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Message : M. et Mr (ou Mr.) (Jacques Melot) - Samedi 13 Mars 1999 |
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Subject: | M. et Mr (ou Mr.) |
Date: | Sat, 13 Mar 1999 12:33:56 GMT |
From: | Jacques Melot <melot@xxxxxx> |
En guise d'élément de réponse à Jean Fontaine, voici ce que j'écrivais dans FRANCE-LANGUE, en mars 1997. =============================== >From Wed Mar 26 17:29:11 2025 >Subject: F-L : 231/03/97 Quelques remarques concernant les abréviations « M. », « Mr » et « Mr. ». On a parlé d'anglicisme à propos de l'abréviation à deux lettres de « Monsieur », avec ou sans point final. Il faut s'entendre sur la définition d'un anglicisme. Je me suis déjà intéressé à cette question et ai envoyé à france_langue une communication à ce sujet, l'an passé (163/03/96 Re: 094/03/96 "lape-taupe globale" & ANGLICISMES, le 19 mars 1996, à 18 h 44). Il se trouve maintenant archivé à la fin d'un autre message (« Taxinomie » et « taxonomie »), à : http://listes.cru.fr/arc/mycologia-europaea@xxxxxx/1998-09/msg00053.html Un anglicisme est une locution empruntée à l'anglais et non pas « un mot anglais non traduit ». Parfois, l'anglicisme se réduit à un seul mot, notamment lorsque le mot en question possède la même orthographe ou presque qu'un mot français qui en constitue une traduction littérale. Par exemple, en anglais, « transparent » appliqué à un mécanisme signifie que ce mécanisme n'est pas perceptible par l'utilisateur normal ; en français, dans le même contexte, « transparent » a le sens exactement contraire, d'où, évidemment, un danger de confusion. J'avais d'ailleurs fourni cet exemple à l'époque comme une possibilité. Depuis, j'ai constaté à plusieurs reprises que les choses ont progressé et ai malheureusement rencontré cette erreur à plusieurs reprises, notamment dans un forum français dont je ne citerai pas le nom, un forum où le langage est à ce point altéré que les participants en sont à s'envoyer le même message à plusieurs reprises, après avoir tenté de le rédiger autrement, parfois en vain, parce qu'ils ne se comprennent plus entre eux ! Comme quoi, Babel... Dans la mesure où une abréviation peut être, dans un sens large, un anglicisme, il est évident que l'usage actuel, en français, de « Mr » ou « Mr. » pourrait fort bien en être un. En fait, comme nous le verrons plus loin, il s'agit tout au plus d'une forme faible d'anglicisme, en ce sens que la langue anglaise, ici, fait plutôt office de catalyseur que de fournisseur. Que cette abréviation ait été en usage au siècle dernier, ce qui, comme nous le verrons aussi, est discutable et demande à être précisé, n'y change rien : ceux qui l'emploient actuellement le font -- sans le moindre doute -- sous l'influence de leurs lectures et par influence mutuelle, en aucun cas en se basant sur un éventuel usage depuis longtemps disparu et dont, à quelques rares exceptions près, ils ignorent totalement l'existence. Du reste, comme il apparaît ici en annexe (voir à la fin), l'emploi de l'abréviation à deux lettres « Mr » ou « Mr. », semble bien rare dans l'édition française et nous n'en avons trouvé qu'un nombre très restreint d'exemples (au XVIIe et au XVIIIe siècles, aucun au XIXe !), et encore, s'agit-il de cas douteux (sous la forme anglaise « Mr. »). Dans Grevisse, dans mon édition du Petit Robert et dans le tout nouveau Collins-Robert French Dictionary (4e éd.), je ne trouve que « M. ». De plus, mon correcteur électronique (Microsoft Word) accepte « M. » et refuse « Mr. » et « Mr ». Ce que nous dit Joël Surcouf (13 mars 1997, à 14 h 26, F-L : 008/03/97 Abreviations ?) ne peut évidemment être négligé : >Étant en train d'éditer des monographies communales rédigées en 1899 par >les 300 instituteurs qui composaient le corps enseignant du département de >la Mayenne, je suis bien obligé de constater que la très grande majorité >d'entre eux emploient, pour raccourcir le mot 'Monsieur", l'abréviation >"Mr.". >Peut-on taxer d'anglomanie ces "hussards noirs de la République", formés >au moule des Écoles normales et qui forment si bien les pleins et les >déliés de leur belle écriture violette ? >(Quoiqu'il en soit, j'ai pris le parti pour cette édition (30 volumes !) >d'adopter le 'M.', au risque d'encourir le reproche de ne pas respecter >scrupuleusement le texte...) de même ce que dit Jean-Pierre Lacroux (18 févr. 1997, à 15 h 41, F-L : 204/02/97 Noms de dames) : >Ce prétendu « anglicisme » figure comme seule abréviation française de « >Monsieur » dans des grammaires françaises du XIXe siècle, par exemple >Girault-Duvivier 1838. À l'article « abréviation », Littré 1872 donne >comme exemples : « Mr, Mme » pour Monsieur et Madame... (Il est vrai que >Larousse 1885 donne « M., Mme »...). Lefevre 1855 et 1883, bible des >typographes de la seconde moitié du XIXe siècle, donne « M., Mr ». Comment se fait-il alors que je n'en ai trouvé nulle trace dans ma recherche ? J'en viens tout simplement à me demander si les ouvrages cités ci-dessus peuvent être lavés de l'accusation de vouloir plus imposer une norme que de restituer un usage réel. Dans le cas où nous aurions affaire à des tentatives de normalisation abusives, les abréviations différentes de « M. » proposées pour « Monsieur » tiendraient plus de l'erreur que d'autre chose. Reste tout de même les 30 volumes et la « très grande majorité » parmi 300 instituteurs, de Joël Surcouf. Se pourrait-il que l'usage de l'abréviation « Mr. » ait été l'apanage de certaines corporations ou de l'administration, au XIXe siècle ? Une norme administrative ? La question de savoir si le changement d'usage consistant à adopter « Mr » au lieu de « M. » est un bien ou un mal est tout autre. Il n'est bien sûr jamais glorieux ni agréable de se laisser imposer quoique ce soit à son insu, mais, bon !, il serait peu sage, à mon avis, de se priver d'une amélioration, si tel est le cas, d'autant plus qu'il s'agit d'une influence non voulue ni imposée par l'étranger ! Je constate seulement, sans prendre position, que l'abréviation « Mr » est plus explicite que « M. » et présente l'avantage non négligeable d'indiquer que l'on a affaire à « Monsieur » et non à un prénom commençant par « M. ». Ces remarques ont déjà été faites par d'autres sur france_langue. Par exemple, dans « Mémoires de mathématique et de physique, tirés des registres de l'Académie Royale des Sciences. De l'Année M. DCCVIII. [?]. [Dans:] Histoire de l'Académie royale des Sciences. Année 1708. Avec les Mémoires de Mathématique & de Physique, pour la même Année. Tirés des Registres de cette Académie. [?] À Paris, de l'Imprimerie Royale. M. Geoffroy, Observations [...], p. 228-230 [p. 293-296 de l'édition d'Amsterdam]. », ce « M. » devant « Geoffroy », un nom assez commun pour poser des problèmes d'identification, est-ce l'abréviation de « Monsieur » ou celle d'un prénom ? En, fait, il s'agit de l'abréviation de « Monsieur », comme on le constate en passant en revue ce vénérable périodique. Cet exemple, qui date de 1708, confirme d'une part que l'usage de « M. » et « Mr » à fluctué et d'autre part montre que l'emploi de l'abréviaton « M. » (pour « Monsieur ») au lieu du prénom ou de son initiale, comporte des inconvénients. Dans le périodique en question se trouvent aussi les publications d'un certain « M. Jussieu » : duquel s'agit-il ? Antoine, Bernard, Joseph, etc. Dans ce cas précis, que je sache, on n'a pas encore réussi à l'établir en toute certitude. (Il s'agit probablement d'Antoine.) Quant à l'abréviation « Mr. » (se terminant sur un point), elle est décidément étrangère au système d'abréviation français : lorsque l'abréviation est interne, on ne met pas de point après la dernière lettre du mot (cf. Grevisse, par exemple). Cette règle est claire, stricte et toujours observée dans les travaux soignés. L'abréviation « Mr. » se trouve concurremment avec « Mr », parfois chez un seul et même correspondant, voire dans la même lettre, comme me le prouve la considération du courrier que je reçois. La réclame, les traductions de romans et autres lectures non techniques, les titres de cinéma, etc., tout cela, sans oublier que, dû aux influences mutuelles, le phénomène s'autoalimente, joint au fait que l'abréviation « Mr » pourrait évidemment être l'abréviation de « Monsieur » si ce n'était « M. », est à l'origine de cette confusion qui, pour une fois, ne semble guère due au snobisme. On peut donc contester que « Mr » soit, à proprement parler, un emprunt à l'anglais ; c'est plutôt une forme induite par l'existence, en anglais, de l'abréviation « Mr. », abréviation qui est utilisée pour l'équivalent anglais de « Monsieur » et que l'on voit de plus en plus souvent. Donc l'apparition (ou la réapparition) de « Mr » est plutôt un artefact linguistique qu'autre chose. De là à dire que cette règle concernant les abréviations internes ne présente pas d'inconvénient, c'est une autre affaire. Pensant à ceux qui ne maîtrisent pas bien le français -- une question particulièrement actuelle, du fait du développement des communications internationales -- on pourrait soutenir que le fait de mettre systématiquement un point après toute abréviation serait une aide supplémentaire pour distinguer les mots abrégés de ceux qui ne le sont pas. Ce ne serait cependant qu'une solution partielle car un mot abrégé terminé par un point peut très bien se situer en fin de phrase ; dans ce cas on peut être amené à se demander si ce point indique une abréviation ou bien une ponctuation forte (à moins de mettre deux points de suite, ce qui, je crois, serait contraire aux règles de typographie généralement admises). Donc un changement de règle reste discutable. Voyez aussi l'exemple que j'ai donné concernant l'abréviation française « Mlle », qui, perçue par erreur comme un mot non abrégé, aurait fourni l'islandais « mella » (un des mots islandais pour « prostituée ») ! (5 février 1997, à 11 h 26, F-L : 038/02/97 Noms de dames.) Salutations distinguées, Jacques Melot, Reykjavík melot@xxxxxx ANNEXE. Faute de temps et de documentation, je me suis limité à un échantillon constitué d'une cinquantaine d'ouvrages rédigés en français. Dans trois d'entre eux seulement, l'abréviation utilisée pour « Monsieur » est « Mr. » (pas « Mr » d'ailleurs), et encore, les deux noms que j'ai mis entre parenthèses n'ont pas été contrôlés (je les ai pris dans une bibliographie allemande dont l'auteur a peut-être cru bon de rectifier ou d'ajouter « Mr. »). En revanche, je garantis l'authenticité de la référence de 1727 ; toutefois, comme l'ouvrage de S. Vaillant est paru « A Leide & à Amsterdam, chez Jean & Herman Verbeek et Balthazar Lakeman » il n'est pas impossible que des « M. » aient été corrigés en « Mr. » à la composition, par les typographes néerlandais. 1561 M. Antoine du Pinet (Lyon) 1572 M. Jean des Moulins, docteur en médecine (1615 Mr. Jacques Dalechamps) 1708 M. Geoffroy 1727 Mr. S. Vaillant 1753 M. Adanson (1767 Mr. Gautier Dagoty) 1778 M. le Chevalier de Lamarck 1786 M. 1786 M. Pierre Bulliard 1791 M. 1805 MM. De Lamarck et De Candolle 1812 M. 1826 M. (J. B. L. Letellier) 1832 M. J. Roques 1837 M. F. V. Mérat 1844 M. J.-H. Léveillé 1846 M. 1846 M. J.-H. Léveillé, MM. 1848 M. (R. Grandsaignes d'Hauterive, Dict. rac. langues europ.) 1863 M. J. de Seynes 1875 M. Édouard Morre, prof. Univ. Liège 1879 M. 1881 M. 1888 M. le Dr Quélet 1891 M. 1891 M. (L. Quicherat et G. Châtelin, Dict. fr. latin, éd. de 1891) 1894 M. (A. Bailly, Dict. grec français ; 16e éd., 1950, id.) 1895 M. 1896 M. 1901 M. 1902 M. 1909 M. Émile B. 1913 M. le Dr Gillot, et MM. 1917 M. 1922 M. (A. Meillet, Intr. ét. comp. langues indo-eur.) 1923 M. P. Konrad (Suisse) 1924 M. 1925 M. P. Konrad (Suisse) 1928 M. (Shahidullah, M. M. A. B. L., Textes ét. Bouddhisme tardif) 1933 M. 1933 M., MM. 1934-1937 M. (F. Gaffiot, Dict. latin français) 1936 M. 1936 M., MM. 1937 M. 1937 M. 1938 M. 1938 M. le Dr P. Bouchet 1942 M. (F. Mossé) 1944 M. 1947 M. 1953 M. 1954 M. 1955 M. etc. J. M.
- M. et Mr (ou Mr.), Jacques Melot <=
- Re: M. et Mr (ou Mr.), Lacroux (13/03/1999)
- Re: M. et Mr (ou Mr.), Jacques Melot (14/03/1999)