Archive Liste Typographie
Message : Re: classifications

(Jean Fontaine) - Lundi 27 Juillet 1998
Navigation par date [ Précédent    Index    Suivant ]
Navigation par sujet [ Précédent    Index    Suivant ]

Subject:    Re: classifications
Date:    Mon, 27 Jul 1998 04:03:32 -0400
From:    "Jean Fontaine" <jfontain@xxxxxxxxxxx>


Caroline Leduc demande :

>> Mon problème est basique, en fait : celui de la classification. [...]
>> Auriez-vous un ouvrage de référence?

Jacques André répond :

>Il y a au moins _La chose imprimée_,[... ]
>La classification de Vox/ATypi y est décrite sur trois pages (et celle
>ancienne de Thibaudeau en 10 lignes).
>
>Richaudeau donne (pages 62 à 72) 5 classifications dans son _Manuel de
>typographie et
>de mise en page_; [...]

Pour compléter le tableau, le livre « Typographie, du plomb au numérique »
(1996), donne cette liste de classifications modernes (certaines sont
illustrées) :

  1921 : Francis Thibaudeau
  1952 : Maximilien Vox
  1952 : Jan Tschichold
  1953 : Berry-Johnson
  1954 : Balding-Mansell
  1954 : Bastien
  1955 : John C-Tarr
  1957 : Aldo Novarese
  1960 : Pelliteri
  1962 : ATYPI
  1964 : DIN 16 518
  1964 : Aldo Novarese
  1978 : Marcel Jacno
  1979 : Jean Alessandrini
  1986 : Adobe
  1987 : Bitstream...

>Ces 5 classifications sont :
>- Thibaudeau (1920?), basées sur la présence ou absence
>de patins,

Sa classification est expliquée dans « La lettre d'imprimerie » (1921) et
dans « Manuel français de typographie moderne » (1924). En résumé (je
n'apprendrai rien ici aux pros, qui sont invités à me mettre du plomb dans
la tête si je me mêle les poinçons), elle est basée sur la forme des
empattements et distingue quatre grandes familles classiques :

  - Antique : absence d'empattement
  - Égyptienne : empattement quadrangulaire (rectangulaire)
  - Elzévir : empattement triangulaire
  - Didot : empattement filiforme

Sa famille Elzévir est large : il y inclut des caractères inspirés du
tracé au ciseau, au calame, à la plume ou au pinceau, comme l'Auriol, dont
on peut se demander si les empattements sont bien triangulaires...

>-Vox ATypI (1953) = Thibaudeau + origine historique (les garaldes etc.)
>et le style

Selon ma source, la formule serait l'équation :
  Vox = Thibaudeau + caractéristiques formelles + histoire + style

  Vox trouve neuf solutions (réelles? imaginaires?) à son équation :

  - Humanes : inspirées des humanistiques de la Renaissance
  - Garaldes : ( = Garamont + Alde Manuce) empatt. fins et triangulaires
  - Réales : inspirées du « romain du roi » et apparentés
  - Didones : (= Didot + Bodoni) empatt. filiformes
  - Mécanes : empatt. rectangulaires nettement marqués
  - Linéales : sans empattements ni déliés
  - Incises : inspirées des inscriptions monumentales de l'Antiquité
  - Scriptes : imitant l'écriture courante ou la calligraphie
  - Manuaires : imitant l'écriture lente à main posée

La classification de l'association internation ATYPI (1962)
  ATYPI = Vox + 2 nouvelles catégories

  Profitons-en pour rappeler les traductions anglaises entre parenthèses :

  I Humanes (Humanistic)
  II Garaldes (Garaldic)
  III Réales (Transitional)
  IV Didones (Didonic)
  V Mécanes (Mechanistic)
  VI Linéales (Lineal)
  VII Incises (Incised)
  VIII Scriptes (Script)
  IX Manuaires (Manual)
  X Fractures (Black Letter) : inspirées des gothiques allemandes
  XI Écitures non latines

Après leur adoption par l'ATYPI, les noms français créés par Vox ont connu
un certain succès, voire un succès certain. Succès moins certain pour les
termes anglais...


> Novarese (1958), version italienne de Thibaudeau

Novarese (1957, 1964) = dessin des empattements. Il semble aboutir en gros
aux mêmes catégories que Vox/ATYPI, avec 10 familles :

  - Lapidaires
  - Médiévaux
  - Vénitiens
  - Transitionnels
  - Bodoniens
  - Ornés
  - Égyptiens
  - Linéaires
  - Fantaisies
  - Écritures


>- Le codex 80 d'Alessandrini (1979) que ce dernier a crré quand
>  c'était la mode des lettres-transferts (donc l'invention de nouvelles
>fontes de fantaisie) classification qui n'a pas l'air d'voir été très
>répandue, pourtant l'idée était bonne !

Toujours selon ma source (où cette classif est illustrée), le Codex 80 est
publié par Bussière Arts Graphiques dans « Typomondo », no 1. On aboutit
cette fois au quadrinôme :
  Codex 80 =  histoire + géographie + stylistique + esthétique

  - Simplices
  - Emparectes (et Emparectes à congés)
  - Deltapodes (et Deltapodes à congés)
  - Filextres (et Filextres à congés)
  - Claviennes
  - Romaines
  - Onciales
  - Gestuelles Calligraphiques
  - Gestuelles Brossées
  - Germanes
  - Exotypes
  - Ludiques
  - Machinales Modulaires
  - Machinales Computrices
  - Hybrides
  - Transfuges
  - Diagones
  - Stenciliennes

La classification numérique Bitstream s'inspirerait du Codex.


>- enfin Richaudeau parle de la grille de Bertin qui est à mon avis
>plutot une façon de considérer les variations sur un caractère (graisse,
>encre, couleur, texture, orientation, etc.).
>
>Il y aussi la classification Allemande DIN 16518 dont je ne sais pas
>si elle est très différente de celle de Vox !

Cette classification est due à Hermann Zapf et Willy Mengel.
  DIN = ATYPI - (Garaldes + Humanes)
C'est-à-dire que les deux catégories Garaldes et Humanes sont regroupées
en une seule (quelqu'un sait le nom?).


Quant à la classification de Marcel Jacno, elle a été publiée dans
 Anatomie de la lettre », collection « Caractère », École Estienne, 1978.
  Jacno = empattements + éléments d'alignement + détails décoratifs

  - Antique
  - Romain ancien
  - Romain moderne
  - Égyptienne

Ses quatre grands styles correspondent aux familles de Thibaudeau. Les
 détails décoratifs » sont des trucs comme les caractéristiques des
fermeture horizontales, les attaques et les terminaisons des montants.

> [...]
> Le problème des classifications est effectivement complexe. Il faut être
>assez large pour pouvoir faire entrer le plus de critéres de choix,
>et pas trop pour ne pas avoir trops de classes. Il faut surtout que
>les critères soient bien discréminatoires. Ce 'nest pas le cas des
>garaldes, humanes et réales de Vox que bien peu de gens savent
>distinguer.

En particulier dans les petits corps, pour le misérable amateur que je
suis...

> Il faut aussi savoir à quoi sert une classification :
> [et autres judicieuses remarques]

Oui, et avec la prolifération de milliers de types, la classif qui risque
de triompher dans la pratique, c'est la plus bête : la classification
alphabétique.

Quant à la question de la classification idéale et philosophale, je laisse
répondre de plus augustes aréopagites...


Jean Fontaine
jfontain@xxxxxxxxxxx