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Message : Ponctuation - glose toujours (Eric Angelini) - Vendredi 29 Novembre 2002 |
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Subject: | Ponctuation - glose toujours |
Date: | Fri, 29 Nov 2002 11:45:27 +0100 |
From: | "Eric Angelini" <keynews.tv@xxxxxxxxx> |
(...) Ce qui frappe dès l'abord, c'est l'usage qui est fait de la ponctuation. L'auteur multiplie les tirets, les parenthèses, les points d'exclamation jusqu'à former ainsi des propositions entières, donnant au texte des allures de partition musicale - effet encore renforcé par la retranscription phonétique de certains termes. Il excelle dans le néologisme, invente un argot (pratiquement inconnu de la langue allemande qui y supplée par les dialectes), tord l'orthographe, compose des adjectifs à partir d'adverbes invariables, crée des verbes à partir de substantifs, en contracte d'autres pour n'en faire qu'un, injecte de l'anglais, intercale des signes sténographiques. Un vrai régal ! (...) Cette mise en cause de la norme obéit à un projet : celui de rendre compte d'un monde éclaté où la linéarité est un leurre commode. "De minuit à minuit, il n'y a pas "1 journée" mais "1 440 minutes"." Certes, l'idée n'est pas neuve. Proust déjà, Döblin, James Joyce avaient redéfini l'espace-temps du récit et contesté l'idée d'un continuum du réel. Mais Schmidt lui assigne un mode de transcription plus radical encore qui ira jusqu'à mettre en cause l'idée même de livre. Comme il le dit dans Coeur de pierre (1956), l'écrivain doit être "un observateur et un topographe de tous les caractères et de toutes les situations possibles ". Schmidt adore les statistiques, les tableaux, les mesures de tous ordres, mais ce besoin d'exactitude n'est pas assimilable à une rédemption par la technique et les sciences. L'ours n'est pas aussi naïf. Ce qui l'intéresse, c'est de recenser le réel dans ses moindres détails, de le "sténographier au fur et à mesure ". On pourrait croire que là aussi la méthode a déjà fait ses preuves avec les naturalistes, mais l'enjeu est pourtant différent ; c'est moins du réalisme ou de l'hyperréalisme que ce qu'on pourrait appeler de l'archivisme. Il y a chez lui une passion de collectionneur minutieux et facétieux qui quadrille le terrain pour répertorier et commenter des modèles de comportement. Inutile pourtant de parcourir le globe pour faire un état du monde ; une zone limitée suffit pour qui est persuadé que le bonheur n'est pas caché dans quelque contrée lointaine et que la bêtise est une qualité universellement répandue. C'est ainsi que les narrateurs chez Schmidt sont presque tous des intellectuels du nord de l'Allemagne, qui partagent les goûts et les aversions de l'auteur. Les discontinuités de leurs récits sont là pour assurer une continuité autrement plus importante : celle du moi. Mais l'obsession du "je" est si frénétique qu'on a peu à peu l'impression qu'elle dissimule autre chose : la peur panique de ne pas parvenir à maîtriser chaque instant, chaque réaction, de ne pas pouvoir les prendre au piège des mots, les mettre à plat - et de courir le risque d'être pris à revers par un élément non identifié. En un mot, la peur du réel derrière la fascination du réel. Car c'est bien lui qui le préoccupe, et en ce sens, même s'il tend à l'introspection, il n'a jamais cessé d'être un auteur politique. Schmidt a beau avoir écrit des textes qui ont pour cadre l'Antiquité ou qui sont situés dans un futur lointain, c'est toujours son présent qu'il décrit, se payant même le luxe (et le plaisir) de prévoir l'extinction des Allemands (et des Japonais) pour 2008 ! Mais à mesure qu'il avance dans son projet, la perception de la complexité du réel l'oblige à recourir à de nouveaux pièges. C'est ainsi qu'il rédige Le Rêve de Zettel, oeuvre monumentale faite de milliers de fiches raturées, annotées et disposées sur trois colonnes formant autant de commentaires parallèles et destinés à être lus simultanément. Monde en fiches, monde en friche. Le réel a toujours le dernier mot. Pierre Deshusses in _Le Monde_ 6 octobre 2000 HISTOIRES (Trommler beim Zaren und andere Geschichten) et VACHES EN DEMI-DEUIL (Kühe in Halbtrauer) de Arno Schmidt. Traduit de l'allemand par Claude Riehl. Ed. Tristram, 192 p., 110 F (16,77 euros) et 352 p., 150 F (22,87 euros).
- Re: [typo] RE: guillemets anglais HTML, (continued)
- Re: [typo] RE: guillemets anglais HTML, Dominique Lacroix (29/11/2002)
- RE: [typo] RE: guillemets anglais HTML, Isabelle Dutailly (29/11/2002)
- [typo] RE: guillemets anglais HTML, Philippe Patou (29/11/2002)
- Ponctuation - glose toujours, Eric Angelini <=
- Re: [typo] Paging O. Randier, Jef Tombeur (29/11/2002)
- Re: [typo] Paging O. Randier, Olivier Randier (03/12/2002)
- Re: [typo] Paging O. Randier, Jef Tombeur (03/12/2002)
- Re: [typo] Ponctuation - glose toujours, Jef Tombeur (29/11/2002)
- Re: [typo] Ponctuation - glose toujours, Dominique Lacroix (29/11/2002)
- Re: [typo] RE: guillemets anglais HTML, Dominique Lacroix (29/11/2002)
- Re: [typo] guillemets anglais HTML, Thomas Linard (29/11/2002)