Archive Liste Typographie
Message : Re: Re: Traité du mycographe pervers...

(Thierry Bouche) - Lundi 12 Novembre 2001
Navigation par date [ Précédent    Index    Suivant ]
Navigation par sujet [ Précédent    Index    Suivant ]

Subject:    Re: Re: Traité du mycographe pervers...
Date:    Mon, 12 Nov 2001 12:16:06 +0100 (MET)
From:    Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>

Concernant « Re: Traité du mycographe pervers... », Eric Angelini écrit : «
» 
» [TB]
» > ¿Tu as mangé tous les biscuits!
» >
» > Comment rendre la continuité d'intonation
» > interroexclamative permise par
» > la ponctuation espagnole ?
» 
» ... mais pourquoi la rendre ? 

Il s'agit d'une discussion débutée lors du typothon, non sans dédain,
par l'un de nos hugolâtre procélinien. Mon angle d'attaque est certes
un peu flou : mise en compétition des génies respectifs de chaque
tradition écrite (y compris le système de ponctuation) _et_ traduction 
des effets attendus par l'auteur sur le lecteur.

» Je ne comprends pas.

personne n'est parfait...

» On lit de gauche à droite et l'esprit stocke, en lisant,
» un peu du début de la phrase. Il ré-interprète éventuel-
» lement ce début à la lumière de la fin. Parfois, même, il
» revient en arrière et relit, c'est tout. 

Moui, et si c'était le mode de fonctionnement imposé par le français ?
Il est en effet fréquent qu'on trouve un point d'exclamation ou un
point d'interrogation sur son chemin sans comprendre tout de suite
pourquoi il s'y trouve (à l'inverse, certaines phrases interrogatives
trop longues ont tendance à perdre le point du fait qu'on ne saurait
plus où le mettre [du genre questions à tiroirs avec listes de
réponses possibles, etc.]).

En allemand, il y a le très médiatique « après-coup », le sens entier
d'une phrase pouvant n'être révélé qu'au dernier mot.  À se demander
si le lecteur allemand lit de droite à gauche...

L'espagnol est très différent, il me semble que la référence est
toujours la langue parlée, l'écriture est purement phonétique, et les
signes de ponctuation relèvent plus de la notation musicale. C'est
comme si l'écrit était une partition que le lecteur joue dans sa tête,
la _compréhension_ se faisant une fois le texte commué en sons.  Un ¿
signifie : ici le ton commence à monter. De plus, il n'y a pas de
tournures interrogatives en soi. On peut écrire :

estoy vivo.
¿estoy vivo?
¡estoy vivo!
¿estoy vivo!

(et on n'a pas d'autre façon de le faire) là où en français on
pourrait écrire pour le dernier exemple : 

suis-je vivant !

» Il y a un ph(f)an-
» tasme de communication totale qui a la vie dure 

Mmh, dont je me sens plutôt indemne. Je me contente de traquer les
nuances. J'écris ceci pour titiller des plus savants que moi, surtout
de l'espagnol. Je suis très étonné des différences typographiques
essentielles entre ces deux langues latines que j'imaginais beaucoup
plus proches.

-- 
Thierry Bouche
--
« Elle revint au bout de neuf jours, munie des mêmes jambes. »
         Eduardo Mendoza, _la Aventura del tocador de señoras_.