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Message : Re: [typo] e crochet (était e ogonek)

(Pierre Roesch) - Mardi 27 Mai 2003
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Subject:    Re: [typo] e crochet (était e ogonek)
Date:    Tue, 27 May 2003 23:44:01 +0200
From:    Pierre Roesch <pierreroesch@xxxxxxxxxx>

le 14/05/03 15:14, Jacques Andre à Jacques.Andre@xxxxxxxx a écrit :

> La casse de Fertel (La science de l'imprimerie, 1723) comprend
> curieusement un « e ogonek » c.-à-d. un e (bdc uniquement) avec une
> cédille tournée dans l'autre sens.
> 
> Pourquoi ce signe (plutôt polonais ou Europe du Nord-Est) dans une casse
> française du xviii° siècle ?
> Ce qui est amusant c'est qu'elle apparaît dans la casse des « caractères
> vulgaires », pas dans celle « pour les ouvrages de qualité »

1) Les Polonais francophones semblent appeler l'«ogonek» cédille. Le terme e
cédillé est employé par des philologues français (Perret, 1998)
Bien qu'il ne s'agisse pas d'une cédille au sens strict du terme, il ne
semble pas y avoir de conflit.

2) Le mot cédille (et l'objet) vient de l'espagnol zedilla, petit z. D'où sa
forme qui ressemble à un z avec jambage collé au bas du c. C'est la forme de
z employée en phonétique pour le son de « je ».
Il est donc pertinent de s'inspirer de cette forme pour dessiner la cédille.

3) Robert Bringhurst, dans ³The Elements of Typographic Style², que je tiens
pour LE livre des typographes (et dont j'évoquerai peut-être un jour les
mésaventures de la traduction en français) nous apprend qu'«ogonek» (aussi
appelé ³nasal hook² ? crochet nasal) veut dire petite queue en polonais ; et
qu'il s'utilise en lithunien, polonais, navajo, tutchone, etc. Il le signale
avec a, e , i , o et u.
Il précise qu'il ne doit pas être confondu avec la cédille.
Le terme ³nasal hook² semble indiquer son usage pour signaler une
nasalisation de la voyelle.

3) La différence entre e sonore (ou «masculin») et e muet (ou «féminin»)
dans le français du XIIIe siècle conduit à l'emploi du «crochet» pour le
premier et même d'un e baré pour le second.
La différence entre é fermé et è ouvert sera ensuite signalée par les
accents que nous connaissons, mais dans certaines propositions de
grammairiens par un e + crochet + accent (aigu ou grave).
L'accent aigu apparait au XVIe.
Voir Michèle Perret, Introduction à l'histoire de la langue française,
Sedes, 1998.

4) J'ai trouvé les voyelles suivantes avec crochet dans la police Gentium ?
a typeface for the nations ? (multilingue et libre de droits) de
l'université de Reading
a, e, i, o et u, bdc et CAP.

Créateur : J. Victor Gaultney

victor_gaultney@xxxxxxx

http://www.sil.org/~gaultney/gentium/

5) Le rôle d'unicode est-il de faire figurer les versions historiques de
l'évolution des systèmes orthographiques ? Probablement non et il faut
laisser aux philologues le soin de produire des jeux de caractères rares et
actuellement inemployés, comme le e barré ou le e + crochet + accent aigu
des certaines éditions françaises de la Renaissance.

L'un des garants de la «philosophie» d'unicode est le Canadien John Hudson,
qui organise en ce moment le congrès annuel de l'ATypI à Vancouver (en
septembre).

6) Dans le livre de Bringhurst (version 2.4, 2001), on trouve (p. 74) un
Garamond de titrage (env. 42 pt) de 1530, redessiné vers 1550 avec le e
crochet et divers signes inhabituels (a, e et i avec tilde).