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Message : Re: [typo] Zurich, 1876, femmes typo

(Bernard Déchanez2) - Lundi 14 Juillet 2003
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Subject:    Re: [typo] Zurich, 1876, femmes typo
Date:    Mon, 14 Jul 2003 21:23:37 +0200
From:    Bernard Déchanez2 <bernard.dechanez@xxxxxxxxxx>

Le 13.7.2003 18:43, « Jef Tombeur » <jtombeur@xxxxxxx> a écrit :

> Ne lisant pas l'allemand, et ne me voyant pas chercher avec
> "frauen", "druck", ou divers mots de ce genre, je suis bien en peine
> de trouver le renseigment que je recherche.
> J'ai lu quelque part qu'en 1876, un imprimeur avait tenté, à Zurich,
> de créer une imprimerie employant très majoritairement du personnel
> féminin. Il aurait été contraint à renoncer, confronté qu'il était à
> l'opposition du syndicat des typographes.
> Quelqu'un(e) aurait le nom du fondateur, le nom de l'imprimerie, des
> renseignements ?
> Merci,

Le mieux serait, à mon avis, de prendre contact avec le syndicat Comedia (le
nouveau nom du Syndicat du livre en Suisse : <www.comedia.ch>). Ces
événements appartiennent à l'histoire du syndicalisme de l'imprimerie. Je
suis persuadé qu'un membre du secrétariat central devrait être en mesure de
vous fournir les renseignements relatifs aux conflits du travail dans
l'imprimerie à Zurich et ailleurs à la fin du XIXe siècle. Sur le sujet qui
vous intéresse, j'ai retrouvé cet extrait de la plaquette éditée en 2002 par
Comedia, section Vaud-Lausanne : « Cent cinquante ans de syndicalisme dans
l'imprimerie à Lausanne ».

Extrait :
                              Où l'on parle de compositrices !

     Si, dans d'autres localités, comme à Genève par exemple, on arrive à
une entente parfaite, il n'en est pas de même au chef-lieu du canton de
Vaud. Le propriétaire de la maison G. Bridel, à l'index depuis 1867, profite
de cette occasion pour informer la Société typographique que « ... mon
intention est d'y conformer dans les points essentiels les tarifs en vigueur
dans ma maison. Quant à la partie réglementaire, je regrette de ne pouvoir y
adhérer, ayant pour principe qu'un patron doit conserver la liberté de
diriger ses ateliers comme il croit le plus convenable. »
     Comme cette partie réglementaire concerne en particulier
l'apprentissage, M. G. Bridel reste inflexible. D'ailleurs, un mois
auparavant, ce patron écrivait en substance : « La persistance que la
Société typographique de Lausanne met encore à tenir mon imprimerie à
l'index m'empêche de me procurer le nombre de compositeurs nécessaires à mes
travaux. Après mûre réflexion, je me suis décidé à recourir à la création
d'un atelier de composition pour les femmes. Une seule chose pourrait
m'engager à ajourner l'exécution de cette mesure : la levée de
l'interdiction que, contre toute justice, vous faites peser sur ma maison
depuis plus de cinq années. Je veux dire la levée complète et sa publication
dans les journaux : la /Typographia/, le /Bund/, le /Joumal de Genève/ et la
/Gazette de Lausanne/.
     La Société typographique ne s'en laisse pas conter. Après discussion,
en assemblée du 26 juillet, l'unanimité se fait sur la réponse, qui dit
entre autres : « Les motifs qui ont fait peser sur votre maison un index de
plus de cinq années existent toujours et, vous le comprenez certainement,
nous ne pouvons revenir sur nos décisions, ce serait nous déjuger et montrer
que nous portons peu de fermeté dans nos actes, tandis que nous tenons à
prouver le contraire. »
     Et d'informer le maître imprimeur Georges Bridel que la convention sur
les apprentis a subi des modifications. Il ne tient donc qu'à lui d'y
adhérer, comme ses confrères de la place et de voir lever l'index.
     Par la suite, on apprend que des pourparlers se déroulent entre cette
maison et diverses sociétés d'éditeurs pour l'engagement de « jeunes filles
aptes à la composition, au prix de 25 centimes par mille » ! Des démarches
sont entreprises pour faire avorter ces projets. En vain.
     Le personnel de l'entreprise, devant la persistante intransigeance du
patron, et pour répondre aux propositions de la Société typographique, se
concerte et fait tenir à son employeur une circulaire signée de vingt-quatre
noms.
     M. Bridel réunit le personnel, lui déclare qu'il est prêt à reconnaître
le tarif en cause, mais maintient son opposition à la réglementation du
nombre des apprentis, insuffisante à son gré pour les besoins de sa maison.
Quant à la création d'un atelier de compositrices, il y renoncera pour
autant qu'il ne manquera pas d'ouvriers...
     À la suite de cette fin de non-recevoir, vingt-deux compositeurs sur
vingt-six quittent l'atelier, lundi 21 octobre.
     Comme en 1867 déjà, quelques membres de la société trahissent leurs
engagements ; après quelques jours de grève, voire immédiatement, ils
reprennent le chemin de l'entreprise.


Cordialement,
   Bernard Déchanez