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Message : Re: ON A TEMPETE (Jacques Melot) - Jeudi 28 Septembre 2000 |
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Subject: | Re: ON A TEMPETE |
Date: | Wed, 27 Sep 2000 22:59:59 +0000 |
From: | Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx> |
Le 27/09/00, à 23:15 +0200, nous recevions de Thierry Bouche :
Jacques Melot a écrit : > Malheureusement, pour tenter de pallier à ces inconvénients, Jacques !
Ouais... passons !
> Le résultat, comme on peut le constater, est un clivage > et une situation tendue entre partisans de cette règle et opposants, > une situation préjudiciable dont on aurait pu faire totalement > l'économie. Ah ?
Oui, l'archarnement diacritique est un phénomène relevant de la sociopsychanalyse. Cette histoire d'accentuation est un thème- ou une cause-écran (comme on parle de souvenir-écran) et ce n'a, au fond, que peu à voir avec la typographie. Comme je l'écrivais il y a quelques jour, c'est un exutoire.
> Noms et prénoms de France (cf. Eve, Etienne, C'est un cas d'espère intéressant : le E d'Eve est une majuscule ; on ne verra jamais écrit eve ou ève. L'usage qui consiste à ne pas accentuer les majuscules (dont on peut dire qu'il est dominant en France, quoiqu'il pose certains problèmes quand on compose en capitales...) conduit à la situation où _on ne sait pas_ si Eve, Etienne, Edith ou Eloïse devraient comporter des accents sur le E. Non ?
J'y ai pensé, mais en définitive ça ne tient pas, ne serait-ce que parce que de nombreux noms propres ont une étymologie qui peut être retracée (laquelle, de plus, remonte souvent à des noms communs). Par exemple, « estienne » a évolué en « étienne » qu'on écrit « Etienne » ou « Étienne » (et ce n'est pas récent ; le meilleur endroit pour chercher la forme avec accent aigu est la page de titre des livres, laquelle est souvent partiellement accentée, parfois presque complètement, rarement complètement ; je vois que le Petit Robert des noms propres écrit Étienne Dolet). Pour Eve, question étymologie ça se pose là, effectivement. Cette remarque, bien sûr, vaut plus généralement pour au moins une grande partie des noms propres (c'est-à-dire des mots qu'on ne trouve - en principe - que capitalisés à l'initiale). Parti à ce train là, on va considérer que l'accent dans « Écosse » est arbitraire, un terrain sur lequel je ne m'aventurerai pas. (Je donne plus de détails sur le Dauzat dans l'annexe, à la fin du présent message ; cf. en particulier Émile.)
> En conclusion, cette question d'accentuation des capitales, telle > qu'elle est posée en général, est l'exemple même du faux problème. Si > vous estimez utile d'accentuer les capitales, faites-le : vous n'avez > pas à vous en justifier. Cela dit, on ne peut fermer les yeux sur le > fait qu'il existe un usage consistant à ne pas accentuer > systématiquement les capitales. J'ai plutôt l'impression que la question porte sur les majuscules... La typographie soignée a en général accentué les capitales quand un mot en est entièrement composées.
Dans ce domaine, les faits sont importants. Il est rare de trouver une accentuation entièrement cohérente. Voyez en annexe, un peu plus bas, une petite liste éclectique d'ouvrages accompagnés de commentaires sur la capitalisation qu'on y adopte (les observations portent surtout sur les pages de titre, mais pas seulement).
Il est beaucoup plus difficile de trouver un exemple où le défaut d'accentuation d'une majuscule induit une ambiguïté (à ou a en début de phrase, p.ex.).
L'ambiguïté est sans importance. Ce qui importe c'est l'éventuelle perte d'information ; tout le reste est secondaire.
> tolérance chez certains à l'égard de ceux qui n'accentuent pas les > majuscules. Ah ! tention, c'est pas pareil ! Th.
================================== ANNEXE ==================================[Ce qui suit a déjà été diffusée en public, dans un autre forum, il y a quelques mois.]
Bon, alors, je vois qu'on n'y échappera pas et vais donc tendre le bras vers les rayons de ma bibliothèque afin d'examiner des livres au petit bonheur la chance.
A. GOUDOT-PERROT. 1973. Les organes des sens. Que sais-je? n° 1496.Les A en début de phrase ne sont pas accentués. En revanche, et c'est normal, l'angstroem est noté convenablement Å, un caractère que l'imprimeur a bien su trouver dans ses polices. Même remarque pour le Que sais-je n° 210 (impression de 1974), en ce qui concerne « à » en début de phrase.
Deux exemples de pratique incohérente : L. QUICHERAT et É. CHATELAIN. 1891. Dictionnaire français-latin.Sur la couverture le « E » initial de « Émile » n'est pas accentué alors qu'il l'est sur la page de titre! Sur cette dernière, le sous-titre, entièrement capitalisé, n'est qu'en partie accentué, on note « TIRÉS », « PÈRES »; « ÉGLISE », mais « MOYEN AGE » ( pas d'accent circonflexe sur le « a »). Le nom d'auteur « CHATELAIN » étant capitalisé dans tout l'ouvrage, comme voulez-vous êtes sûr de son orthographe en bas de casse, vu le doute jeté par ces incohérences d'accentuation. Ne serait-ce pas « Châtelain »? Bonne idée, allons donc consulter le vieux et vénérable Dauzat :
A. DAUZAT. Dictionnaire étymologique des noms de famille et prénoms de France. Larousse. Et c'est pour découvrir qu'aucun des noms commençant par un É ou un È n'est accentué! À la p. VI de l'introduction, je trouve « Ecole pratique des Hautes Etudes », alors que la page de titre, convenablement accentuée en ce qui concerne les capitales, porte « professeur à l'École pratique des Hautes Études ». Pour en revenir à « CHATELAIN », nous trouvons « Chatelain, variété de Châtelain » : nous voila bien avancés!
L'exemple de « CHATELAIN », tiré du dictionnaire latin cité plus haut, montre clairement que la non accentuation des capitales présente des inconvénients sérieux : formation d'homonymes, impossibilité de restituer de manière exacte, sans informations extérieures, un nom de personne dans une bibliographie exacte et précise, respectant systématiquement l'accentuation, etc.
Allons nous avoir un peu plus de chance avec... voyons... le manuel de gotique de Mossé?
F. MOSSÉ. 1942 (réimpression de 1969). Manuel de langue gotique. Aubier Montaigne.
Et non. Là encore, les « à » ne sont pas accentués lorsqu'ils sont capitalisés, ce qui n'empêche pas l'imprimeur de disposer, par ailleurs, des caractères spéciaux - rares -, comme le hwair (ligature translitérée par hv ou hw) pour imprimer correctement le gotique (en plus du grec).
Même remarque en ce qui concerne les ouvrages suivants :A. FERRON. 1978 (10e édition). - Bactériologie médicale à l'usage des étudiants en médecine. (Capitales accentuées de manière incohérente).
-----------------------J. LAPLANCHE et J. B. PONTALIS. 1967. Vocabulaire de la psychanalyse. (« à » capitalisés non accentués.)
-----------------------LA FONTAINE. 1934. Fables choisies. I. Classiques Larousse. (Même remarque que ci-dessus. J'ai trouvé « Ésope », en roman et, une fois, « Esope » en italiques, ce qui pose le problème intéressant d'une éventuelle règle différente pour l'italique.)
-----------------------J. QUINET et A. PETITCLERC. 1968. Théorie et pratique des circuits de l'électronique et des amplificateurs. (J'y trouve un « Étudions », mais les « à » capitalisés ne sont pas accentués.)
-----------------------V. HENRY. 1963. Éléments de sanscrit classique. Adrien-Maisonneuve. (Un ouvrage, vous en conviendrez, qui ne manque pas de caractère - dans tous les sens du mot - et où, pourtant, les « à » capitalisés ne sont pas accentués.)
-----------------------M. ADANSON. 1753. Familles des plantes. (Accentuation des capitales non faite. Sur la page de titre : « A PARIS [...] AVEC APPROBATION, ET PRIVILEGE DU ROI; ailleurs « TROISIEME PARTIE », « Eté », « l'Epiderme », etc.)
-----------------------F. AUBLET. 1775. Histoire des plantes de la Guiane françoise [...]. (Page de titre : « Par M. FUSÉE AUBLET », mais « A LONDRES, & se trouve A PARIS »).
-----------------------[J. F. DURANDE]. 1782. Flore de Bourgogne. (Capitalisation de la page de titre incohérente : « PROPRIÉTÉS des Plantes », mais « A DIJON [...] rue St. Etienne [au lieu de : Étienne] ».)
-----------------------A. LICHNEROWICZ. 1962. Théorie globale des connexions et groupes d'holonomie. Publié simultanément en France par Dunod (collection Travaux et recherches de mathématique) et en Italie, où l'ouvrage est imprimé, par Cremonese. (« à » non accentué en début de phrase, p. 6, de même on trouve, p. 161, « Etant donné » et en note infra « E. Cartan » au lieu de « É[lie] Cartan », et ce, alors que les « é » capitalisés de la page de titre portent bien l'accent).
-----------------------A. HITLER. Mon combat [traduction française de Mein Kampf]. Nouvelles Éditions latines (sans date, mais il s'agit d'une reproduction photomécanique d'une impression très antérieure à 1970). (Dans la justification du tirage, au dos de la page de titre on trouve : « IL A ÉTÉ TIRÉ DE CE VOLUME VINGT-CINQ EXEMPLAIRES [...] NUMÉROTÉS DE I A [pas d'accent grave] XXV, RÉSERVÉS AUX COLLABORATEURS », comme quoi il y en a qui ne manquent pas d'humour...)
-----------------------G. APOLLINAIRE. 1970 (réédition). Les onze mille verges. L'or du temps, Régine Deforges. (p. 68 : « Jack l'Éventreur », mais à la ligne suivante « A Bucarest »).
-----------------------A. EINSTEIN. 1960. Théorie relativiste du champ non symétrique. Gauthiers-Villars. (« é » accentués dans la capitalisation, mais pas « à »).
-----------------------Est-il bien nécessaire de continuer? Nos lectures sont-elles à ce point différentes?
J'ai bien l'impression que vous vous êtes uniquement préoccupé des accents que vous détectiez, notamment sur les « e », tant graves qu'aigus, qui, c'est vrai, ne sont que rarement omis, et non pas de ceux qui aurait dû être présents et qui ne l'étaient pas, tels, typiquement, l'accent grave sur la préposition « à » ou l'accent circonflexe, sans parler du tréma, évidemment trop peu fréquent pour en juger, sinon au prix d'une grosse perte de temps.
CONCLUSIONL'examen - diachronique, comme synchronique - du fonds imprimé français montre que l'usage des signes diacritiques pour les lettres capitalisées fluctue de manière notable. Si maintenant, considérant après tout qu'aucune règle typographique, aussi bien établie soit-elle, n'est appliquée sans subir la moindre entorse, au moins çà et là, nous réexaminons la question, ce sera pour conclure, de manière encore plus embarrassante peut-être, qu'il se dégage assez nettement une règle de capitalisation, au moins partielle : en français (de France), il est d'usage de conserver l'accent aigu et l'accent grave sur le « e » après capitalisation et de ne pas garder l'accent grave sur la préposition « à » dans les mêmes circonstances. Le fait que dans des ouvrages à la typographie très riche (tels le manuel de sanscrit de Henry ou celui de gotique de Mossé) la préposition « à » capitalisée ne soit pas accentuée, parle en faveur d'une décision volontaire de l'imprimeur, donc de l'application d'une règle d'usage. De fait, si une règle se dégage de la considération des exemples donnés, c'est bien celle-là!
Ces conclusions rejoignent tout à fait la description des usages français en matière d'accentuation donnée dans le Chicago Manual of Style, que je rappelle ici :
French as sometimes set employs the following special characters :À à, Â â, Ç ç, É é, È è, Ê ê, Ë ë, Î î, Ï ï, Ö ö, ? ¦ [ligature e dans l'o], Ù ù, Û û, Ü ü
[Liste dans laquelle le y tréma, ? ÿ, comme souvent, a été oublié.]Note, however, that French may be sets without accents on capital letters [ici note infrapaginale, reproduite plus loin] [...] This leaves as the essential minimum C c with cedilla and the lowercase accented vowels [....].
[Note infrapaginale :]French printers vary in practice, some retaining accents on all capitals (except the preposition à, which never carries the accent when capitalized), some retaining accents only on I and E (or using an accent on I even when omitting one from E), some omitting them altogether. English and American printers reflect all these practices.
- Re: ON A TEMPETE, (continued)
- Re: ON A TEMPETE, Jef Tombeur (25/09/2000)
- Re: ON A TEMPETE, Jacques Melot (25/09/2000)
- Re: ON A TEMPETE, Thierry Bouche (27/09/2000)
- Re: ON A TEMPETE, Jacques Melot <=
- Re: ON A TEMPETE, Lacroux (28/09/2000)
- Re: ON A TEMPETE, Thierry Bouche (28/09/2000)
- Re: ON A TEMPETE, Jacques Melot (29/09/2000)
- Re: ON A TEMPETE, Olivier RANDIER (29/09/2000)
- Re: ON A TEMPETE (accents sur les caps), Olivier RANDIER (28/09/2000)
- Re: ON A TEMPETE (accents sur les caps), Patrick Cazaux (28/09/2000)
- Re: ON A TEMPETE (accents sur les caps), Luc Bentz (28/09/2000)