un point d'exclamation une phrase débutée >sereinement comme chez nous, Les points d'exclamations sont des détails aidant l'expression, non des éléments qui la conditionnent et sans lesquelles elle reste> impossible. Si les nuances dont tu parles sont humaines
et s'il les appréhende
> l'écrivain > saura les décrire, avec ou sans point d'exclamation ou autre signe.Les subtilités du maniement de la langue, chez la personne qui la maîtrise, permettent en principe à celle-ci d'exprimer toutes les nuances qu'il s'agit pour elle d'exprimer. Si en français la syntaxe du point d'exclamation est ce qu'elle est, c'est qu'elle suffit :« Toute langue est étrangère. »
Évidemment si tu balances d'emblée le sol-air... Je te rappelle que Ben Laden a la sagesse de ne pas encore en avoir utilisé une seule !
S'exprimer dans telle ou telle langue,
Oui, mais on sort là du cadre que je me nous suis fixé dans ma réponse.
avec son système de signes et de ponctuation n'est pas neutre, l'essentiel du sens peut certainement transiter par toutes les langues naturelles suffisament génériques,
Parfaitement cohérent, mais même remarque que ci-dessus.
et je ne doute pas que le français en soit, mais les nuances sont irrémédiablement perdues.
C'est le drame irrémédiable de cette bénédiction, de ce miracle qu'est l'altérité.
C'est aussi le (pain sec et l'eau) quotidien du traducteur (enfin, du vrai).La traduction, c'est comme la détermination en mycologie : quand tout colle, alors c'est que ce n'est pas ça ! (Romagnesi, pour le seconde partie de l'aphorisme). Et le traducteur trémalin c'est comme le linge, moins il en a et plus il les sort.
Un autre exemple, entre la langue de Molière et celle de Cervantes : estar et ser ne traduisent pas exactement le verbe être, il y a un truc en plus, qui n'existe pas chez nous.
Oui... oui et non. Cela me rappelle une réflexion récente (et récurrente) qui aurait pu être faite dans un autre forum (je tiens ce style... euh... subjonctif, qui permet de dire sans qu'on puisse être accusé de l'avoir fait, d'un certain Patrick Reumaux) : « hoax... mais c'est ni plus ni moins qu'un canular ! »... « Oh, non ! Ce n'est pas tout à fait la même chose, il y a une nuance ! », et ce mutatis mutandis pour tout terme étranger utilisé en français, quand bien même il est impossible de trouver une synonymie plus incontestable (cf. aussi mulch versus paillis, etc.).
On peut considérer que c'est purement conventionnel, dans la mesure où, dans la plupart des cas, l'emploi de l'une ou l'autre forme du verbe être en espagnol est codifié, mais la langue espagnole a choisi une fois pour toute ce qui est du côté de l'essence et ce qui relève de la substance contingente :
Tu ne fais là qu'exprimer que toute culture est une forme particulière de découpage de la réalité. Le passage d'une culture à l'autre du point de vue de la sensibilité pose les mêmes problèmes que ceux d'une langue à l'autre. La traduction n'est qu'un pis-aller, au mieux une délicieuse illusion. Mais dans le fond c'est un échec. Traduttore, traditore.
le français doit aller chercher du côté des philosophes allemands pour s'y retrouver... Quant aux points d'exclamation, je maintiens qu'un traducteur espagnol de Céline fait face au douloureux problème de décider _quand_ la tournure exclamative débute, puisqu'il _doit_ l'indiquer dans son système. La réponse des typographes est que ça ne se pose pas pour les points de suspension.
Si ton message initial ne concernait que ces aspects techniques, transculturels, liés à la traduction, je comprends bien sûr mieux ce que tu veux dire. Mais même là, je reste persuadé que le bon traducteur finira par trouver une solution satisfaisante, sans devoir recourir à des artifices typographiques.
Quant à ta position de principe, examinons cette phrase : ¿Quelle est cette tâche rouge sur ton cou, du sang! qu'on imagine pouvoir rendre fidèlement en français par : Quelle est cette tâche rouge sur ton cou ? du sang ! Mais prenons cet exemple de Jorge de Buen : ¿Tu as mangé tous les biscuits!
Pour moi, tout cela reste complètement artificiel : de purs exercices (j'aime ça d'ailleurs, jusqu'à un certain point). Encore une fois, je pense que l'écrivain français (pour prendre ce cas précis) parviendra à exprimer ces exemples... en français (à mon avis, à cause de la ponctuation, ils ne le sont pas pour le moment).
Comment rendre la continuité d'intonation interroexclamative permise par la ponctuation espagnole ?
Le dernier exemple me semble particulièrement douteux : il ne faut pas oublier que la langue est avant tout un phénomène oral (les gens, dans leur ensemble, ne savent lire que depuis quelques siècles, d'ailleurs faut le dire vite). À quoi donc correspond - réellement - une monstruosité telle que le dernier exemple ?
Si Céline est humain, comme ces lignes, alors il est traduisible. Ne me demande simplement pas comment, je n'ai jamais rien lu de lui, ni de Balzac, ni de Victor Hogo d'ailleurs. Sorti de Sade et de Restif de la Bretonne je n'ai rien lu, je suis un inculte total et c'est ce qui fait ma force. À défaut mon charme. À défaut de défaut, mon efficacité. Et sinon...
JacquesP.-S. Pourquoi ne pas avoir envoyé ton message au forum ? Il n'est pas hors sujet. Et il est intéressant.
Th. -- « Ella regresó al cabo de nueve días, con las mismas piernas. » Eduardo Mendoza, _la Aventura del tocador de señoras_.
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- Re: Traité du pointographe pervers..., Thierry Bouche (12/11/2001)