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Message : Re: Premier sinistre : toujours les caps

(Olivier RANDIER) - Jeudi 01 Juin 2000
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Subject:    Re: Premier sinistre : toujours les caps
Date:    Thu, 1 Jun 2000 15:46:54 +0200
From:    Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>

>Olivier RANDIER a écrit :
>
>> Étonnement de mon éditeur. Pour me justifier, je saisis mon hyène pour
>> confondre l'impétrant... et constate avec stupeur que l'on y écrit « le
>> Premier ministre ». Il y a sûrement une explication limpide et évidente,
>> mais j'avoue que je patauge. JiPé, tu pourrais m'expliquer clairement
>> pourquoi, là, on ne met pas de cap à ministre ?
>
>----
>On ne met jamais de cap à « ministre »... sauf quand on s'adresse
>personnellement à un ministre que l'on respecte ou dont on souhaite obtenir
>quelque chose...

Il y aurait là, d'ailleurs, bien des choses à dire sur les contradictions
entre la pratique typographique et la pratique épistolaire des formules de
politesse : « le président de la République » dans un texte, mais
« veuillez agréer, Monsieur le Président [...] » dans une lettre adressé au
président du syndic des proprios de mon immeuble !

>Quant au premier d'entre eux, la graphie particulière de sa fonction est
>cautionnée par une tradition qui remonte loin. Qui s'étonne du Premier
>consul ?
>Il est vrai que c'est une entorse à une tendance lourde (« malaise face à la
>décapitalisation du substantif derrière un adjectif capitalisé »)... mais elle
>en respecte une autre, bien souvent contradictoire dès lors qu'il ne s'agit
>plus de lieux, d'institutions ou d'événement, mais de personnes : le peu de
>goût des Français républicains pour la multiplication flagorneuse des
>majuscules dans la graphie des titres et des fonctions.

Tout à fait d'accord avec ça. « Premier ministre » satisfait pleinement mon
goût républicain. C'est juste que ça devient difficile à rationnaliser,
donc à expliquer : « le Petit Caporal » (antonomase), mais « le Premier
ministre »...
Est-ce qu'on pourrait dire que la « tendance lourde » en question
s'applique au spécifique, mais pas au générique, pour les titres et
fonctions, au moins, ou est-ce encore de ma part une généralisation
dangereuse ? Plus ça va, plus l'expression « grammaire typographique »
évoquée par Méron me paraît pertinente.

>Et puis, y a l'équilibre institutionnel... Le président de la République n'a
>droit qu'à une cap (tu me diras qu'aujourd'hui c'est encore trop...) ; en
>face,
>un « Premier Ministre » la foutrait mal... [...]
>--------------------------------------------------------

Je préfère m'en tenir à l'explication précédente, qui fait moins appel à
l'exception et à un protocole fort peu républicain...

>> * Encore que... J'ai quand même un (petit) problème avec les ministères :
>> le « ministère des Affaires sociales » n'est-il pas un organisme unique à
>> caractère national ? Certes, il y a plusieurs ministères, mais il n'y a
>> qu'un seul ministère des Affaires sociales, non ?
>
>----
>L'unicité est un des critères traditionnels les plus difficiles à manier,
>puisqu'il n'est pas d'ordre linguistique ou typographique : il est
>intégralement fondé, en supposant qu'il soit valide en toutes circonstances
>(ce qui est loin d'être certain...) sur la connaissance de l'objet et en
>particulier de son statut. Il ne faut faire appel à lui qu'en dernier
>recours ! Avant, autant poser le problème en termes strictement
>typographiques...
>Si tu accordes la cap au générique, tu dois l'enlever au spécifique (sauf à
>accepter de multiplier hideusement les caps)... et alors là, problème ! Tu vas
>te retrouver avec un Ministère des affaires sociales et... un ministre des
>Affaires sociales... Mieux, quand tu feras sauter le générique (ce qui est
>fréquent avec certains grands ministères comme les Affaires étrangères ou
>l'Intérieur), tu seras dans une belle merde... avec des caps sauteuses,
>alternatives, incohérentes, bordéliques... Bref, tout ne va pas pour le mieux
>dans le meilleur des mondes typographiques, mais avant de déplacer les bornes
>anciennes que nos pères ont posées, s'agit de faire gaffe aux conséquences de
>notre inconséquence pressée...

OK, donc, si je comprends bien, la règle à respecter en premier est celle
du générique/spécifique, le critère d'unicité n'intervient qu'après ? Ma
compréhension progresse. Encore une fois, mon propos n'est pas de remettre
en cause les règles, que j'estime généralement censées, mais d'en saisir
les tenants et aboutissants, ce qui m'évite d'ouvrir un code toutes les
cinq minutes et me permet, éventuellement, de les expliquer, donc de les
faire appliquer. La possibilité de faire sauter le générique explique aussi
bien des choses, je l'avais oubliée.


Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
	http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse
(projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie
illustrative).