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Message : Re: Re[4]: [typo] typo allemande ( était : dúvida)

(Jean-François Roberts) - Mercredi 12 Mars 2003
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Subject:    Re: Re[4]: [typo] typo allemande ( était : dúvida)
Date:    Wed, 12 Mar 2003 16:40:16 +0100
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Merci de toutes ces précisions. Cela dit, je n'ai jamais prétendu que les
écritures brisées étaient l'apanage de ces pays : simplement que c'est
"écritures brisées" ("gebrochene Schriften") qui est le terme consacré, dans
ces pays qui en ont eu un usage largement systématique à l'ère de
l'imprimerie (jusqu'à il y a un demi-siècle tout juste), pour les caractères
que les Français nomment "gothiques" - alors même que ce n'est qu'une
catégorie d'écriture brisée.

L'exemple donné pour la sous-catégorie "e" ("Fraktur-Varianten") est
justement un peu du n'importe quoi, par rapport aux canons typographiques
allemands. On s'accorde plutôt à apparier bastarda et Schwabacher.

Cela dit, les rapports calligraphie-typographie restent complexes, en effet.
Mais tel n'était pas mon propos, justement : je visais surtout à expliciter
l'usage typographique allemand.

Ne pas oublier que l'appellation "gothique" ("gotico") est un terme
polémique, se voulant injurieux pour tout ce à quoi la Renaissance italienne
voulait tourner le dos. C'était conçu comme un synonyme de "barbare". Si
fait que l'architecture "gothique" (allemand "gotischer Stil", ou
"Spitzbogenstil"), dont le berceau est le nord de la France actuelle, n'a
rien à voir avec les Goths, peuplade d'origine scandinave établie sur les
bords de la Vistule, dont le monument graphique reste l'écriture gotique
(sans "h" !), établie par l'évêque Wulfila pour l'évangélisation de ces
contrées (et qui n'a rien à voir avec les caractères dit "gothiques").

La Renaissance allemande est en effet fort différente de la Renaissance
italienne, qui remonte au XIIIe siècle (Dante, Pétrarque, le "dolce stil
novo"). Or, l'italie de cette Renaissance-là faisait partie (l'a-t-on oublié
?) du Saint Empire romain germanique... (Dante était un "impérial", d'où son
exil ; Thomas d'Aquin était le cousin de l'empereur Frédéric Barberousse...)
Cette bipolarité Allemagne-Italie (d'amour-haine, certes) perdure de fait
depuis des siècles (préexistant d'ailleurs au binome Espagne-Allemagne) : on
le constate en philosophie, en litérature, en politique... Et que
l'imprimerie se soit développée si vite dans le nord de l'Italie, après sa
naissance en Rhénanie, n'est certes pas étranger à cet état de fait.  A cet
égard (à tous ces égards), les Français sont bien plus des barbares tard
venus... Que Léonard de Vinci ait accompagné François Ier comme prise de
guerre ne change rien à l'affaire.


> De : Thomas Linard <thomas.linard@xxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxx
> Date : Wed, 12 Mar 2003 07:34:18 +0100
> À : typographie@xxxxxxxx
> Objet : Re[4]: [typo] typo allemande (était : dúvida)
> 
> Bonjour Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>,
> 
> Le 09/03/2003 23:36:05, vous avez écrit :
> 
> JR> Il faudrait peut-être suivre plutôt la nomenclature des Allemands (des
> JR> auteurs de langue allemande, disons) - voire des auteurs de l'ensemble des
> JR> pays d'Europe centrale et nordique (les "lettres allemandes" ont en effet
> JR> servi à composer toutes ces langues, y compris le tchèque, le letton ou le
> JR> slovène, outre les langues scandinaves).
> 
> Les « écritures brisées » ne sont pas la propriété de ces langues. Elles
> sont apparues dans la partie continentale du royaume anglo-normand
> (Normandie et Anjou). Le style rotunda est de création italienne et
> devient très populaire en Espagne.
>
> (...)
> 
> Textura est évidemment l'appelation latine, mais la gothique primitive
> du XIe siècle n'est pas de la vraie textura (qui apparaît au XIIIe
> siècle).
> 
> -- 
> Cordialement,
> Thomas Linard
>