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Message : Re: [typo] cochin et clarendon

(Olivier Randier) - Jeudi 01 Juillet 2004
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Subject:    Re: [typo] cochin et clarendon
Date:    Thu, 1 Jul 2004 02:29:58 +0200
From:    Olivier Randier <olivier.randier@xxxxxxx>

At 23:58 +0200 29/06/04, Olivier Randier wrote:
Selon Mandel, Garamond (ou peut-être Augereau) semble être le premier
à avoir gravé romain et italique dans une conception globale.

Je me demande si tu (ou Mandel ?) ne fais pas une confusion. Garamond est
l'homme d'une oeuvre, d'un caractère - son talent lui a permis de recevoir
des commandes pour en créer d'autres, mais c'est un autre problème.

On peut difficilement s'attendre à ce que son italique soit incohérente de
son romain (cet homme avait une esthétique, cohérente), mais ça n'en fait
pas pour autant l'italique du romain, au sens où nous l'entendons de nos
jours.

Oui et non.
Évidemment, Garamond n'a pas pu concevoir « l'italique » de son romain, puisque le concept d'italique en tant que fonction emphatique du romain n'existait pas.

Reste que Garamond semble être le premier à concevoir les deux ensemble, comme un tout cohérent. Et ça ne peut être seulement l'effet de son esthétique propre, j'en suis certain. Adapter deux styles de caractères, même proches, l'un à l'autre est un gros travail, j'en sais quelque chose, ça ne peut être qu'intentionnel. Garamond a conçu son italique comme celle de son romain, au sens où lui l'entendait (et que nous ne connaitrons sans doute jamais). Certes, à l'époque, on trouvait déjà des livres mélant les deux écritures, mais cette intuition de la conception globale reste décisive, justement parce qu'elle permettra des usages inattendus, comme par exemple de les mélanger sur la même ligne (ce qui, au plomb est rien moins qu'évident, si l'alignement des lignes de base n'a pas été prévu au départ...).

 >Mais en 1592, encore, on trouve un catalogue où le
romain de Garamond était présenté avec l'italique poétique de Granjon
(postérieure), plus ornée...

Et chez Fournier, les deux fonctions graphiques sont nettement distinguées
(chez Baskerville aussi). Ça date donc de plus tard. par parenthèses, les
Swach sont un avatar moderne de ces mélanges de sttyle.

Je reformule donc ma question : à partir de quand a-t-on _décidé_ qu'une
police de caractères *devait* se décliner au moins en romain et italiques
(sauf exceptions évidemment : mais justement ça reste des exceptions).

Et quand a-t-on introduit un gras homogène avec le romain, et de quand date
l'ital-gras (sans lequel une police nous semble aujourd'hui toute nue...)

Je crois ici que l'organe a créé la fonction, et non l'inverse. C'est
parce qu'il existait deux "styles" différents (mais cohérents) qu'on
a pu s'en servir pour des distinctions typographiques précises.

Je ne suis pas convaincu. Avant les mélanges romain et italiques dans le
même texte, comment établissait-on les distinctions? par l'emploi de
guillemets ? par rien du tout ?

Par rien, je pense. Je n'ai pas de certitude là-dessus, il faudrait un historien du livre pour répondre, mais, à ma connaissance, avant la distinction romain/italique, la seule autre distinction existant était majuscule/minuscule, et sa formalisation comme distinction sémantique et non purement graphique a été longue. Ça peut paraître surprenant, d'accord, mais, en hébreu, tu notes comment les majuscules ? Au manuscrit, on a pu utiliser la couleur en cas de besoin, mais je n'ai pas d'exemple en ce sens.

Il faut se rappeler que l'imprimerie débute en 1450, très peu de temps avant. Le livre manuscrit, par son coût, est avant tout un signe extérieur de richesse. C'est l'imprimerie qui permet l'avènement du livre d'études et l'humanisme qui cherche à rendre les textes lisibles par le plus grand nombre. Les besoins de distinctions sémantiques particulières, pour l'enseignement notamment, commencent à ce moment-là. Il n'a fallu, somme toute, que très peu de temps pour y trouver des solutions...
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Olivier Randier