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Message : Re: Capitales accentuées dans les sigles

(Jean Fontaine) - Mercredi 17 Décembre 1997
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Subject:    Re: Capitales accentuées dans les sigles
Date:    Wed, 17 Dec 1997 02:02:44 -0500
From:    "Jean Fontaine" <jfontain@xxxxxxxxxxx>

Jean-Pierre Lacroux a écrit :

>L'ennui, c'est qu'un mot d'ordre du genre « Accentuez tous les sigles et
>tous les acronymes », s'il est séduisant, car facile à retenir et à
>mettre en pratique, est un tantinet abrupt (mais moins absurde que le
>slogan
>inverse...), car la question n'est pas simple...

Effectivement, la question n'est pas simple. Et même si l'on se donne des
règles rigides, on peut mal les appliquer si on ne sait pas si tel sigle
qu'on a vu se prononce « comme un mot » (ce que j'appelle un acronyme : ONU,
AFNOR ou BENELUX) ou bien « en l'épelant » (ce que j'appelle un sigle : CIO,
FMI, CGT ). Et même quand on le sait, la façon de le prononcer (prononcer
les « e », en particulier ) peut varier d'une personne à l'autre et faire
apparaître ou disparaître des accents. De plus, des accents qui se
trouvaient dans les mots d'origine disparaissent dans le résultat final
(modem) et parfois c'est le contraire (cégep, pour  «Collège d'enseignement
général et professionnel», qui a donné le dérivé « cégépien »).  Au problème
des accents s'ajoute celui des capitales, des points, des espaces...

C'est pourquoi la tentation est grande de trancher le noeud gordien avec des
règles catégoriques et radicales, dans un sens ou dans l'autre, pour
simplifier la vie de tout le monde. Mais ça ne la simplifie pas toujours,
car les règles rigides viennent parfois se contredire les unes les autres...
Je crois que sur cette question chaque cas est particulier.

Un exemple : au Québec, nous avons les fameux REER (hum, encore un problème,
celui de la formation du pluriel...) Le mot signifie «régime enregistré
d'épargne-retraite». Si on l'accentuait conformément. à son origine, on
aurait donc REÉR, et on voit parfois cette forme. Mais, à ce que je sache,
le mot n'a jamais été prononcé «en épelant» et serait donc un acronyme.
Influencés par des mots anglais comme « beer », les Québécois prononcent
souvent l'acronyme comme le mot « rire », prononciation concurrencée
aujourd'hui par « ré-erre », qui est la prononciation officiellement
recommandée (je ne me souviens plus des arguments avancés). Cette dernière
prononciation porte certains à écrire RÉER. Mais la consigne officielle est
de ne pas accentuer les sigles et acronymes. Même s'il est très courant
depuis des années et qu'il représente un nom commun, l'acronyme REER demeure
presque toujours écrit tout en capitales (les points ou espaces sont devenus
rares). On semble lui refuser la totale « lexicalisation ». Les gens
hésitent peut-être à écrire « reer », qui ne correspond à rien en français,
ou « réer » qui l'apparenterait graphiquement à  un verbe (rare, il est
vrai). Quant à  « reér », la chose semblerait encore plus bizarre...

Bref, un beau fouillis. Tensions entre l'oral et l'écrit. Ce qui n'empêche
pas des milliers de Québécois de souscrire allègrement à leur REER tous les
ans...

>Oui, logique et même souhaitable, mais est-il envisageable d'en faire
>une « règle » et d'accentuer systématiquement les acronymes
>syllabiques, singulièrement ceux qui sont lexicalisés sans accent ? Qui
>va écrire « des modéms » ?
>Certains acronymes syllabiques ou pseudosyllabiques peuvent être
>assimilés à des mots-valises. Il convient de militer pour leur autonomie
>graphique !
>À l'inverse, évitons d'accentuer ce qui ne le mérite pas (quelques
>experts égarés suggèrent d'écrire Bénélux...).


Tiens, en bas-de-casse, j'aurais été moi-même tenté d'écrire Bénélux. Écrit
en bas-de-casse, le mot s'approche d'un nom propre « ordinaire », voire
 lexicalisé ». Hum, peut-on dire qu'un nom propre est lexicalisé?

Les problèmes de terminologie n'aident pas à clarifier tout cette question.
Tous les auteurs (et lecteurs) n'entendent pas la même chose par  « sigle »,
« acronyme », « abréviation », « mot-valise », « lexicalisation »... Peut-on
appeler « sigles » des abréviations comme SDF, PIB et BCBG ?

Salutations,


Jean Fontaine
jfontain@xxxxxxxxxxx