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Message : Re: Microtypographie de la phontique

(Alain Hurtig) - Samedi 11 Novembre 2000
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Subject:    Re: Microtypographie de la phontique
Date:    Sat, 11 Nov 2000 10:23:14 +0100
From:    Alain Hurtig <alain@xxxxxxxxxxxxxxxxxx>

At 14:14 +0100 10/11/00, Thierry Bouche wrote:
Maintenant, pour ce qui est d'homogénéiser les obits/empattements
après la culbute, tu prends le risque de créer de nouvelles lettres
illisibles,

Pourquoi illisibles ? On trouve de tout en matière de polices IPA sur le marché (consulter n'importe quel moteur de recherche) et ça donne des documents généralement illisibles. La (mauvaise) excuse des gens qui les produisent, c'est qu'ils n'avaient rien d'autre sous la main.

Une remarque en passant : il y a une « tradition » en la matière, qui vient du prix des fontes, qu'il s'agisse de plomb ou de photocompo. C'est un peu comme pour le grec... Vu l'étroitesse du marché et le coût prohibitif d'adaptation d'une police, les ateliers prenaient ce qu'ils avaient sous la main. Ça ne signifie pas que cette « tradition » soit bonne. Avec les outils informatiques, on a tout sous la main pour faire de beaux alphabets IPA.

Si j'étais toi et que je disposais de temps, je le ferais
sur quelques signes et je ferais un test de lisibilité des deux
versions par des gens qui lisent l'ipa couramment...

Ça devrait pouvoir être fait.

Ma linguiste adorée (ma copine, pour ceux qui ne suivent les méandres de ma vie sentimentale ;-)) me dit qu'elle préfère de loin des lettres IPA totalement refondues et absolument harmonisées avec le reste du caractère. Quand il s'agit de simples inversions de lettres (avec les empattements à l'envers, par exemple), ça dérange sa lecture - évidemment, on s'y fait, à la longue. Mais...)

Il n'y a par ailleurs aucun risque de confusion ou de mélange avec le texte courant, puisque les passages en IPA sont toujours encadrés de crochets ou de barres verticales.

Je maintiens donc qu'il faut redessiner les lettres conformément à l'aspect général de la police.

On peut être certain que le grec Baskerville impose de purs concepts
romains comme les empattements, ce qui donne une page imprimée plus
homogène, mais choque un peu l'oeil de l'hélèniste, je crois.

J'en ai un peu l'expérience, et c'est assez étrange.

Ayant eu à composer un livre en Baskerville avec des citations en grec, j'ai évidemment choisi du grec Baskerville. Le Baskerville romain (ultra-majoritaire) était du Monotype, le Baskerville grec était de l'ITC (faute de Monotype disponible). J'ai bataillé dur pour harmoniser tout ce petit monde, et donner le même oeil et la même graisse au grec qu'au romain (sans bousiller le dessin du grec, c'est ça qui était dur à faire). Résultat, les pages sont totalement homogènes, et le gris reste le même (aux variations de densité du texte même, dues au changement de langue, évidemment) sur toutes les pages.

Ce qui est étrange, et c'est la réponse à ta remarque, c'est que les hellénistes à qui j'ai montré ce grec ITC tout seul (en corps 15, pour bien voir les lettres) étaient très gênés par son dessin, bien que sans arriver à dire pourquoi. Les mêmes étaient enchantés du résultat final, et en particulier de lire sans rupture aucune, sans discontinuité, le français et le grec. Tout faisait, miraculeusement, sens pour eux, sans avoir besoin de réfléchir : passage d'une langue à l'autre absolument naturelle.

Quand aux non-hellénistes, ce gris homogène les aidait : leur oeil « glissait » simplement sur les passages grecs, avant de s'accrocher à nouveau sur le texte français, faisant sens pour eux. Le gris homogène empochait que leur lecture ne soit perturbée.

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À mon avis, le cas est similaire avec IPA.
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Alain Hurtig mailto:alain@xxxxxxxxxxxxxxxxxx
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