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Message : Re: [typo] R églage de l'approche des caractères

(Jean-François Roberts) - Mardi 22 Avril 2003
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Subject:    Re: [typo] R églage de l'approche des caractères
Date:    Tue, 22 Apr 2003 15:42:18 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Je m'en voudrais de contredire une telle défense et illustration...

Néamnmoins, je maintiendrai (parce que empiriquement vérifié à chaque
instant) que le "gris typo" disparaît de la conscience à l'instant même où
l'on commence à *lire*. Ça n'est pas d'aujourd'hui que la psychologie
expérimentale fait état de telles complémentarités, que je sache ! (Cf. le
gestaltisme, et toutes les études de reconnaissance des formes actuelles.)

Je maintiendrai également qu'il n'y a aucun crime de lèse-typo à se servir
des fonctions d'échelle horizontale et d'approche de groupe. S'en servir
n'implique pas (sauf sensibilité pathologique) qu'on le fasse ipso facto
"sauvagement". Tous les "exemples" du monde (sans jeu de mots...) ne
sauraient établir un tel principe. J'ai d'ailleurs pris la peine
d'expliciter un ou deux garde-fous, sauf erreur : m'opposer des exemples qui
y contreviennent ne fait que conforter ma position, pas l'inverse.

Enfin, si on a un roman qui doit tenir en 250 pages, alors que la saisie au
kilomètre en fait (mettons) 270 - cas assez fréquent - et que la charte
graphique de la collection impose et le caractère et le corps et
l'interlignage... Sans parler des périodiques où c'est le maquettiste et le
rédac-chef qui décident de l'emplacement et de l'importance des
illustrations et autres pavés de pub - au correcteur ou au SR de se
débrouiller avec le texte : en effet, dans mon (ou mes) établi(s), typo et
mise en page sont gérés par des instances différentes, et souvent
contradictoires. Tant mieux pour vous si vous échappez à ces contraintes.



> De : Thierry Bouche <thierry.bouche@xxxxxxxxxxxxxxx>
> Société : Nonsense Inc.
> Répondre à : typographie@xxxxxxxx
> Date : Tue, 22 Apr 2003 12:47:04 +0200
> À : typographie@xxxxxxxx
> Objet : Re: [typo] R Xglage de l'approche des caractXres
> 
> 
> 
> Le samedi 19 avril 2003, à 05:44:07, Jean-François Roberts écrivit :
> 
> JFR> Oui... enfin...
> 
> JFR> La notion de "gris typographique" me laisse rêveur. D'expérience, elle
> est
> JFR> maniée par des gens qui sont maquettistes plus que typographes...
> 
> j'ai du mal à croire que vous pensiez vraiment ce que vous écrivez...
> 
> JFR> Si on s'intéresse au caractère et au message qu'il véhicule,
> JFR> ledit gris n'est de toute façon plus perçu (et ça me paraît
> JFR> empiriquement établi).
> 
> nous n'empirons pas sur le même établi.
> 
> Ce thème : pages faites pour être vues ou pour être lues (ou : soin de
> la typo contre -- ou pour -- respect du texte), a été inlassablement
> discuté sur cette liste depuis sa création. Dès les premiers mois
> (printemps 1997) jusqu'à l'été 1998, si vous avez du temps à consacrer
> à la question, vous pourrez lire les contributions de Jean-François
> Porchez, Alain Hurtig, Olivier Randier, Jean-Pierre Lacroux, etc. Ce
> que vous nous dites aujourd'hui est un des points de vue les plus
> divertissants, mais pas le plus crédible.
> 
> C'est précisément pour le labeur le plus laborieux (roman de gare,
> journal, texte qui se lit au kilomètre « pour son contenu seul » -- il
> y a de toute façon de quoi s'inquiéter si le texte doit se lire pour
> son habillage typographique...) que l'homogénéité de la typo a le plus
> d'importance. Je trouve assez marrante l'idée de casser cette
> homogénéité au nom d'une maquette à respecter, en s'appuyant sur une
> opposition typographie/maquette !
> 
> L'homogénéité du gris est un moyen d'évaluer la qualité d'une mise en
> pages dans l'optique d'une lecture continue, ça n'est pas un but en
> soi pour faire de belles pages (c'est _aussi_ ça, pour un travail
> soigné, mais n'opposons pas deux démarches qui servent le même
> maître : la lecture continue).
> 
> Les facteurs qui cassent un gris et ont un impact évident sur la
> lecture sont : les lézardes, les espaces mot de valeur trop variables
> d'une ligne à l'autre, l'interlettrage.
> 
> Les situations réelles sont :
> * maquette impraticable (colonne trop étroite, corps trop gros... en
> général couplé avec un logiciel qui ne sait pas couper les mots) ;
> * alinéas très courts qui ne permettent pas de trouver des coupures
> de ligne intelligentes, ou de jouer finement sur l'espace mot pour
> sauver le gris (qui est de toute façon de type « stars & stripes »).
> Dans tous ces cas, l'interlettrage est un symptôme plutôt qu'une
> solution, il n'y a pas assez de signes pour qu'il puisse réellement
> sauver la typo et la lisibilité : c'est un pis-aller qui rend la
> lecture cahotique à souhait.
> 
> Comprimer la police ou interlettrer sauvagement pour gagner une ligne
> ou flinguer une veuve est justement une idée de graphiste qui veut
> sauver l'apparence de sa page : on va se trouver avec un bloc trop
> dense, plus noir que les autres, que l'oeil du lecteur va
> immédiatement reconnaître comme un pavé hostile, dans lequel il sera
> plus difficile d'entrer ; il sera tenté de le sauter.
> 
> On est donc limité à des modifications qui restent invisibles
> (compression-expansion maximale de l'ordre de 1,5 %, interlettrage de
> l'ordre de rien du tout). On s'aperçoit alors que toutes les langues
> ne sont pas égales face aux possibilités : en anglais, on peut assurer
> un gris très homogène en autorisant de telles infimes variations,
> parce qu'il est très fréquent qu'on puisse couper avant _et_ après une
> lettre dans un même mot. Il y a aussi la fréquence des mots d'une
> lettre (I, a). En français, l'unité minimale à justifier est plutôt de
> l'ordre de trois caractères (la syllabe) voire beaucoup plus (division
> interdite du mot connexion, p. ex.) : les modifs invisibles de chasse
> aboutissent typiquement aux mêmes lignes, elles permettent seulement
> de réduire la variation de l'intermot, ce qui finalement, ne profite
> qu'au gris !
> 
> J'ai sous les yeux un exemple édifiant de destruction de la lecture
> par l'interlettrage + coupes aberrantes (La face cachée de Monde, 1001
> nuits). Typiquement une maquette de livre de poche agrandie : blanc de
> grand fond plus petit que le petit fond, blanc de tête + titre courant
> très grand, mais pas la place de mettre ses pouces en bas de page ;
> caractère désagréable et trop fort (Mélior, c. 13).
> 
> L'avant-dernier alinéa est assez édifiant : la première ligne est trop
> serrée, la seconde aussi, mais pas sur tous les mots, la troisième se
> lâche, la quatrième semble assez naturelle, mais voilà que la
> cinquième étouffe ! Comment rester serein quand on subit un tel
> carnaval ?
> 
> La dernière ligne (orpheline) est aussi assez sympa : coupure d'un nom
> propre avant un _x_ (qui induit, à la ligne suivante, la coupe
> Colom-/bani, moins championne dans sa catégorie...).
> 
> J'aimerais bien qu'on m'explique comment & pourquoi, du fait que c'est
> un livre que je lis pour son contenu, je devrais m'arracher les yeux à
> tenter de le faire, luxe qui ne me serait autorisé qu'à la lecture de
> « beaux livres »...
> 
> Th. B.