Archive Liste Typographie
Message : Re: [typo] Typo des livres de poche

(Olivier Randier) - Mardi 18 Mai 2004
Navigation par date [ Précédent    Index    Suivant ]
Navigation par sujet [ Précédent    Index    Suivant ]

Subject:    Re: [typo] Typo des livres de poche
Date:    Tue, 18 May 2004 19:18:36 +0200
From:    Olivier Randier <olivier.randier@xxxxxxx>

Salut tout le monde

A votre avis, quel est le caractère le plus généralement employé dans les livres au format poche ?
En fait je n'ai pas vraiment envie que la réponse soit le Times...

Je vais vous faire plaisir, mais à moitié seulement...
Jusqu'à récemment, il me semble, mais je ne pourrais l'affirmer qu'après une étude approfondie qui, pour intéressante qu'elle soit, ne fait pas partie de mes priorités actuelles, il me semble donc que le caractère le plus employé pour la composition de la littérature, et notamment en poche, n'est pas le Times, comme beaucoup le croit, mais plutôt son ancêtre, un caractère un peu oublié, méconnu, voire méprisé, mais pourtant omniprésent : le Plantin. La confusion n'est guère étonnante, puisque le Times n'est jamais qu'un Plantin étroitisé qui se prend pour une réale. Comme Alain Hurtig l'a fait pour le Baskerville, il y aurait un éloge à faire du Plantin, caractère que je détestais dans mes jeunes années, lorsque je rêvais sur les caractères des catalogues Letraset. En grand corps, il me paraissait hideux. Jusqu'à ce que j'ai à l'employer en vraie grandeur, pour de la composition scientifique. Là, j'ai compris la noblesse de ce caractère discret jusqu'à se faire oublier, qui répond parfaitement à l'usage pour lequel il a été créé : permettre la composition dans des conditions difficiles, notamment sur du papier de qualité médiocre (presse). C'est un caractère un peu étrange, une espèce de mécane humaniste, sans traits très saillants au premier abord, mais qui utilise d'audacieuses subtilités pour fournir un gris net et constant, pour déployer son horizontalité sans encombrer trop (voyez la queue du K !). Avec ses empattements renforcés et sa chasse généreuse, il a supporté sans faiblir, pendant des décennies, l'édifice fragile de la littérature en France. Malheureusement, aujourd'hui, je crains que, au moins pour l'édition bon marché, les facteurs économiques aient eu raison de lui. Son rejeton malingre et prétentieux tend à le remplacer partout où on ne jure que par les économies de papier...
Leur grand-père, Granjon, doit se retourner dans sa tombe.
--
Olivier Randier