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Message : Banalisation des smileys

(Bernard Chombart) - Jeudi 11 Mars 1999
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Subject:    Banalisation des smileys
Date:    Thu, 11 Mar 1999 13:28:48 +0100
From:    Bernard Chombart <Bernard_CHOMBART@xxxxxxx>

Sur la discussion lancée par Jean Fontaine répondant à Jacques André ... 

>>C'est bien pourquoi je dis que les connotations typorgaphiques, ou les
>>smileys, c'est la même chose : ras le bol !
>
>Une question de futurologie :
>Peu importe ce qu'on pense des smileys, leur prolifération va-t-elle rester
>circonscrite au contexte cathodique des échanges internautiques (où ils
>semblent répondre à un besoin) ou bien ce genre de ponctuation familière
>va-t-il commencer à s'immiscer, avec plus de succès que le point d'ironie,
>dans le médium très (trop?) différent qu'est l'imprimé (par exemple dans
>des récits ou dans des dialogues de roman sans rapport avec la
>cyberculture)? À long terme, jusqu'où ira ou n'ira pas la banalisation des
>trombinettes?
>Quelqu'un a une boule de cristal?

... je pense ne pas me tromper trop en conseillant 
à votre belle profession, qui a derrière elle des
siècles d'usage peaufinés, de ne pas laisser troubler
sa sérénité par la furie si récente de l'internettisation
générale de tout ce qui se veut l'intelligentsia, mais
ne l'est pas nécessairement.

Les souriards sont en fait plutôt assez anciens, disons
de l'époque où l'interface homme-machine graphique
n'avait pas encore fait son apparition, ni même d'aillleurs 
les pictogrammes dans les aéroports. C'étaient des
clins d'?il que s'envoyaient les plus « avancés » des 
gens qui communiquaient déjà à l'aide de terminaux
antédiluviens, très longtemps avant que les réseaux 
n'aient été fédérés par l'internet.
Si on s'en sert encore aujourd'hui, c'est que ça fait
aussi sérieux que, pour un Français, d'émailler son
discours de mots étrangers qu'il ne comprend souvent
même pas lui-même.

À mon avis, ils sont voués à disparaître, pour deux
raisons :
1/ on dispose dès aujourd'hui de possibilités graphiques
sophistiquées qui permettent par exemple de redresser
très facilement, et même d'agrémenter le souriard 
déguisé en petit sapin de Noël vu par Patrick Cazaux sur 
des cartes de v?ux; d'ailleurs, n'avez-vous pas déjà remarqué, 
par exemple, que la mode des « icônes animées » elle-même 
est en train de passer ?
2/ mais surtout, il faut bien prendre conscience que
le tout-écrit n'a été qu'une phase transitoire de
l'irruption de l'informatique en général, tout au plus
cinquantenaire (et à condition encore d'aller la
chercher jusqu'au stade de l'embryon) et de ses
dispositifs de communication en particulier.

L'internet est voué au multimédia, et ne s'adressera
plus, sous peu, qu'aux sens traditionnels, sauf bien sûr 
pour vos vrais clients, les amateurs de textes, qui n'ont 
aucune raison de devenir plus nombreux qu'avant [la télé 
et l'internet], bien au contraire. Ainsi, ceux qui 
s'efforceraient d'améliorer leur orthographe uniquement
pour ne pas se ridiculiser en « mélant » avec le reste
du troupeau perdraient leur temps : bientôt ils pourront
retrouver la quiétude que le téléphone avait apporté à
leurs parents, qui eux-même avaient déjà rompu avec
la qualité non seulement orthographique, mais encore
calligraphique de l'écriture des leurs, en percevant que
bientôt la gazette serait enterrée par la radio.

Encore une fois, je vous dis, seuls les lecteurs resteront
votre raison d'être, peut-être moins nombreux, mais
fidèles aux contenus des bibliothèques, qui à mon avis
s'enrichiront aussi, et ne disparaîtront pas de sitôt,
laissant les fruits du dernier cri aux béotiens.
Aussi, la technique typographique ne devrait pas trop se 
laisser perturber par des modes passagères, même si elle
profite à juste titre des avancées technologiques, comme
elle a toujours su le faire à bon escient.

Jetez les souriards à la poubelle, et gardez votre sérénité.

Bernard_Chombart@xxxxxxx
Cormelles le Royal, Calvados, France