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Message : Re: [typo] Lettrine accentuée

(Jacques André) - Vendredi 31 Octobre 2008
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Subject:    Re: [typo] Lettrine accentuée
Date:    Fri, 31 Oct 2008 08:59:08 +0100
From:    Jacques André <jacques.andre35@xxxxxxxxx>


Le 31 oct. 2008 à 04:18, Thierry Vohl|Light Motif a écrit :


[T. V.] Pas d'accord. Livre ou presse, les « A » au lieu de « À », par exemple, outre qu'ils sont une énorme faute, sautent aux yeux.
Quant au reste, alors, vive le (célèbre) PALAIS DES CONGRES ?
Virer les accents participe efficacement de la lutte contre le sens.

Cet exemple du Palais des congrès, que j'ai beaucoup utilisé, m'énerve maintenant car on le voit un peu trop souvent cité, comme sil y avait des palais des congres partout. Demandez à n'importe qui de lire une telle enseigne, et à part les quelques maniaques de la typo orthodoxe, tout le monde vous lira PALAIS DES CONGRÈS. C'est que l'œil n'est pas le seul à fonctionner dans le processus de lecture : on s'appuie sur notre connaissance aussi. On oublie en général de préciser que les accents (dont je nie pas l'utilité) sont nécessaires seulement sur les bas de casse (voir * ci-après) . Soyons honnêtes : il est quand même rare que le contexte ne permette pas de comprendre le sens d'une _expression_ mal accentuée (à part des exemples incomplets et fabriqués comme UN POLICIER TUE, la liste est longue d'ailleurs - il y a même un site qui inventorie toutes ces « erreurs »).  En revanche ce restaurant, que je cite plus volontiers, qui est encore à côté de la Porte Maillot à Paris (où il y avait justement ce palais des congres auquel Ladislas Mandel a fait ajouter un accent) et dont l'enseigne  porte « AU CONGRES - FRUITS DE MER » peut nous interpeller car on peut penser à priori qu'il manque un X à AU justement à cause de ce contexte culinaire. Toute comme cette pièce de théâtre don le nom était CLAUDE S'EST TUE et que l'absence de contexte ne permet pas de préciser.

On « sourit » en revanche quand on voit une _expression_ mal accentuée, comme ce panneau qui a été longtemps à la gare de Rennes : DÈPART (voire aussi comme le Boulevard CLÉMENCEAU). Mais personne ne parle de lisibilité ou d'ambiguité...

Les machines à écrire n'ont rien à voir, ou plutôt ce ne sont pas les seules en cause... En plein XVIIIe siècle, elles n'existaient pas ; et pourtant les grands typographes comme Fournier n'utilisaient pas de À et n'en proposaient pas dans leurs polices (on est donc en droit de supposer que beaucoup des œuvres imprimées alors n'en comportaient pas . Seules caps accentuées : É È Ê, et comme diacritiquée Ç. 
* Mais là, on déplace le problème sur celui de l'emploi des capitales : elles ne devraient pas servir à écrire du texte « à lire », sauf pour les majuscules initiales des noms propres, de quelques rares substantifs et des débuts de phrase. Et si on regarde son dictionnaire, on voit bien que habituellement on n'a besoin que de (Ç) É È Ê et À (oui je sais, il est facile de trouver une poésie dont un vers qui commence par « Île... »). Ce À, je l'avoue, me surprend par son absence chez Fournier. lequel donc use très parcimonieusement des caps (en en abusant toutefois pour des mots comme Imprimeur, Typographie, Caractère, etc.) mais utilisant les petites caps très souvent.

Tout ça pour dire que si je suis de ceux qui réclament les caps accentuées (finalement la raison invoquée par Lacroux est la bonne : « pourquoi pas ? ») , je suis aussi de ceux qui refusent désormais tout argument du style historique ou surtout de lisibilité. À l'inverse, je ne pense pas qu'une lettre accentuée puisse être laide au point de ne pas l'utiliser même si on peut être choqué que certains « À » aient été mal dessinés dans une fonte donnée.


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Jacques ANDRÉ