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Message : Re: Libellé des adresses

(Jacques Melot) - Mercredi 23 Janvier 2002
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Subject:    Re: Libellé des adresses
Date:    Wed, 23 Jan 2002 10:41:14 +0000
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>

 Le 22/01/02, à 22:47 +0100, nous recevions de Benoît Puttemans :

Doctes typographes,

Quelles sont les usages en matière de présentation des adresses pour la
correspondance ?

Soit l'adresse suivante (fictive) :

Monsieur Jean Trucmuche
Rue de l'Autruche, 66
4000 Liège
Belgique

1. Est-il condamnable d'écrire le nom de famille en majuscules (je trouve
cela très laid) ?



Même si cette manière de faire connaît un certain usage (cf. le Ramat typographique, p. 105, et le Lexique des règles typographiques en usage à l'Imprimerie nationale, 3e éd., p. 53), je pense qu'il s'agit d'une pratique discutable (il existe des gens n'ayant pas de nom de famille, mais une indication patronymique qu'il serait ridicule de distinguer ainsi, le nom véritable des chrétiens, celui qui a de l'importance parce qu'il les caractérise intimement, est leur prénom, etc.) : le nom de famille s'indique de lui-même lorsqu'il s'agit de noms français (mais il peut exister des exceptions ennuyeuses, que certains parmi nous se feront un plaisir de nous fournir, j'en suis sûr). Le prénom, en France et en français, précède toujours le nom de famille dans l'usage ordinaire : je m'appelle Jacques Melot, non Melot Jacques. Les listes alphabétiques longues de noms d'individus sont, pour des raisons compréhensibles et soutenables, présentées triées suivant les noms de famille, lesquels sont alors placés en premier. Dans ce cas une virgule sépare le nom de famille du prénom, laquelle virgule indique l'inversion de l'ordre normal. Dans une telle liste, vous êtes :

Puttemans, Benoît

et non :

Puttemans Benoît.

Autre chose maintenant : il me semble que lorsqu'on utilise « Monsieur » on ne doit pas mettre le prénom (j'avoue ne pas être très fixé sur la question et je constate d'ailleurs que l'usage peut varier, car dans le Lexique cité plus haut, on trouve un « Monsieur Durand » dans un exemple d'adresse, alors que Ramat, p. 105, a « Monsieur Jean Dupré » dans un exemple semblable).

Puisque tout change, on pourrait peut-être précéder l'usage en donnant l'impression qu'il résulte de règles - comme quoi je peux aussi me montrer cynique - en proposant de faire comme dans la bouche des acteurs de films américains :

Monsieur Trucmuche, Jean Trucmuche,

une habitude terriblement contagieuse (il suffit de regarder un film français pour s'en convaincre...).



2. Faut-il mettre une majuscule à "Rue" ou vaut-il mieux pas ?



Non, du moins en français, en France et pour une adresse française, car ce serait contraire à l'usage, lequel est :

66, rue de l'Autruche


   Jean-Pierre Lacroux, pour sa part, préconise :

66 rue de l'Autruche

De plus, il abrège « Monsieur » en Mr, là où d'autres (la plupart) utilisent l'abréviation M. (notez que l'usage, en français, d'un point d'abréviation après le r de Mr, introduit sous l'influence des pratiques germaniques, est uniformément condamné).



3. Je crois qu'en France le numéro de la maison se met avant l'indication de
la rue, alors que dans tous les autres pays européens c'est le contraire qui
se pratique, est-ce bien vrai ?



Il est probable que c'était aussi le cas pour la Belgique (et les autres pays francophones où l'on écrirait maintenant le numéro de la rue à la fin) et que cela a changé sous l'influence anglo-germanique*. On oublie vite et facilement ces changements, lorsqu'ils se produisent. Encore une fois, tout ceci est terriblement contagieux et, pour en revenir à ce que j'écrivais plus haut, je me demande si l'inversion sur le modèle de « Puttemans Benoît », en recrudescence manifeste, n'est pas tout simplement induite par les émissions sportives de la télévision où, très souvent, cette syntaxe est adoptée !


* J'ai écrit « probable » parce que, à proprement parler, je n'en sait trop rien. Il faudrait faire une recherche historique. Après tout, peut-être met on une virgule après le numéro de la rue dans « 66, rue de l'Atruche » parce qu'il s'agit d'une inversion d'une forme ancienne qui aurait été « rue de l'Autruche 66 » ? On rencontre aussi « 66, rue de l'Autruche, 66 » sur des pages de titre, mais il s'agit là d'un simple artifice, la symétrie étant ressentie comme apport esthétique.




Pour ceux qui ne pratiquent pas ainsi,
doivent-ils mettre une virgule entre "Autruche" et "66" ? Juste une espace ?



Comme la présence de la virgule relève de l'usage plutôt que de la logique, il faut donc observer l'usage en Belgique... s'il en est un.



4. Est-il condamnable de mettre le nom de la ville en majuscules (LIEGE,
sans accents en plus, beurk) ?



Comme je n'aime pas condamner sans raison impérieuse (le faire rarement préserve sa force à la condamnation), d'autant plus qu'il s'agit d'un détail plutôt futile, je me contenterai de remarquer que capitaliser les noms de lieux en écrémant les accents correspond simplement à appliquer une directive de l'administration postale concernant les adresses de destination sur les enveloppes, directive motivée par des considérations purement techniques. Ailleurs, donc dans la lettre, vous n'avez pas à suivre cette directive ! Il est même plus que recommandable, pour des raisons de précision évidentes, d'écrire correctement le nom des localités, ne serait-ce que pour que les gens puissent s'y rendre le cas échéant, les repérer sur la carte, etc. Cette remarque s'applique tant aux accents qu'à la capitalisation. Si la poste se contente d'informations en apparence équivoques, c'est son affaire : l'univocité est en principe acquise par le complément d'information apporté par le code postal.

Ces remarques, qui s'appliquent tant aux accents qu'à la capitalisation des noms de lieux dans les adresses, sont de même nature que celles faites, à juste titre, dans le Lexique de l'Imprimerie nationale (p. 36 de l'édition cité plus haut) concernant la série de normes Z 44 de l'Afnor (Rédaction de la description bibliographique). Ce serait une erreur d'appliquer strictement et brutalement ces dernières hors de leur domaine d'application par destination (informatisation des données) : « Ces normes [...] n'ont guère d'incidence sur l'établissement et la présentation des bibliographies sur le plan éditorial*, où c'est le respect de l'exactitude documentaire [...] qui continue de prévaloir et dont l'économie rédactionnelle et la clarté restent un atout déterminant. »

*  Anglicisme pour « rédactionnel » !



5. Parfois, je vois la présentation : "B-4000 Liège", est-elle comprise
partout ?



La première question qui me vient en vous lisant est « comprise partout... de qui ? ». Du service postal des différents pays ? La réponse ne peut être qu'affirmative en principe, puisqu'il s'agit d'une indication de service « imposée » par la poste et sous cette forme. Du public ? C'est une autre affaire (voir plus bas).




Peut-on écrire "I-33013 Gemona" si on écrit en Italie par exemple
ou mettre un "F" si on écrit en France ?



Cette indication doit figurer dans l'adresse de destination sur l'enveloppe et le plus sûr est d'utiliser aussi la même formulation dans la lettre elle-même (B-4000 Liège), car contrairement au nom de la ville que n'importe qui peut directement capitaliser en y supprimant simultanément les accents lorsqu'il s'agit de le reproduire sur une enveloppe, l'omission de l'indication codifiée du pays de destination demande, dans les même conditions, de se reporter à un document particulier lorsqu'on ne connaît pas le code du pays en question. Or ce document, la plupart ne l'ont pas à disposition et même quand ils l'ont...

On ajoute souvent, sur une ligne supplémentaire, le nom du pays en toutes lettres. Bien que la redondance ait quelque chose d'insatisfaisant pour l'esprit, je pense qu'on peut se permettre d'ajouter cette ligne pour la précision. Il suffit, pour l'admettre, de considérer l'exemple suivant :

[...]
FR-Nitio

« Tout ce qui nuit à la fluidité de la lecture est à proscrire », et tel est le cas des indications obscures, pour une raison ou pour une autre, donc :

[...]
FR-Nitio
Danemark

En effet, FR est l'indication (minéralogique) des Féroés, lesquelles font (encore) partie du Danemark.

Là où les choses se corsent, c'est que, suivant des indications d'ailleurs contradictoires, il faut, (ou il faudrait) maintenant utiliser le « code alpha-2 » à la place du code minéralogique à une, deux ou trois lettres, pour l'indication du pays dans le code postal. La Suède, par exemple, applique cette directive (?) et a remplacé S par SE. Il me semble que l'on voit aussi DE se substituer à D pour l'Allemagne. Pour la France, il y a une difficulté : F devrait être remplacé par FR, mais il se trouve (cf. l'exemple plus haut) que FR est le numéro minéralogique des Féroés. Si ce changement doit avoir lieu, alors il faut s'attendre à quelques difficultés pendant un certain temps, dans les cas où l'on ne précisera pas aussi le nom du pays en toutes lettres, se contentant de l'indication codifiée de celui-ci dans le code postal.

Le français étant la langue universelle des postes (pour combien de temps encore, Monsieur Jospin ? car, en toute vraisemblance, vous portez la responsabilité d'une très grande part de la braderie du français), l'indication du pays doit se faire réglementairement en français, quelque soit les pays d'émission et de destination de la lettre.



Questions tatillonnes, mais je voudrais apporter une réponse claire à un
supérieur qui m'impose des manières de présenter qui ne me plaisent guère.



Ma réponse comporte une argumentation assez détaillée qui pourra, je l'espère, vous être utile, même si je n'ai pas pu répondre avec certitude sur tous les points.

   Jacques Melot



----- Message d'origine -----
De : Puttemans Benoît <Benoit.Puttemans@xxxxxxxxxxxxxxxxx>
À : maison Puttemans (E-mail) <puttemans.benoit@xxxxxxxxxx>
Envoyé : mardi 22 janvier 2002 12:09
Objet : adresse



 écrire groupe type pour demander :

 - s'il faut une majuscule au nom des villes
 - une majuscule dans nom commun "rue", "avenue", etc.
 - une virgule avant numéro de maison ?


 Benoît