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Message : Re: &&&

(Alain Hurtig) - Lundi 08 Juin 1998
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Subject:    Re: &&&
Date:    Mon, 8 Jun 1998 04:18:45 +0200
From:    Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx>

At 23:05 +0100 6/06/98, Jean-Pierre Lacroux wrote:
>[Plein de choses, vous n'avez qu'à le relire ;-)]
>
Le problème me semble être celui du mésusage de l'esperluette. Notons que
c'est un signe qu'on a massivement redécouvert en France grâce à
l'informatique...

Cette ligature est ancienne (elle date des Romains, on la voit sur un mur à
Pompei !), elle a donné lieu à des tas de travaux typos et de jeux formels
très rigolos (voir, comme d'habitude, dans l'inévitable n° 22 des Cahiers
Gut, l'article de Blanchard sur l'histoire de ce signe, et Adobe, au temps
où ils avaient un catalogue intéressant [c'est bien vieux, tout ça ;-)] qui
lui avait consacré deux grandes pages : _Font & Function_ n° 11, été 1992).

Mais utilisée en publicité ou pour un prospectus (hormis un travail
strictement graphique, évidemment, ça peut être très joli dans ce cas),
elle est à mon sens parfaitement ridicule. Elle n'est pas à sa place, elle
est prétentieuse et snob. Ainsi dans ce machin de l'Atypi [1 et 2]. À noter
que le DA n'a reculé devant aucun sacrifice, et qu'il a aussi mis des
chiffres elzéviriens, tout aussi prétentieusement.

Tout autre chose, à mon avis, est son emploi dans un travail de labeur. Là,
elle peut donner la nostalgie des textes anciens, de la compo d'avant que
les rouges ne prennent le pouvoir (avant la Révolution française, je veux
dire :-)) Pas taper !). L'esperluette fonctionne alors comme un _souvenir_.
Elle marque les pages par sa haute taille, à la manière d'une scansion. Il
faut naturellement que le texte s'y prête... (Jean-Pierre : on ne compose
pas n'importe quel texte avec n'importe quelle police, et on n'y colle pas
des esperluettes par simple caprice ;-) Vieux débat ! :-))). C'est même à
peu près le seul signe qu'on peut utiliser en guise de mémorial, de
charmante nostalgie, parce que l'emploi du s long rend un texte à peu près
illisible.

Enfin, une cliente aussi charmante qu'exigeante (à qui je fais la bise au
passage, elle se reconnaîtra [3]) m'a demandé un jour d'employer des
esperluettes dans les références bibliographiques d'un texte scientifique
(genre « MACHIN & TRUC, _op. cit._ », *à condition qu'elles ne soient pas
trop grandes*. Elle avait raison : après des petites caps, ça jure. Coup de
chance, on trouve dans les jeux de polices experts des petites esperluettes
(des esperluettes en petites caps, en bas-de-casse, elzéviriennes, je ne
sais pas comment on appele ça) qui font parfaitement l'affaire. Ça donne un
côté chic aux références, sans briser le rythme et sans gêner le lecteur.

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[1] Sans juger l'esthétique générale de ce prospectus (il est moche ;-)),
il faut aussi remarquer qu'il y a des fautes typos, tant dans l'anglais que
dans le français. Pour une pub de l'Atypi, ça la fout quand même mal !
[2] Mais c'est horriblement cher, ces rencontres. 4 000 francs ! Ils sont
fous...
[3] Ce message perso est parfaitement hors-charte... Donc pan sur moi !
[Alphonse Allais dédiait un de ses livres « À celle que j'aime et qui le
sait bien » et rajoutait en note : « Voilà une ligne qui ne coûte pas cher
et qui va faire plaisir à beaucoup de femmes » :-).]

Alain Hurtig                                         mailto:alain.hurtig@xxxxxx
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J'apprends à vouloir tout et à n'attendre rien, guidé par la seule
constance d'être humain et la conscience de ne l'être jamais assez.
   Raoul Vaneigem, _Nous qui désirons sans fin_.