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Message : Re: Typo de la ponctuation : logique vs esthétique (Jean-Pierre Lacroux) - Lundi 26 Janvier 1998 |
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Subject: | Re: Typo de la ponctuation : logique vs esthétique |
Date: | Mon, 26 Jan 1998 11:14:57 +0100 |
From: | Jean-Pierre Lacroux <lacroux@xxxxxxxxx> |
Jean Fontaine écrit: > Soient les deux exemples suivants, qui se trouvent dans le traité de > ponctuation de Jacques Drillon et que je cite de mémoire, car je n'ai pas > actuellement l'ouvrage sous la main : > Il prétend travailler pour la C.I.A. > Il prétend travailler « pour la C.I.A. » > La règle typographique veut que le point abréviatif absorbe le point > final de la phrase (ou vice versa?) pour éviter une répétition inesthétique > de points. ---- Ce n'est pas une question d'esthétique... ------------- > Si je me souviens bien, Drillon exprimait toutefois l'avis que, dans le > deuxième exemple, il trouverait préférable d'ajouter un point final après le > guillemet, mais que c'était interdit par l'usage typographique. Serait-ce > effectivement péché mortel? véniel? ---- ... en effet, si vous refusez un double statut (ponctuation interne et ponctuation de la phrase) au dernier point (final/abréviatif, d'interrogation, d'exclamation mais pas toujours de suspension) de la citation, que ferez-vous dans un cas comme celui-ci : Pourquoi m'a-t-il dit « Où vas-tu ? » Pourquoi m'a-t-il dit « Où vas-tu ? » ? Pourquoi m'a-t-il dit « Où vas-tu » ? La première formule est de loin la meilleure. Le bouquin de Drillon est admirable. Sur le sujet, on ne peut trouver mieux. Toutefois, deux ou trois de ses choix ou suggestions « typographiques » sont discutables. ---------------- > Selon le Ramat de la typo, « la ponctuation basse [point, virgule, points > de suspension] reste toujours dans la même face [romain, italique, gras, > etc.] que le mot qui le précède, qu'elle appartienne au mot ou au reste de > la phrase. » [...] > J'avoue que la découverte de la règle particulière à la ponctuation basse > troubla quelque peu l'hémisphère gauche et logique de mon cerveau, mais > l'hémisphère droit et artiste peut imaginer les motifs esthétiques qui la > sous-tendent (motifs que Ramat n'explicite pas). > Je dois aussi avouer que je n'avais jamais remarqué auparavant cet usage > illogique, ce qui est peut-être le signe que c'est un usage conforme au > principe qu'une typo correcte est une typo qui ne se remarque pas... (Faut > aussi dire qu'un point romain et un point italique, ça doit être kif-kif, > non?) ---- Votre message contient toutes les réponses à vos questions... Comme vous le soulignez, la question (ponctuation « basse » appartenant à une phrase en romain mais succédant à un terme en ital) se pose uniquement pour la virgule. C'est un usage et il est illogique. Dans les codes d'hier et d'aujourd'hui vous trouverez des parisans de deux écoles... Les auteurs à mon sens les plus pertinents sont plutôt favorables à l'autre usage (pas de distinction entre ponctuations haute et « basse » dans ces circonstances, donc virgule romaine) mais je crains fort que cela ne soit pas suffisant pour infléchir un usage fondé sur la facilité et la cohérence graphique (par exemple, dans une énumération de termes composés en italique, pourquoi se fatiguer à réintroduire du romain à chaque virgule alors que l'ital coule de source et que sa bizarrerie « sémantique » n'apparaîtra qu'à quelques lecteurs vétilleux). Cela dit... quand je « compose » ou quand je nettoie les compositions des autres, je fais cet effort inutile... Bien que ses choix soient sur ce point assez fumeux, laissez-moi vous citer Daupeley-Gouverneur (« Le Compositeur et le Correcteur typographes », Paris, 1880), qui explique assez bien en quoi certains usages que nous respectons encore ont leur origine dans des pesanteurs techniques qui ne sont plus nécessairement les nôtres (en cas d'erreur, le changement de casse est aujourd'hui plus aisé ; la confusion entre deux petits bouts de plomb quasi identiques est un cauchemar oublié...) : « La règle qui nous occupe est une de celles qui ont pour objet la satisfaction du coup d'?il [il vient d'expliquer qu'après l'ital la ponctuation est en ital...] ; mais elle ne s'accorde pas toujours avec la raison [le « coup d'?il » contre la « raison », c'est tout un programme...], car bien souvent la ponctuation que l'on met en italique est amenée par un texte en romain. Aussi, tout en réclamant, dans la majeure partie des cas, la rigoureuse application de la règle [!?], sommes-nous forcé d'admettre une exception [ben voyons...] en faveur des textes traitant spécialement de linguistique [tiens donc...], c'est-à-dire de la science des langues et de leurs rapports, et dans lesquels l'italique vise presque toujours uniquement les mots à l'exclusion de la ponctuation [on ne saurait mieux dire que la « règle » est stupide, car cette « exception » est précisément la question posée...]. Il devient nécessaire d'établir alors une distinction, dont l'exemple suivant pourra servir de type : La forme la plus usitée est, non pas <IT>figer</IT>, mais [...]. En ce qui concerne l'emploi des virgules italiques, il règne malheureusement, dans la plupart des imprimeries, pour ne pas dire dans toutes, une trop grande indifférence de la part du compositeur [source de bien des usages... et de « règles »...]. L'expérience nous prouve tous les jours combien il est difficile d'atteindre ici la perfection [même chez les meilleurs : dans le manuel de Théotiste Lefevre, on trouve quantité d'exemples de virgules fautives...]. Le mélange des virgules italiques et des virgules romaines est, nous le savons, un détail qui paraît bien minutieux aux gens qui ne sont pas du métier, mais il fera toujours la désolation de l'homme de goût. [...] C'est la difficulté d'obvier à ce mélange qui a fait adopter depuis quelques temps, dans certaines fontes, un genre de virgules mixtes dont l'?il n'est ni tout à fait romain, ni tout à fait italique. Nous approuvons fort ce système [quel « homme de goût » !], qui, n'ayant rien de choquant en lui-même, a l'immense avantage de parer à l'inconvénient que nous signalons (1). (1). La septième édition du « Dictionnaire de l'Académie » (1877) a été composée entièrement avec des virgules mixtes. [Fin de citation. Tous les passages entre crochets sont des commentaires de mon cru.] Cordialement, Jean-Pierre Lacroux ---------------------------------------------- Bibliographies, citations (langue française, orthotypographie) : http://users.skynet.be/sky37816/Lx.html ----------------------------------------------
- Typo de la ponctuation : logique vs esthétique , Jean Fontaine (26/01/1998)
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- Re: Typo de la ponctuation : logique vs esthétique, Jean-Pierre Lacroux (27/01/1998)