Archive Liste Typographie
Message : Re: [typo] Typo des livres de poche

(Christian Laucou-Soulignac) - Mardi 18 Mai 2004
Navigation par date [ Précédent    Index    Suivant ]
Navigation par sujet [ Précédent    Index    Suivant ]

Subject:    Re: [typo] Typo des livres de poche
Date:    Tue, 18 May 2004 23:11:01 +0200
From:    "Christian Laucou-Soulignac" <lefourneau@xxxxxxxxxx>

Bravo pour ce début d'éloge d'un caractère que j'affectionne beaucoup.
Où je suis moins d'accord c'est quand vous dites que le Times est une
version étroitisée du Plantin. Si tel est le cas, c'est un fils bâtard qui
n'a pas hérité des bons chromosomes de papa. Et puisqu'on parle de papa,
dans l'ital, comparez, par exemple, le "p" bdc. Le Times est chlorotique et
insipide là où le Plantin s'affirme - discrètement, soit - mais couillu,
comme papa !

CLS

----- Original Message -----
From: "Olivier Randier" <olivier.randier@xxxxxxx>
To: <typographie@xxxxxxxxxxxxxxx>
Sent: Tuesday, May 18, 2004 7:18 PM
Subject: Re: [typo] Typo des livres de poche


> >Salut tout le monde
> >
> >A votre avis, quel est le caractère le plus généralement employé
> >dans les livres au format poche ?
> >En fait je n'ai pas vraiment envie que la réponse soit le Times...
>
> Je vais vous faire plaisir, mais à moitié seulement...
> Jusqu'à récemment, il me semble, mais je ne pourrais l'affirmer
> qu'après une étude approfondie qui, pour intéressante qu'elle soit,
> ne fait pas partie de mes priorités actuelles, il me semble donc que
> le caractère le plus employé pour la composition de la littérature,
> et notamment en poche, n'est pas le Times, comme beaucoup le croit,
> mais plutôt son ancêtre, un caractère un peu oublié, méconnu, voire
> méprisé, mais pourtant omniprésent : le Plantin. La confusion n'est
> guère étonnante, puisque le Times n'est jamais qu'un Plantin
> étroitisé qui se prend pour une réale.
> Comme Alain Hurtig l'a fait pour le Baskerville, il y aurait un éloge
> à faire du Plantin, caractère que je détestais dans mes jeunes
> années, lorsque je rêvais sur les caractères des catalogues Letraset.
> En grand corps, il me paraissait hideux. Jusqu'à ce que j'ai à
> l'employer en vraie grandeur, pour de la composition scientifique.
> Là, j'ai compris la noblesse de ce caractère discret jusqu'à se faire
> oublier, qui répond parfaitement à l'usage pour lequel il a été
> créé : permettre la composition dans des conditions difficiles,
> notamment sur du papier de qualité médiocre (presse). C'est un
> caractère un peu étrange, une espèce de mécane humaniste, sans traits
> très saillants au premier abord, mais qui utilise d'audacieuses
> subtilités pour fournir un gris net et constant, pour déployer son
> horizontalité sans encombrer trop (voyez la queue du K !). Avec ses
> empattements renforcés et sa chasse généreuse, il a supporté sans
> faiblir, pendant des décennies, l'édifice fragile de la littérature
> en France.
> Malheureusement, aujourd'hui, je crains que, au moins pour l'édition
> bon marché, les facteurs économiques aient eu raison de lui. Son
> rejeton malingre et prétentieux tend à le remplacer partout où on ne
> jure que par les économies de papier...
> Leur grand-père, Granjon, doit se retourner dans sa tombe.
> --
> Olivier Randier
>