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Message : Re: [typo] Goethe

(Jacques Melot) - Vendredi 02 Septembre 2016
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Subject:    Re: [typo] Goethe
Date:    Fri, 2 Sep 2016 15:25:59 +0200
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>

 Le 2/09/16, à 13:54 +0200, nous recevions de Yoann LE BARS :

	Salut à tous?!

Le 02/09/2016 à 12:43, Jacques Melot a écrit :
 [J. M.]   C'est une raison très artificielle. Les correcteurs doivent
 s'adapter aux caractéristiques de leur langue, donc à ses variantes.
 Être correcteur est une profession.

	Je ne suis moi-même pas correcteur, donc je suis tout à fait
susceptible de dire des bêtises sur le sujet.

 [J. M.]   Encore faut-il s'entendre sur ce qu'est l'évolution d'une
 langue. Le plus souvent, il n'y a là qu'un simple prétexte à entériner
 toute sorte d'aberrations, les anglicismes, etc. En fait, l'évolution de
 la langue ne peut être décrite que longtemps après qu'elle ait eu lieu.
 L'unité de temps dans ce domaine n'est pas la petite semaine, pas plus
 que celle de la géologie n'est le mois ou l'année.

	Ne vous embarrassez pas trop, vous pouvez dire directement que vous
considérez que je fais de la linguistique à la petite semaine. Je ne
vous en tiendrais pas rigueur ­ vraiment pas, je vous assure.

	Cela dit, oui, l¹évolution d¹une langue se fait sur plusieurs années.
Cependant, on peut tout de même faire des constats.


[J. M.] Oui, on peut constater des faits. L'intégration de ces faits dans un schéma d'évolution se fait bien plus tard. On peut cependant, comme vous le faites ci-dessous, faire un certain nombre de constatations dont on peut dire, sans trop de risque de se tromper, qu'elle seront à mettre au compte de l'évolution de la langue plutôt qu'à celui d'une dégradation momentanée qui sera suivie d'un rééquilibrage.


	Par exemple, on peut constater que, dans la négation de la forme «?ne
pas?», le «?ne?» n¹apparaît plus désormais que dans 1,5?% des phrases
négatives au Québec, 2,5?% en Suisse romande, à Tours dans 37?% des
phrases en 1976 et 18?% en 1995, à Paris sur la même période on passe de
16?% à 8?%. Dans les médias, l¹usage de la particule «?ne?» était
maintenu dans 93?% des cas en 1960, mais dans 73?% des cas en 1997.


[J. M.] On peut en effet constater des tas de choses : une dégradation de la compétence d'usage des conjonctions de coordination, du féminin, des liaisons, etc.

    Jacques Melot


	Soit dit en passant, j¹ai repris les chiffres d¹un cas de Linguisticae
que j¹ai déjà cité (https://www.youtube.com/watch?v=C3rDVBm0OXE), qui
lui-même donne ses sources, ça me faisait gagner du temps.

	En conséquence, on peut tout de même constater que le «?ne?» suis un
processus de disparition. On peut s¹en indigner, considérer que c¹est
une aberration, un signe d¹ignorance généralisée ou s¹interroger sur le
mécanisme qui fait disparaître le «?ne?» alors qu¹historiquement c¹était
plutôt lui qui portait la négation. Toujours est-il que l¹on peut
constater ce qui est bel et bien une évolution qui à lieu en ce moment.

    Pour en revenir à la norme, elle a une qualité qu'il ne faut pas
 oublier de citer, et ce, au premier rang : elle garantit pour une bonne
 part la fluidité de la lecture : ce qui est hors norme joue comme une
 sorte de rugosité qui l'entrave, peu ou prou.

	Quelque part, c¹est ce qui s¹est passé pour moi avec l¹usage de
«?postposer?» pour «?différer?» en Wallonie. Cependant, à l¹inverse, si
j¹avais utilisé «?postposer?» dans le sens préconisé par la norme en
m¹adressant à des locuteurs de Wallonie, cela aurait rendu leur
compréhension moins fluide. Du coup, est-ce que cette norme garantit
vraiment une compréhension fluide?? Dans le cadre où je m¹adresse à des
Wallons, est-il plus légitime que je cherche à imposer à l¹ensemble des
wallons ce que je considère comme le bon usage, ou bien que je m¹adapte
à l¹ensemble des individus auxquels je m¹adresse??

	Soit dit en passant, pour ma part j¹ai réglé le problème en n¹utilisant
jamais «?postposer?», tout simplement.

	Par ailleurs, par exemple, lorsqu¹on lit dans /Aimer/ de Paul?GÉRALDY
(1921) :

«?Alors, autant pour moi?!? Je me suis trompé?!? Je vous demande pardon.?»

	Ce n¹est pas en accord avec la norme telle que l¹établi l¹Académie
française. Cependant, la compréhension est-elle vraiment heurtée??

	Ceci étant dit, pour ma part j¹essaye de me conformer aux
préconisations de l¹Académie française et de l¹Imprimerie nationale.
Ceci parce que ça me donne une référence bien utile et un langage est
bel est bien un ensemble de conventions sur lesquelles on s¹entend.
Simplement, ce n¹est pas parce que cette norme existe qu¹elle rend
d¹autres usages illégitimes. Surtout, ce n¹est pas parce que cette norme
existe qu¹elle fait disparaître ces autres usages. Par ailleurs, quand
les usages font majoritairement différemment que ce que préconise la
norme, il n¹est pas certain qu¹elle garantisse la fluidité de lecture.

	À bientôt.

--
Yoann LE BARS
http://le-bars.net/yoann/
Diaspora* : ylebars@xxxxxxxxxxxxxxx



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