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Message : Re: Hussards et grognards et petites capitales

(Thierry Bouche) - Mardi 19 Juin 2001
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Subject:    Re: Hussards et grognards et petites capitales
Date:    Tue, 19 Jun 2001 12:59:18 +0200 (MET DST)
From:    Thierry Bouche <Thierry.Bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>

Concernant « Re: Hussards et grognards et petites capitales », Olivier
RANDIER écrit bien des choses qui malheureusement vont plutôt dans le
sens inverse du mien...

Le contexte de la discussion en question était la liste de
développement OpenType, les grognards sont des enthousiastes
d'Unicode, XML, et OTF : ils font donc comme s'ils n'utilisaient
jamais XPress ou Word ou même Page Maker. Le paradigme à considérer
est celui (que connaissent bien les utilisateurs de latex) de la
séparation du texte source et de sa composition : le texte source est
composé de caractères et de balisage. La sémanticité attendue des
caractères est le respect de l'orthographe, la généricité du source
(réutilisabilité, dirait-on aujourd'hui) ; les choses plus évoluées
sont supposées se passer au niveau du balisage. Par exemple, un nom
propre devrait idéalement toujours être saisi comme ceci :
<prénom>Olivier</prénom> <nom>Randier</nom>, et c'est à la feuille de
style de dire si les noms sont en caps, en petites caps, etc., cela
pouvant d'ailleurs dépendre de ce qu'on en fait (un même nom d'auteur
pouvant se trouver sur la page de titre, dans les en-têtes, en
signature...)

L'aspect pratique n'est rien comparé aux dogmes. 

Je leur ai évidemment rappelé qu'inclure Zapf Dingbats par
compatibilité, ainsi que la distinction caps/« petites lettres » était
ridicule, ou du moins suffisament incohérente pour qu'ils incluent les
petites caps aussi bien. Je pense avoir entendu dire que les sociétés
se fondent sur des crimes, l'un des premiers crimes d'unicode a été
précisément d'assassiner la disctinction bdc/pc en inventant le
concept du « caractère petite lettre latine ».

Maintenant, je crains que tu ne confusionnes un chouïa entre
« sémanticité », pragmatisme, et style... 

La distinction capitale/petite lettre n'est pas sémantique (elle
pourrait tout de même l'être si on limitait l'usage de cette
distinction à majuscule/minuscule, ce qui signifie qu'un nom commun
général ne devrait jamais être saisi avec une cap initiale, et que
c'est le balisage qui devrait imposer une cap en début de phrase ou
dans certains cas (titres cités, raisons sociales...). La différence
entre un Français et le français a besoin de la cap, la majuscule en
début de phrase n'est pas sémantique, du moins introduit au contraire
une confusion si on utilise une majuscule au niveau des caractères
(« Français, encore un effort ! » disait un linguiste réformateur...).
[évidemment, personne ne saisira jamais <phrase>français, ...</p..>
mais le jeu est de faire semblant de croire que si...]

» Le « ou » est significatif. Si les petites caps étaient simplement une
» variante des bas de casse, comme on le prétend, elles ne se substitueraient
» qu'à celles-ci. Or, elles visent parfois aussi à remplacer des
» caps. 

C'est ennuyeux, car tu apportes de l'eau au moulin de la
contre-réforme, là. Je dis exactement le contraire : en français, les
petites caps ont toujours une valeur de bas de casse, sauf dans
certains cas (où elles n'ont aucune valeur sémantique, il ne s'agit
alors que d'un style de police). Si tu composes (à tort, àmha) les
acronymes en petites caps, vu que les acronymes sont constitués de
majuscules, il faudrait faire <acro>S.G.D.G.</acro> et dire à la
feuille de style d'appliquer un _style_ petites caps. Je n'ai jamais
dit que les petites caps étaient _toujours_ des caractères (de même
que l'option casse [au sens -- global -- de Lacroux] est un style et
pas une modif des caractères), j'ai dit que, comme les caps, elles
l'étaient _parfois_, et que c'est suffisant pour justifier leur statut
de caractère. Mais attention, saisir avec d'hypothétiques caractères
petites capitales un acronyme serait une erreur : imagine qu'on
cherche S.G.D.G. avec l'option « respecter la casse » dans une page
HTML contenant ceci : <sc>s.g.d.g.</sc>, on n'a aucune chance de le
trouver, et c'est pourtant typiquement un exemple pour lequel ça
aurait un sens (bon, un meilleur exemple : CIA, tu ne trouverais que
CIAO !).

Mon argumentation en faveur de petites caps « caractères » (ou
médiuscules) est que ce sont « linguistiquement » des bas de casse
(une majuscule n'est jamais en petite cap, toujours cap, sauf style
bizarre ne correspondant d'ailleurs pas à la tradition françoise),
mais peuvent apporter une distinction qui a un sens (essentiellement,
on met en français des petites caps aux mots qui ont une valeur de
référence, qui transcende en quelque sorte leur seul sens).

Entre temps, j'ai trouvé un contre-argument relativement vicieux : si
les petites caps étaient des caractères, alors il en faudrait dans
tous les styles, au minimum en italique (on peut penser que le gras
ayant un usage assez limité, on ne colle pas de références
dedans). Mais voilà, la plupart des polices d'italique n'en ont pas. 

Question cruciale aux collectionneurs de la liste : quelle est la
fréquence des petites caps dans les imprimés du XVIIe au XIXe siècle ?
Est-il fréquent qu'un mot en petites caps dans un contexte romain les
perde en ital ? Quels sont les exemples de mots en peites caps
_uniquement_ (ne débutant pas par une grande cap initiale) ?

J'ai une théorie selon laquelle il existerait _deux_ traditions
d'usage des petites caps, une latine qui correspond à ce que j'ai
décrit plus haut (donc petites caps = bdc + qqch, et quasi toujours
cap initiale), et une anglo-saxone qui correspond plutôt à ce que
décrivent Tschichold ou Bringhurst (les petites caps sont là presque
toujours uniquement un style, par exemple pour le sectionnement ou les
en-têtes, et peuvent représenter souvent des majuscules : ce sont des
capitales, mais plus petites, pas des médiuscules). À infirmer,
confirmer, ou modérer, donc...


Th. Bouche
« et, quoique l'on pourrait mettre un point d'exclamation à la fin de
chaque phrase, ce n'est peut-être pas une raison pour s'en dispenser ! »
                                     Comte de Lautréamont, 1869.