RE: [typo] Pour ceux qui s'y connaissent en musique

[DELAMARCHE Claire <claire.delamarche@xxxxxxxxxxxxxx>]

Je vois bien à quel passage vous faites allusion (l'Allegro fugué du 6e
mouvement, p. 73 de la réduction). 
Dans la réduction pour piano (avec les 4 voix de choeurs superposées) il est
normal que l'on compte les temps de manière exacte, donc un bâton de 2
pauses - comme dans un conducteur d'orchestre.
Dans les parties vocales séparées, en revanche, il est plus étonnant que
l'éditeur mette un bâton de 2 pauses  pour 1 mesure, un bâton de 4 pauses
pour 2 mesures etc. Il n'y a toutefosi aucune ambiguïté, pusique le nombre
de mesures est de toute manière indiqué, et que les musiciens qui ont
suffisamment d'expérience pour s'attaquer à de tels chefs-d'oeuvre en ont vu
bien d'autres en matière de notation...

Quant au C barré, cela peut en effet sembler une bizarrerie. Un 4/2 aurait
été plus conforme à l'usage moderne. Je suppose que cette notation revient à
Brahms, car c'est noté de la même manière chez Breitkopf dans le matériel
d'orchestre et le conducteur. 
L'erreur est d'ailleurs toute relative. Il aurait été inimaginable qu'on ait
2/2, c'est-à-dire nommément 2 blanches par mesure. En revanche le signe C
barré, historiquement, a une signification légèrement différente : cela
signifie juste un C "alla breve", c'est-à-dire que les valeurs de notes
valent deux fois moins que précédemment, que la pulsation passe de la noire
à la blanche. Or, lorsque Philippe de Vitry a fixé la notation rythmique
dans son traité Ars nova de en 1325, il a juste donné au C la signification
d'un temps imparfait avec prolation imparfaite (c-à-d division binaire de la
mesure et du temps, la perfection étant représentée par le chiffre 3). 
Un C pouvait donc correspondre aussi bien à un 2/4 ou un 4/4 (voire un 6/4
binaire, un 8/4 etc.) - mais pas à un 3/4 (temps imparfait, prolation
parfaite) ni à un 6/8 ou un 12/8 (temps parfait, prolation imparfaite), ni à
un 9/8 (temps et prolation parfaits).
Donc, dans l'absolu, un C barré peut signifier aussi bien 2/2 que 4/2, même
si l'usage a fini par l'assimiler à un 2/2.

Pour ce qui est des nuances sur le glyphe "bâton de 2 pauses"/"pause de
mesure non mesurée", j'en reviens aux conclusions déjà tirées hier: chacun
fait comme il veut!  L'usage "classique" est de plus en plus restreint aux
"grandes" oeuvres des "grands" éditeurs. Bärenreiter publiant une édition
critique de Beethoven ou Mozart apportera une attention extrême à ce genre
de détails, Bidule éditant à compte d'auteur sa dernière pièce symphonqiue
aura plutôt tendance à faire une édition maison sur son PC antédiluvien,
voire à la gribouiller à la main. Et, dans ce cas, tous les coups sont
permis. Je viens d'explorer une bonne vingtaine de matériels contemporains
dans nos archives (parmi les auteurs les plus illsutres), et le résultat est
simple : mesurée ou non, la mesure vide est notée par une pause. A partir de
deux mesures, c'est le "signe multi-pause" surmonté d'un chiffre. Au moins,
comme ça, on est sûr de ne pas s'emmêler les crayons.

Danhauser doit s'en retourner dans sa tombe.

CD

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Claire Delamarche
Musicologue, chargée des publications
Auditorium-Orchestre national de Lyon
84, rue de Bonnel
F-69431 Lyon cedex 03
Tél. : +33 (0)4 78 95 95 31
Fax : +33 (0)4 78 60 13 08


> -----Message d'origine-----
> De:	Jean Fontaine [SMTP:jfontain@xxxxxxxxxxxxxxxx]
> Date:	mardi 6 septembre 2005 13:41
> À:	typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Objet:	Re: [typo] Pour ceux qui s'y connaissent en musique
> 
> Claire Delamarche écrit :
> 
> > De la même manière, le fait que le signe de pause corresponde selon le
> cas à
> > un silence équivalent à la ronde ou à une mesure vide (qu'elle soit de
> 1, 2,
> > 3 ou 25 temps) ne porte absolument pas à confusion, ces deux usages
> étant
> > exclusifs l'un de l'autre.
>
> Se pourrait-il que le bâton de deux pauses ait aussi un sémantisme 
> double ? En plus de signifier « deux mesures vides », peut-il signifier 
> « une mesure vide valant deux rondes » ? J'ai sous les yeux une 
> partition chorale du Requiem de Brahms (éditions Peters) : dans les 
> mouvements en 4/2, les mesures vides individuelles ne sont pas notées 
> par des pauses comme ailleurs, mais par des bâtons de deux pauses. (Je 
> dis « en 4/2 », car il y a 4 blanches par mesure, mais la partition 
> indique un C barré, signe que je croyais plutôt signifier « 2/2 ». Y 
> aurait-il quelque chose qui m'échappe ?) Autre exemple de cet emploi du 
> bâton de deux pauses (et du C barré) à la p. 53 du « Guide de la théorie 
> de la musique » d'Abromont, ce qui semble confirmer la chose.
> 
> JF