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Message : Re: [typo] Elision du D (titre commençant par UN)

(Jean-François Roberts) - Vendredi 04 Juin 2004
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Subject:    Re: [typo] Elision du D (titre commençant par UN)
Date:    Fri, 04 Jun 2004 19:54:00 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Charles-Edouard Jeanneret n'a qu'à s'en prendre à lui-même (à titre
posthume, certes) : son "surnom" a en effet été arboré par lui comme un
*nom* de famille. Comme tel, il résiste "naturellement" à toute contraction
après "de".

On sait en effet que le contraction transformant "de le" en "du", "de les"
en "des" est impérative pour les noms de lieux :

    La commune des Mureaux.

    Les 24 Heures du Mans.

Elle est de même impérative devant un *surnom* :

    Le grand autel du Bernin, à Saint-Pierre-de-Rome.

(En effet, "le" ne fait pas ici partie du patronyme, même francisé, de Gian
Lorenzo Bernini, dit en France et en français "le Bernin". Une graphie plus
"pédante", peut-être, mais plus exacte, consiste à écrire ici : "Le grand
autel de Bernin...")

De même, on sait que "le Greco" est le surnom (ou nom d'artiste) de
Domenikos Theotokopoulos, d'origine crétoise, dit (en Espagne et en
espagnol, ainsi qu'en anglais) "el Greco". D'où :

    _L'Assomption de la Vierge_, du Greco.

(Un usage pédant, mais fautif, cette fois, consiste à écrire en français :
"_L'Assomption de la Vierge_, de Greco" - faisant ainsi, par inadvertance,
et ignorance, du surnom un patronyme. Or, Theotokopoulos n'est aucunement
l'ancêtre de Juliette Greco...)

Dans ces deux cas, on remarquera d'ailleurs la marque du surnom : l'article
du surnom garde la b.d.c. - ce qui est une indication sûre qu'il prendra la
contraction derrière "de".

En revanche, s'agissant d'un patronyme ("nom de famille"), on sait que la
règle, non moins impérative, est alors la non-élision. On écrira donc :

    Les _Fumeurs dans un intérieur_ de Le Nain.

(Il ne s'agit pas ici du surnom d'un précurseur de Toulouse-Lautrec, mais
bien du nom de famille, porté d'ailleurs par trois artistes, communément
désignés collectivement, de nos jours, comme "les frères Le Nain" - Antoine,
Louis et Mathieu.)

Et de même :

    Les grandes allées de Le Nôtre.

Dans ces deux cas, la marque du patronyme (par opposition au surnom) est
bien que l'article porte ici la cap., ce qui est une indication sûre que la
contraction *ne doit pas se faire* après "de". (Cette règle ne vaut, bien
sûr, que pour les noms et surnoms de *personnes* : pour les noms de lieux,
on l'a vu, la contraction est la règle, alors que la cap. y est systématique
à l'article.)

Si, donc, notre Charles-Edouard avait adopté la marque régulière du surnom,
à savoir le b.d.c. à "le", personne n'hésiterait à écrire (et a dire) :

    Un bâtiment du Corbusier.

Mais, comme C.-E. Jeanneret a opté pour la cap. à "Le", on écrit (et on dit)
régulièrement :

    Un bâtiment de Le Corbusier.

Ce qui, *en l'occurrence*, est fautif... mais uniquement parce que notre
architecte franco-suisse a eu l'idée (franchement maladive) d'exiger que son
nom d'artiste s'écrive comme un patronyme, mais soit traité comme un
surnom... enfin - ça permet de passer les longues soirées de printemps.



> De : Thierry Bouche <thierry.bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>
> Société : Nonsense Inc.
> Répondre à : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Date : Fri, 4 Jun 2004 10:33:25 +0200
> À : typographie@xxxxxxxxxxxxxx
> Objet : Re: [typo] Elision du D (titre commençant par UN)
> 
> (...)
> 
> Le vendredi 4 juin 2004 à 00:18:29, Pierre Roesch écrivit :
> 
> (...)
> 
> PR> On entend maintenant des choses comme « un bâtiment de Le Corbusier ».
> 
> Mais on va encore au Havre par la gare du Mans pour y voir une toile du
> Greco.
>  
> (...)
> 
> Thierry Bouche   
>