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Message : RE: [typo] égalitographie

(Jacques Melot) - Dimanche 26 Octobre 2008
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Subject:    RE: [typo] égalitographie
Date:    Sun, 26 Oct 2008 12:19:24 +0000
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>

Title: RE: [typo] égalitographie
 Le 2008-10-25, à 19:26 +0200, nous recevions de diconoma :

Bonjour !
La féminisation des noms de métiers et autres me plaît beaucoup, en ce sens qu¹elle ajoute un élément de compréhension au discours, au même titre que la distinction qu¹on fait entre Рmadame ð et Рmonsieur ð.


[J. M.]   Il est vrai que beaucoup passeront sur cette affirmation sans ciller. Il faudrait plutôt dire que les formes féminines permettent des raccourcis licites et bienvenus, mais que mises dans de mauvaises mains, ces formes donnent au contraire lieu à des rallongements inopportuns.


C¹est affaire de lexicographes et non de typographes.


[J. M.]   Non, en effet, ce n'est pas l'affaire des typographes, mais ça le devient par la force des choses quand quelques esprits qui n'ont pas vraiment saisi la différence entre langage humain et mathématiques se permettent d'abâtardir l'écrit de symboles qui n'ont rien à y faire.


Je m¹insurge contre les excès féministes qui cherchent à imposer les doublets comme Рles correcteurs et les correctrices ð, ainsi que l¹accord obligatoire avec le nom ou le pronom le plus proche ; faudra-t-il écrire Рtrois correcteurs et une correctrice vigilante ð ou quelque autre absurdité ? Et qu¹en sera-t-il de l¹accord avec le pronom impersonnel Рon ð, avec le pronom relatif Рqui ð, pour ne citer que ces deux cas qui me viennent à l¹esprit ?


[J. M.]   Nous sommes nombreux ici à partager votre indignation ou votre désapprobation.


Ici les correcteurs sont concernés tant par les accords à respecter que par l¹obligation qui leur sera faite de doubler ou non selon les circonstances.
 
Ce qui me semble le plus malfaisant pour la typographie est cette mode, qui est montée à la tête de quelques imaginatifs cerveaux universitaires et administratifs, consistant à ajouter dans le plus grand désordre des marques de féminisation bien inutiles : Рdes étudiant-e-s attentifs-ives, des correcteurs-trices censées connaître l¹orthographe ð.


[J. M.]   Le chercheur mis en face de sa nullité -- réelle ou résultant d'une influence génératrice de complexes -- a tendance à se réfugier dans la terminologie. Le phénomène est bien connu et touche toutes les disciplines (mathématiques, histoire naturelle, etc.). Il s'explique en bonne partie, sinon totalement, par la psychologie des profondeurs. Il est particulièrement marqué dans le monde réformé ou, ce qui revient pratiquement au même, chez les peuples germaniques. Il l'est également ailleurs, par influence, mais dans une moindre mesure.

   La Réforme, en « tuant le père », en l'occurrence le pape, comme nous, en France, plus tard, avons tué le roi, a coupé certains ponts et fait de chaque Réformé tout à la fois un petit policier, un petit juge et un petit curé, conséquence immédiate de la suppression de la confession. Cette caractéristique présente des aspects incontestablement positifs. L'envers de la médaille est une tendance au purisme due à un besoin ressenti de purification permanente. Ce purisme connaît de nombreux avatars : la hantise des odeurs corporelles, l'ablutionisme, l'hygiène alimentaire morbide, l'écologie sectaire, le besoin excessif d'ordre dans tout ce qui présente une organisation, etc., et l'action normative sur la langue dans le but notamment de la conformer à une vision de la société. Par le jeu des influences, cela s'est transmis au monde roman (ou de mentalité catholique), et ce, par les points de plus faible résistance, à savoir le monde universitaire, du fait du brassage international particulièrement important qui y règne et de l'importance qui a pris l'anglais.

   Les « clients » des théories correspondantes sont typiquement ceux qui se trouvent entre l'enclume et le marteau, comme les documentalistes, le personnel administratif, etc., c'est-à-dire tous ceux qui partagent plus ou moins complètement les connaissances des acteurs que sont les professeurs, les chercheurs, etc., mais qui n'en n'ont pas le titre ni les prérogatives, d'où une sorte de complexe qui appelle en quelque sorte un emplâtre psychologique.


Je vous recommande d¹aller voir (ce n¹est pas triste !) www.olf.gouv.qc.ca/ressources/liens/references/feminisation.html


[J. M.]   En effet, et ce n'est pas nouveau d'ailleurs. Ceux qui sont derrière ces horreurs sont en fait des Anglo-Saxons de langue française. Ni plus ni moins. C'est ce qui m'a fait écrire, il y a quelques années, que le français au Canada tombera comme un fruit mûr, exactement comme cela s'est produit pour le régime communiste en Russie, l'effondrement se produisant là où on s'y attend le moins : de l'intérieur. La pensée anglo-saxonne a infiltré subrepticement l'esprit de certains groupes sociaux de francophones canadiens (universités, partis politiques, administration) et y constitue un véritable cheval de Troie. A quel point la population est-elle, elle aussi, contaminée, je l'ignore, mais je ne suis pas optimiste quant à l'avenir de la francophonie au Canada !

   Jacques Melot


Cordialement.
 

De : Gilles Barras [mailto:gyl.barras@xxxxxxxxx]
Envoyé : samedi 25 octobre 2008 18:22
À : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
Objet : Re: [typo] égalitographie
 
Bonjour !

Donc, bienvenue au point médian !

Aurais-je loupé un épisode, ou le féminin de chercheur serait-il en passe de devenir... chercheure (d¹où le chercheur.e.s) ? A priori non, me direz-vous, mais le Google donne tout de même 57 000 résultats sur le terme « chercheure », dont un certain nombre émanent visiblement de sites québécois (mais cela ne révèle peut-être qu¹une activité supérieure dans la recherche et l¹innovation...). Et le Grand Dictionnaire terminologique donne ce mot comme « non retenu » (
http://w3.granddictionnaire.com/BTML/FRA/r_Motclef/index800_1.asp), ce qui suggère qu¹il est utilisé (sinon, l¹on aurait également évoqué « chercheresse » ou « cherchrice »). Bref, excès de la féminisation, effet de mode, que sais-je ? ... devons-nous  toutes et tous nous préparer psychologiquement à maintenir dans le langage courant les « chercheuses » (oui, des têtes, très drôle !), mais également, pourquoi pas ? les correctrices, au risque de les voir petit à petit se transformer en chercheures... et en correcteures !

Gilles