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Message : Re: versale

(Olivier RANDIER) - Vendredi 17 Juillet 1998
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Subject:    Re: versale
Date:    Fri, 17 Jul 1998 22:51:04 +0200
From:    Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>

>Jacques Andre écrit:
>> > En espagnol.
>> amis aussi en allemand je crois!
>----
>Oui... et ça devient très intéressant...
>Il nous faudrait le concours d'hispanophones et de germanophones équipés
>en ouvrages étymologiques...
>Pour l'instant, je n'imagine qu'une explication... fumeuse... bien que
>latine...
>Tant pis, je me lance...
>Cela pourrait venir de « versus » (vers), car (???...) la première
>lettre de chaque vers est composée en capitale...
>S.G.D.G...

Tiens, pour changer, on va faire un peu de paléographie sur la liste !

Bon, l'interprétation de Jipéhel tombe pas loin, mais c'est vrai qu'elle
n'explique pas grand chose.

Les versals (je l'ai toujours vu au masculin) étaient des capitales
décoratives utilisées en début de chapitres, paragraphes ou versets, d'où,
probablement, leur nom, comme Jipéhel l'a habilement déduit ;-)
J'explique :
une page typique de début de chapitre d'un manuscrit enluminé se présente
comme suit :

XXXXX XOXIXOXOXOXIXOIXO
X          bla bla bla bla bla
XXXXX   bla bla bla bla bla
X          bla bla bla bla bla
XXXXX   bla bla bla bla bla
bla bla bla bla bla bla bla
bla bla bla bla bla bla bla

C'est-à-dire une grosse lettrine enluminée, suivie d'une première ligne en
capitales, le reste du texte en minuscules habillant la lettrine.
Au début, les capitales de la première ligne étaient des onciales, tracées
avec une grosse plume carrée.
Les minuscules ont été d'abord des semi-onciales, puis des minuscules
latines, enfin des carolines.
Puis apparaîssent les gothiques, premières graphies à formaliser les
majuscules en même temps que les minuscules. Mais les majuscules gothiques
sont conçues exclusivement comme des initiales et ne peuvent servir dans le
cas de cette fameuse première ligne, raison pour laquelle on a continué à
utiliser des onciales pour cela.

Avait-on perdu le secret du tracé des onciales ou les outils avaient-ils
changés ?
Toujours est-il que ces nouvelles onciales n'étaient plus tracées, mais
dessinées, c'est-à-dire que le copiste en dessinait les contours, puis
remplissait la lettre. Cela a ensuite ouvert la voie à toutes sortes
d'ornementations, de tracés tortueux (lombarde).
Cette façon de tracer est la caractéristique première des versals.
Généralement, les versals dénotent dans la page, parce que cette façon de
tracer donne des résultats peu naturels. Pour cette raison, ils sont
souvent omis dans les ouvrages traitant de la calligraphie.

On peut imaginer que, par glissement, on a pu désigner les capitales sous
le nom de versals dans certaines langues, particulièrement dans les pays où
la gothique a été très employée. Je n'ai jamais vu cet usage en français.
Il convient de préciser qu'il ne peut être valable pour les majuscules qui,
elles, ont généralement été "composées" en vrais majuscules gothiques.
Je distingue ici la majuscule, capitale initiale utilisée en début de
phrase et pour les noms propres, de la capitale, utilisée pour composer des
mots entiers (titre, etc.). C'est un sujet sur lequel je reviendrai dans un
article pour la FAQ, si j'ai le temps.

Incidemment cette fameuse première ligne est sans doute l'origine des
petites caps suivant la lettrine en composition traditionnelle.

Voili.

Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
		http://village.cyberbrain.com/technopole/Experluette
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse
(projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie
illustrative).