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Message : Re: Foliotages de pages blanches

(Jacques Melot) - Mardi 19 Septembre 2000
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Subject:    Re: Foliotages de pages blanches
Date:    Mon, 18 Sep 2000 22:31:22 +0000
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>

 Le 18/09/00, à 13:40 +0200, nous recevions de Damien WYART :

* Jef Tombeur <jtombeur@xxxxxxxxxxxxx> [000918 13:10]:

> Les messages de Jacques M. sur le sujet abondent dans les archives...
> Il m'a tellement convaincu que, sachant toutefois que certains
> pourraient confondre, j'ajoute à l'occasion, après "ou", la mention
> "ici, ou inclusif" ;-)

Je doute qu'il n'aurait pas eu la même réaction sur un autre thème,
mais bon...

> Disons que Jacques n'avait pas remarqué que l'auteur du message était
> nouveau sur la liste et passons à autre chose (en tout cas, ici, et
> revoyons les archives avant d'avancer ailleurs des arguments qui
> seraient des redites à n'en plus finir)...

Dans cette veine, disons alors aussi que l'auteur de la question de départ
n'est pas *forcément* au courant des subtilité du « et/ou » et n'est pas
*forcément* un handicapé de la typo pour autant.

Mais votre raccrochage aux branches est un peu léger, car il semble
impliquer qu'il est normal d'insulter quelqu'un qui n'est pas nouveau sur la
liste ! Le problème de fond reste le même.

Pour limiter le bruit là dessus, je m'en tiendrai là. Pas besoin de
palabrer pendant des jours, chacun tirera sa conclusion personnelle.
Ceci dit sans aucune supériorité, évidemment. Je ne cherche pas à
avoir raison ni à faire le chef, simplement à émettre une alerte
relative à l'ambiance de la liste.

... une ambiance que, dans le cas présent, vous induisez en grande partie, hélas.



Je n'ai ni le temps ni l'envie d'entrer dans la polémique et ne répondrai que par petite touches (mais à tout), non pour me défendre, mais dans l'intérêt de la chose et, secondairement, dans l'intérêt du forum. (Secondairement, car il n'est pas en danger et n'a pas besoin qu'on le défende.)

L'intention n'était pas agressive, du moins pas hors des bornes de la bienséance. J'avais plutôt dans l'idée d'attirer l'attention sur cet emploi en ayant recours, comme je le fais souvent, à un style un peu provocateur, donc propre à engendrer une réaction. Si vous me connaissiez mieux, vous sauriez que je n'attaque jamais les personnes, répondant le plus souvent même sans savoir, et encore moins me rappeler, à qui je réponds, sauf, évidemment, lorsqu'il s'agit de noms que je connais bien. Je ne m'en prends qu'aux idées, aux théories, aux lubies, etc. Et là, copieusement.

L'emploi du « et/ou » - qui suppose toujours une construction consciente de la phrase - est tout sauf innocent et appartient typiquement à une panoplie de grigris socio-culturels utilisés dans certains milieux, notamment chez une partie des universitaires, pour se distinguer d'autres milieux regardés comme moins prestigieux, au même titre que, par exemple, pour les femmes, faire suivre son nom de famille par celui de son mari, avec un trait d'union entre : ce n'est tout simplement pas le fait de n'importe qui. Ce sont là des pratiques sur lesquelles on peut porter des appréciations diverses. Mais comme elles sont en même temps quelque peu discriminatoires par ce qu'elles impliquent, il est bon d'en parler pour sensibiliser les gens et tenter d'y apporter un remède, d'autant plus que tous ceux qui tombent dans cette ornière sont loin d'en avoir perçu tous les tenants et les aboutissants et ne sont donc pas foncièrement « irrécupérables ».

Si vouq voyez dans mon intervention une attaque, alors ce n'est pas une attaque personnelle, mais une riposte à une entité collective, qui, elle, croyez-moi, se pose là en matière de harcèlement linguistique... Du reste, Jean-Christophe Dubacq préparant une thèse, ne serait-ce pas lui faire injure que de lui prêter à ce point peu d'esprit de discernement qu'il aille prendre la mouche, avant même de se demander le pourquoi de mon commentaire ? D'ailleurs, nous voyons, maintenant qu'il a calmement et dignement répondu, que les choses se sont effectivement passées ainsi. Vous avez donc dramatisé et excité les esprits pour rien. Question ambiance du forum, non, vraiment, ce n'est pas une réussite.


   Vous écriviez :

Enfin, vous savez très bien, puisque vous êtes un habitué de la liste, qu'en typo, « tout est relatif », et que nous n'avons jamais pu obtenir un consensus total et clair sur un quelconque sujet. Votre remarque est donc encore une fois malvenue puisqu'elle laisserait sous-entendre qu'il existe une Vérité Absolue au sujet du « et/ou », et, bien-sûr, que c'est vous qui la détenez. À quand la création d'une secte de la vérité typo, dont vous serez le gourou ?


En typo, tout n'est pas relatif, Dieu merci. Et puis la question est loin d'être purement typographique. De plus, parlant de l'activité du forum, votre jugement, comme quoi « nous n'avons jamais pu obtenir un consensus total et clair sur un quelconque sujet », me semble plus que sévère. Comme aux Jeux olympiques, l'important c'est d'y participer : cela augmente la conscience que l'on a des difficultés et, grâce aux informations et aux idées apportées par les uns et par les autres, permet de se faire une opinion plus nuancée et plus riche (je parle pour moi, mais j'ai du mal à croire qu'il n'en va pas de même pour les autres participants).

   Vérité absolue ?
Dans un sens, oui, il est bien question de vérité absolue ici, puisque les sectateurs du « et/ou » commettent l'erreur fondamentale de se placer eux-mêmes dans une position où la dialectique froide d'un vrai-faux quasi mathématique se retourne contre eux.

La conjonction « ou » est l'un de ces rares éléments du langage à être un invariant linguistique, à cause de sa détermination physiologique et non pas culturelle. La conjonction « ou » existe dans toutes langues humaines où elle a partout le même sens et le même usage, et l'on peut en dire autant de la conjonction « et ». La syntaxe de ces conjonctions et le sens qui en résulte correspondent à une projection dans le langage de la structure du cerveau humain et des mécanismes de la pensée dont il est le support. Personne - pas même les Américains ! - n'a donc le pouvoir de décider de ce qu'elles signifient.

La question du « et/ou » n'est pas si anecdotique que souvent on voudrait le faire croire. Avec sa généralisation Outre-Atlantique, puis maintenant son utiisation de plus en plus fréquente chez nous, en particulier dans les traductions, on peut sans trop de difficulté prévoir un certain nombre de difficultés possibles, qui, en grande partie, aboutiront à la pénalisation d'un public qui s'exprime simplement et normalement, sainement devrait-on dire, sans recourir à cette béquille. Dès l'instant ou de l'argent est en cause, on peut très bien imaginer toute une série de pratiques procédurières consistant à coincer les gens dans leur usage d'un « ou » qui, du jour au lendemain aura changé de signification dans les mains de ceux qui détiennent un pouvoir. On en viendra à pénaliser un étudiant de n'avoir pas utiliser un « et/ou » à un endroit précis d'un texte qu'il rédigera lors d'un examen, etc.

Cher Damien, je vous adresse de bien amicales salutations, ainsi qu'à tous d'ailleurs.

   Jacques


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Damien WYART / wyart@xxxxxxxxxxx