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Message : Re: [typo] La rédaction épicène (Jacques Melot) - Lundi 16 Mars 2015 |
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Subject: | Re: [typo] La rédaction épicène |
Date: | Mon, 16 Mar 2015 20:14:51 +0000 |
From: | Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx> |
Bonjour à toutes et à tous (je suivais l¹ordre alphabétique, mais je vais maintenant alterner, c¹est plus sûr),
Je remercie les personnes qui ont pris la peine de répondre à la question en donnant la référence du document de l¹université de Sherbrooke.
De mon côté j¹ai retrouvé les travaux d¹une linguiste québécoise aux propositions pour le moins innovantes, Céline Labrosse : http://www.langagenonsexiste.ca/menu.htm
Pour le reste? merci d¹avoir passé tant de temps sur le c¦ur de mon message à savoir, semble-t-il, « Bonjour à tous et à toutes » , c¹est vrai qu¹il méritait un examen approfondi. Cela aura au moins permis de donner quelques éléments de réflexion à ceux qui s¹interrogeaient sur la notion de galanterie.
Et puis je pense que nous avions bien compris, Jacques Melot, que vous défendiez coûte que coûte (en l¹occurrence le respect d¹autrui et la lutte contre la domination masculine à l¹¦uvre dans la langue française comme ailleurs) une langue érigée en divinité dont j¹avoue ne pas bien saisir les contours.
Une langue que vous semblez considérer comme victime d¹attaques, mais jamais comme un outil efficace de discrimination, et le lieu de luttes.
Notre histoire et notre présent raciste et sexiste nous en donnent pourtant de beaux exemples (comme celui donné par Anne Guilleaume). Je trouve étonnant qu¹on puisse donner tant d¹importance à la langue et montrer tant de réticence à s¹interroger sur les dominations qu¹elle véhicule, et que nous véhiculons quand nous ne l¹envisageons pas sous cet angle.
Ce ne sont pas les mots ni leurs propriétés grammaticales qui sont dangereux ou discriminatoires : c'est la manière d'assembler les mots en un discours qui présente éventuellement ces caractéristiques, autant que ledit discours peut tout aussi bien être sublime, vide, enthousiasmant, etc.
Écrivez un texte misogyne, avec les conventions grammaticales que vous prônez, et ce texte sera perçu comme haïssable par les femmes et tout ennemi de la misogynie. Écrivez un texte prenant avec magnificence la défense des droits des femmes dans le langage ordinaire (celui que je défends) et il entraînera une ovation chez les féministes et autres amis des femmes !
Ce qui est l¹affaire de tout le monde, et pour répondre à un récent message, je n¹attends pas un quelconque changement qui viendrait de l¹Académie française (quelle drôle d¹idée).
Vous écrivez que contrairement à ce que j¹affirme, la Déclaration des droits de l¹homme et du citoyen de 1789 entendait le mot « homme » dans son acception « générale », c¹est-à-dire au sens d¹être humain, et incluait donc les femmes. Pauvre Olympe de Gouges qui s¹est fendue pour rien d¹une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne deux ans plus tard. Elle aura été mal renseignée !
Enfin, elle aura eu le droit de monter sur l¹échafaud, ce qui prouve qu¹on attribuait un certain pouvoir à ses écrits (pas celui-là officiellement, certes), ce qui n¹est pas rien.
La langue a été masculinisée volontairement et à des fins politiques, c¹en est un exemple parmi d¹autres.
Vous me faites rire (jaune, évidemment), à renvoyer l¹histoire au passé sans vouloir la relier au présent. À quel moment exactement notre monde s¹en est-il coupé ? Le sexisme de notre langue ne fait que refléter et renforcer les discriminations observables actuellement en France. L¹égalité de droit (qui d¹après mes sources est arrivée un peu plus tard) n¹a pas été suivie comme par magie d¹une égalité de fait.
La loi a ses limites, celles des représentations, des m¦urs, des évidences héritées du passé. Néanmoins, elle fait partie, tout comme la langue, l¹éducation, la culture, etc., des outils qui sont à notre disposition pour changer les représentations et la société, et, a minima, pour en refléter les changements effectifs.
Quant à mes « affirmations gratuites » (devais-je écrire un livre ?),
je vous enverrais bien une bibliographie féministe pour vous donner davantage d¹éléments sur leur bien-fondé, mais je doute que ces lectures répondent à un intérêt réel de votre part.
Je ne conviens certainement pas avec vous que mon message était « à peu près dépourvu de toute argumentation » dites donc, vous n¹êtes pas à un propos suffisant ou condescendant près. Ayant lu votre prose de vendredi, comme celle de votre réponse à mon message, je trouve cette affirmation bien osée. Votre argumentaire tient de ces propos antiféministes qui s¹entendent depuis toujours
et non, l¹antiféminisme n¹est pas bien défendable,
la discrimination sexiste
étant tout aussi haïssable que la discrimination raciste ou n¹importe quelle autre discrimination dont on observe les résultats à l¹échelle d¹une société. Non content de renverser le rapport de domination, vous niez la domination qui s¹exerce dans la langue.
Vous écrivez : « le genre grammatical dis-je n'a aucun lien de nécessité avec les sexe des personnes. » Chaussons un instant nos lunettes violettes enfin, je vous prête les miennes. Prenons, tiens, un de ces courageux défenseurs de la langue française (et visiblement de la cause féminine puisqu¹il n¹hésite pas à nous donner des leçons de féminisme), qui s¹est exprimé avant-hier sur cette liste sous le nom de « ndsv », dans un « sujet » parallèle :
« Quant aux effarouchées qui possèdent encore l'hymen, j'aimerais les voir aux avant-postes pour défendre les droits des femmes.
Parce que si ce n'était qu'une question de langue, ça se saurait.
Ce n'est pas en appelant ma femme ingénieure qu'elle gagnera autant que le con d'ingénieur qui passe ses appels perso à longueur de journée dans le bureau d'à coté ! »
Pourquoi n¹a-t-il pas écrit « effarouchés » ? Pourquoi pense-t-il que l¹hymen (qu¹on ne trouve que chez les femmes, réduites ici à leur sexe, comme les personnes visées par le racisme sont réduites à leur « race », que le contenu en soit biologique ou, comme c¹est de plus en plus le cas, religieux et culturel) aurait un lien quelconque avec le militantisme ou la réflexion féministe ? Pourquoi diable a-t-il ressenti la nécessité, justement sur ce sujet, de faire coïncider, et de mettre en avant, sexe et genre ? A-t-il d¹ailleurs conscience qu¹il insulte en utilisant un mot qui a désigné le sexe féminin (encore lui) ?
Lui demanderez-vous des comptes sur ses « affirmations gratuites », ou ont-elles l¹évidence des idées reçues antiféministes ?
Pour lui répondre sur le dernier point et surtout donner du grain à moudre à qui ça intéresse : qui a dit que la domination masculine était uniquement une question de langue ?
Bon je lui prête aussi mes lunettes (pensez à vous en procurer, c¹est quand même plus simple).
On est bien d¹accord (façon de parler), la domination masculine est partout : la famille, les médias, l¹école, la politique, la rue? On la retrouve dans les domaines de la santé, du travail, de la vie privée, de la culture, dans l¹histoire (qui relate les activités masculines pouvoir, guerres et compagnie), dans la recherche? Ce ne sont pas des affirmations gratuites, ce sont des analyses mises en évidence par la recherche en sciences humaines et sociales,
encore faudrait-il qu¹on donne à la pensée féministe la place qu¹elle mérite dans l¹enseignement ou dans les livres d¹histoire de la pensée.
Que croyez-vous que l¹on transmette à filles et garçons quand notre outil de pensée (oui, notre langue, je persiste) confond masculin et humanité, et que les filles et les femmes apparaissent en tant que telles pour être ramenées à leur sexe, à leur corps, et à tout un tas de stéréotypes dommageables ? Cela concerne la langue
, les comportements, les commentaires, les propos qu¹on tient sur elles, les images qu¹on en donne. On fait comprendre aux unes et aux autres quelle est leur place respective de mille et une manières, les plus insidieuses n¹étant pas les moins efficaces. Les garçons sont davantage encouragés à parler à l¹école, à occuper l¹espace, à s¹affirmer, les filles à se montrer dociles et sages.
Quand elles et ils ouvrent un journal, vont au cinéma, choisissent un jouet, se déguisent, regardent la télévision, elles et ils voient majoritairement des femmes (sans nom) présentées avant tout comme des objets sexuels, des têtes vides ou obnubilées par le regard d¹autrui sur leur corps, des servantes, des ménagères, des victimes, des témoins, elles et ils voient des femmes politiques ridiculisées, leurs idées tues au profit de commentaires sur leur tenue vestimentaire ou leur plastique, elles et ils voient majoritairement des individus de sexe masculin dont on donne le nom, en position d¹acteurs, d¹experts, en position de pouvoir. Masculin et féminin, hommes et femmes, n¹auraient donc pas la même valeur.
Dans les manuels scolaires de sciences, de lettres, de philosophie, de mathématiques : des mâles, des mâles, des mâles, héritage d¹une histoire qui a refusé l¹accès au savoir aux femmes, qui les en a soigneusement écartées, quand bien même elles avaient fait avancer ce savoir dans des conditions adverses, et sans qu¹on songe trop à les réhabiliter.
Dans la rue, dès la puberté, les filles sont l¹objet de remarques sexistes, d¹évaluation de leur physique par des inconnus de sexe masculin, la cible de gestes obscènes, d¹insultes (le fameux « salope » qui n¹a pas d¹équivalent masculin). Elles représentent la majorité des victimes de viols et de violences sexuelles, qui sont le fait d¹hommes à 98 %. Quand ces victimes s¹expriment, leur parole est mise en doute, voire elles sont rendues responsables de l¹agression. 98 % des viols restent impunis. Est-ce sans rapport avec notre vocabulaire de « séduction » qui se confond avec celui de la chasse ? Avec le fait que le langage utilisé pour parler des agressions sexuelles les légitime (une affirmation qui n'a rien de gratuit : http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=451&themeid=) ? Avec des stéréotypes biologisants sur la nature masculine ?
Les filles, à qui on apprend la docilité, disais-je, réussissent mieux à l¹école, mais les filières vers lesquelles elles s¹orientent ou sont invitées à s¹orienter , sont plus réduites que celles qu¹on propose aux garçons, et ce sont les hommes qui occupent les postes les plus haut placés. Cela pourrait-il avoir un rapport avec la rareté des termes de titres et de fonctions féminins au sommet de la hiérarchie, et le fait que leur existence est pour certains toujours en débat ? Une rareté qui ne fait que renforcer le manque de représentation des femmes dans les documents sur les métiers dans les branches traditionnellement (même si elles ne le sont plus autant) masculines, les représentations sexistes qui perdurent dans une part toujours trop importante de la littérature jeunesse, le sexisme quotidien qui s¹exerce dans le monde du travail. Et je ne parle pas de l¹humour sexiste (avis aux amateurs qui sévissent sur cette liste), auquel nous sommes sommés et sommées de nous esclaffer, comme si l?humour était forcément vertueux, comme s¹il était forcément libérateur, comme s¹il ne pouvait pas, tout comme la langue, opprimer (pourtant l¹adjectif « sexiste » devrait nous alerter).
Aux places de pouvoir, de décision, que ce soit dans le domaine de la politique, de la culture, du savoir, de la religion, des sciences, on trouve une grande majorité d¹individus de sexe masculin tandis que la langue rend invisibles par la grâce de son masculin générique les femmes parvenues aux mêmes postes. Les représentations que véhicule la société nous convainquent (plus ou moins) qu¹ils ne doivent leur place qu¹à leur mérite personnel même si on se demande s¹il n¹y aurait pas, à ce point de surreprésentation masculine, quelque chose de biologique dans ce mérite. Les grands hommes, les penseurs, les intellectuels de ce monde, sont des individus de sexe masculin. Si « penseuses », « grandes femmes », « écrivaines », etc., n¹existent pas, ça ne peut pas être un hasard.
Non, ce n¹est pas un hasard. Ça s¹appelle la discrimination, et elle se joue également dans la langue.
Bonne « continuation », puisqu¹elle a l¹air d¹être au programme des fondateurs de cette liste (je vous laisse mes lunettes violettes, c¹est cadeau).
À celles et ceux que la discrimination dérange, au plaisir de vous retrouver dans des lieux plus respectueux d¹autrui.
SR
Le Lundi 16 mars 2015 8h00, Louis GRAMMONT <maximak@xxxxxxxxxx> a écrit :
En fait, si je comprend bien, le mal viendrait de nos académiciens qui, sous leur coupole, ne songent pas trop à actualiser la langue française par rapport à l¹évolution de m¦urs.
Cette gent là, ne devrait-elle pas mettre à jour chaque année notre vocabulaire, sa grammaire et son emploi ? Ces personnes seraient-elles honorées pour être seulement des porteuses de costumes ? Quels êtres !
Moi pour ma part j¹ouvre la portière de ma voiture à mes passagers, qu¹ils soient femme ou homme, même au chien même si je n¹aime pas trop ce genre.
Louis Grammont
> Le 16 mars 2015 à 03:37, Anne Guilleaume <anne@xxxxxxxxxxxxxxxx> a écrit :
>
> Le 15/03/15 16:51, Jacques Melot a écrit :
>> Le 15 mars 2015 à 22:57, Anne Guilleaume a écrit :
>>
>>> Le 15/03/15 15:10, Jacques Melot a écrit :
>>>
>>>
>>> [J. M.] Pendant que nous sommes encore vendredi (sensu lato), permettez-moi de vous poser une question en rapport avec ce que vous venez d'écrire. Lorsqu'un homme et une femme dansent, par exemple la valse, faut-il désormais que la femme ne se sente plus guidée ? Une autre question : prenez-vous les mêmes initiatives que les hommes lorsqu'un homme vous plaît et que vous voulez faire sa connaissance ou entrer dans sa vie, au moins momentanément (en supposant que vous soyez hétérosexuelle, sinon ma question n'a pas de sens, bien sûr) ? En Islande, je connais ça et je l'apprécie hautement : au bar, les femmes se dirigent vers les hommes et leur offrent un verre dans un tel cas.
>>>
>>> On est dimanche soir, mais ça le fera.
>>>
>>> Je n'ai jamais dansé la valse, et mon mari est le pire danseur que j'ai jamais connu.
>>> Pour le reste, oui, j'ai toujours choisi moi-même mes amants et pris les initiatives en ce sens.
>> [J. M.] Parfait, du moins si cela ne veut pas dire que vous repoussez systématiquement les hommes qui ont une démarche similaire à votre égard (pour cette seule raison, s'entend).
> D'où tenez-vous cette idée que les femmes féministes repousseraient systématiquement les hommes qui feraient des démarches pour les rencontrer ?
>
> Il s'agit, dans ce hors-charte patent, de reconnaître que la langue d'aujourd'hui n'est pas prête à assimiler les changements sociétaux. Mais, après tout, combien de temps a-t-il fallu pour qu'on cesse d'utiliser le mot « nègre » ?
> Oh, zut !
> http://radioego.com/ego/listen/18003
- Re: [typo] La rédaction épicène, (continued)
- Re: [typo] La rédaction épicène, Anne Guilleaume (16/03/2015)
- Re: [typo] La rédaction épicène, Louis GRAMMONT (16/03/2015)
- Re: [typo] La rédaction épicène, Roy Ségolène (16/03/2015)
- Re: [typo] La rédaction épicène, Jacques Melot <=
- Re: [typo] La rédaction épicène, Thierry Bouche (17/03/2015)
- Re: [typo] La rédaction épicène, François Martin (17/03/2015)
- Re: [typo] La rédaction épicène, Patrick (17/03/2015)
- Re: [typo] Un bon moment d'Arte, Patrick (18/03/2015)
- [typo] livres d'artistes, Pierre Walusinski (18/03/2015)
- Re: [typo] La rédaction épicène, Anne Guilleaume (16/03/2015)