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Message : Re: [typo] cochin et clarendon

(Olivier Randier) - Jeudi 01 Juillet 2004
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Subject:    Re: [typo] cochin et clarendon
Date:    Thu, 1 Jul 2004 02:29:58 +0200
From:    Olivier Randier <olivier.randier@xxxxxxx>

Dit comme ça, ça prête à confusion...

Ça prête à confusion dans le texte de Tschichold aussi... Il parle de schwabacher comme demi-gras, puis de son remplacement par le gothique interlettré puis le romain interlettré comme substitut de l'italique. Pourquoi on passe du demi-gras à l'italique ?... Peut-être la traduction ?

Et Tschichold est peut-être un des rares auteurs allemands sur le sujet à avoir été traduit en français, ça n'en fait pas pour autant un oracle absolu !

Qui a dit ça ? Je donnais juste un exemple de distinction différente du couple romain/italique, avec la source.

(Pour mémoire : il y a bien sûr des bibliothèques entières sur la typo, son histoire et son usage en allemand. Presque rien n'a été traduit.)

C'est partout pareil, j'attends aussi les traductions du de Buen, du Bringhurst, etc.

Résumons : deux écoles typo pour l'allemand :

L'école moderniste (typo "romain", en allemand "Antiqua"). On utilise le
rom., l'ital. et le gras, a priori, comme en typo française, disons (ou
anglophone). Gros problème : les noms propres. [...]

Sinon, on a très vite de gros problèmes d'intelligibilité. D'où le besoin de
différencier noms propres et noms communs : on recourra alors en principe à
l'ital. - mais les interférencces sont grandes avec la typo Fraktur.

Comprend pas : elle sort d'où, soudain, cette Fraktur au milieu d'un texte moderniste (donc en Antiqua) ?

En effet, ce problème est spécifique à l'allemand. Or, il est clair que la typo française ne met *pas* systématiquement les noms propres en ital. ; et que l'ital. sert en principe à *souligner* un mot, à le distinguer pour une
raison de sens général du texte : ce qui ne s'applique guère aux noms
propres... D'où un regard par-dessus l'épaule sur la typo majoritaire
pendant longtemps dans le monde germanique : la typo "fraktur".

L'école traditionaliste, ensuite : typo "Fraktur" (ce que le français nomme
"gothique", alors que le "Gotisch" n'est qu'une des catégories de
caractères, englobées dans le genre "Fraktur"). Le Fraktur ne s'applique
alors que pour les mots *allemands* (ou de langue germanique). Si un mot
étranger (de langue romane, ou anglais, par exemple) apparaît, il sera
*impérativement* saisi en "Antiqua" (romain, donc).

La typo Fraktur, bien entendu, ne connaît pas l'ital. (y compris pour
l'Antiqua !). Si un texte est en Fraktur stricto sensu (donc ni en Gotisch
[gothique quadrata], ni en Rundgotisch [gothique rotunda], ni en Schwabacher
[gothique bastarda]), l'homologue de l'ital. pour un chapô, par exemple,
sera alors le Schwabacher.

Je ne comprends pas : d'un côté, vous dîtes que la Fraktur est le nom générique, de l'autre, vous distinguez Fraktur, Gotisch, Rundgotisch et Schwabacher comme des catégories distinctes d'un ensemble (que vous appelez comment ?) Je ne suis pas sûr que le lecteur s'y retrouve mieux. Personnellement, il me paraît raisonnable de parler de gothiques au sens général (le seul connu par le lecteur français moyen) et de préciser textura, Fraktur, Schwabacher, rotunda. C'est la terminologie de Mediavilla, par exemple.

Et cette pratique de l'interlettrage est devenue si prégnante (même si elle
est imperceptible à l'¦il non prévenu : le lecteur francophone, en général,
ne le perçoit même pas - je parle d'expérience !) qu'elle a fini par être
reprise même en typo "moderniste" (tout-Antiqua). Attention : on n'aura
jamais *et* de l'ital. *et* du Sperrdruck dans un même texte : c'est soit
l'un, soit l'autre... Même si l'ital. peut réapparaître dans un chapô, par
exemple, coiffant un texte usant du Sperrdruck.

En toute rigueur, on peut considérer, avec Tschichold, que cet usage de la
typo allemande, de l'interlettrage en typo Antiqua, est abusif, en effet.
Mais il est solidement établi depuis des générations... en "bonne typo"
allemande ! Inutile, donc, de s'en formaliser...

Je ne m'en formalise pas, c'est Tschichold qui le faisait, je cherchais simplement à montrer que la fonction emphatique ou distinctive peut être prise en charge par des systèmes différents et que ces systèmes pouvait même interférer.

On sait que c'est à Hitler qu'on doit la victoire de l'école moderniste sur
l'école traditionnaliste (subitement traitée d'"enjuivée" en 1941...).

Il me semblait que le décret était de Goebbels, plus précisément, non ?
Peut-on d'ailleurs en trouver la traduction quelque part, ainsi que la première composition, qui aurait été faite en Fraktur ?... On avait eu ici la copie de départ, mais je ne lis pas l'allemand, même en Antiqua. En tout cas, le III° Reich abandonne alors la Fraktur, spécifiquement allemande mais peu exportable, pour les nouvelles linéales (issues notamment du Bauhaus « dégénéré »), dont le caractère simplificateur et globalisant sert mieux la propagande totalitaire (celle du nazisme comme celle de l'U.R.S.S. de Staline). Je serais donc intéressé à savoir si Goebbels parle d'Antiqua ou plus spécifiquement de linéales.
--
Olivier Randier