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Message : Guillemets, le debat

(Olivier RANDIER) - Mercredi 25 Août 1999
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Subject:    Guillemets, le debat
Date:    Wed, 25 Aug 1999 01:08:11 +0200
From:    Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>

La question des guillemets est un terrain miné sur lequel je ne
m'avancerais qu'avec précaution. Reste que les différentes interventions
montrent qu'il y a un vrai problème. Il me paraît, moi aussi, intéressant
de relancer le débat, parce que je trouve que la FAQ évacue un peu vite le
sujet.

Si je comprends bien, à l'origine, la typographie française n'utilisait que
des << >>. Pour le second rand, on avait recours aux guillemets marginaux.
Ces derniers ont disparus parce que la technologie actuelle (sic) ne sait
pas gérer le guillemetage marginal. Du coup, on utilise les 66 99 comme
guilles de second rang (surtout dans la presse). Cet usage, mal compris,
aboutit à une distinction sans doute abusive entre guilles "de citation" et
guilles "de distanciation".

JiPé et JiDé l'ont répété, la plupart du temps, on utilise abusivement des
guilles là où l'italique serait plus approprié et ne poserait pas de
problème philosophique. C'est le cas notamment des mots étrangers.

Reste quand même quelques cas où des guilles s'imposent, il me semble.
C'est notamment le cas de l'argot, des usages relachés ou ironiques. Là,
l'italique ne me semble pas approprié, puisqu'on ne parle pas d'une langue
étrangère.

Il y a donc bien place pour des guilles "de distanciation". Doivent-ils
être distincts des guilles "de citation" ? C'est toute la question.
Comme le rappelle JiDé dans la FAQ, les << >> peuvent servir << pour isoler
un mot, un groupe de mots, etc., cités ou rapportés, pour indiquer un sens,
pour se distancer d'un emploi ou pour mettre en valeur >>. Il n'y a donc
pas lieu de distinguer les deux types de guillemetage.

Oui, mais se pose alors le problème des guilles de second rang. La
technologie ne nous permettant plus le guillemetage marginal en second
rang, on est bien forcé d'avoir recours à des guilles distincts pour le
second rang. C'est les 66 99 qui en font office, à l'heure actuelle.

Le problème, c'est que les guilles de second rang sont, dans la majorité
des cas, également des guilles "de distanciation". Du coup, la différence
de glyphe est généralement interprétée comme due à la distanciation, et non
au second rang. Et l'utilisateur lambda se demande alors pourquoi on ne
fait pas toujours la distinction.

L'exemple de la FAQ est typique :
Ceci est fautif :
- Les "PAOistes" ? Mon patron m'a dit qu'il allait << bientôt s'en
débarrasser >> !
alors que cela est correct :
- Mon patron m'a dit : << Je vais bientôt me débarrasser des "PAOistes" qui
me coûtent trop cher >> !

On peut comprendre que Lambda s'interroge...

Personnellement, je suis un fervent partisan de nos chevrons français, et
je répugne à l'usage des guilles anglais, même en second rang, parce que,
d'une part, ils s'accordent mal à notre tradition d'espacement avant la
ponctuation haute, et que, d'autre part, ils jurent carrément avec
l'apostrophe, quand par hasard ils entrent en collision avec elle, comme
dans l'exemple suivant :
J'ai dit : << L'"apostrophe dactylo" est à proscrire dans la composition
soignée. >>

Bien sûr, comme certains viennent de le suggérer, dans la plupart des cas,
on pourrait s'abstenir de distinguer premier et second rang, parce que le
guillemettage de second ne survient, le plus souvent, que sur un mot ou un
groupe de mots très court. Mais, dès qu'une coupe intervient à l'intérieur
du second rang, il devient difficile de comprendre à quoi se rapporte le
guille fermant à la ligne, sans parler des cas de guilles fermants
coïncidants. Donc, ne pas distinguer risquerait d'aboutir à des confusions.

Finalement, je me demande si ce ne sont pas les typos romans qui détiennent
la solution, avec leur chevron simple (< >) en second rang (voir le _Guide
du typographe romand_, je reprocherais seulement à celui-ci de les utiliser
sans espace, alors que ce qui est intéressant dans le chevron, c'est
l'espace). Tschichold aussi recommande leur usage.

On pourrait alors imaginer d'utiliser ces guilles du deuxième type à la
fois comme guilles de second rang et comme guilles "de distanciation" :
< distanciation >
<< citation >>
<< citation < distanciation > citation >>
<< citation < second rang > citation >>

Tschichold propose même d'inverser l'ordre, comme pour marquer une progression.
< citation << second rang >> citation >, mais là, je ne le suivrais pas,
dans la mesure où ça aboutirait à utiliser le signe le plus fort pour les
guilles de distanciation, alors qu'il me paraît plus important de marquer
fortement la citation.

Ces chevrons simples ont beaucoup d'avantages : ils sont parfaitement
cohérents avec les chevrons doubles, ils sont discrets et élégants, ils
sont moins encombrants en titrage, et ils sont présents dans toutes les
fontes et codages standards, je crois. Recevez-vous tous correctement ceci ?
Ð distanciation ð
« citation »
« citation Ð distanciation ð citation »
« citation Ð second rang ð citation »

Ils ont, par contre, deux inconvénients : ils sont inconnus des usages
français, et leur substitution automatique aux _quotesingle_ n'est pas
prévue dans les logiciels (du moins pas dans leur version française,
peut-être dans les versions suisse romande, s'il en existe ?). Ceci risque
évidemment de constituer un frein important à leur usage.

Voilà, c'était mes 0,2 euros sur la question. Vous pouvez taper, maintenant.
On reviendra en deuxième semaine sur la question des citations sur
plusieurs alinéas.

P.-S. -- JiDé, il faudra, de toute façon, modifier la FAQ à propos du
chevron simple, puisqu'il est faux de dire que leur « utilisation [est]
inconnue dans la composition française » (à moins d'exclure la typographie
suisse de la typographie française...).

Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
	http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse
(projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie
illustrative).