Archive Liste Typographie
Message : Re: [typo] Une librairie sur Paris

(Jean-François Roberts) - Vendredi 05 Septembre 2003
Navigation par date [ Précédent    Index    Suivant ]
Navigation par sujet [ Précédent    Index    Suivant ]

Subject:    Re: [typo] Une librairie sur Paris
Date:    Fri, 05 Sep 2003 07:08:50 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>


> De : Pierre Roesch <pierreroesch@xxxxxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxx
> Date : Fri, 05 Sep 2003 00:43:47 +0200
> À : <typographie@xxxxxxxx>
> Objet : Re: [typo] Une librairie sur Paris
> 
> le 4/09/03 22:06, Jean-François Roberts à jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx a
> écrit :
> 
>> J'ai dit "et alentour" en précisant "banlieue" pour Paris (ce qui se
>> comprend). 
>> 
>> Ça tient donc tout à fait la route. "Sur Rennes" = "à Rennnes et alentour".
>> Et c'est *parfaitement* français - même si "condamné" par Hanse.
> 
> 1)
> La diffusion de ce « sur », qui au cours des dix dernières années s'est mis
> à supplanter progressivement « à » pour la plupart des grandes
> agglomérations de France (et Strasbourg n'a rien de particulier sur ce plan,
> je pense), me semble un effet de mode (un goût du « techno-français », comme
> les anglicismes inutiles) lié à la diffusion et au prestige du jargon des
> « commerciaux » qui travaillent sur des « secteurs ».
> 
> On entend ainsi des :
> 
> ? Je travaille sur l'Alsace.
> 
> ? Il est basé sur Nancy.
> 
> ? Je suis en mission sur Lyon.
> 
> Je ne vois pas l'intérêt de l'utiliser quand on se réfère à l'intérieur
> d'une ville ? sans cette extension floue à sa banlieue proche ou lointaine,
> voire  même à tout le département.
> 
> (...)
> 

Il ne s'agit justement pas d'utiliser "sur" pour parler de l'"intérieur
d'une ville" (la ville stricto sensu, dirais-je), mais bien pour parler de
"la ville et sa région (ses environs)", par opposition à "à", qui désigne
toujours une position dans la ville elle-même. ("Basé sur Nancy" implique qu
le travail ne se limite pas à la ville même ; de même pour "mission sur
Lyon". Quant à "sur l'Alsace", ça ne rentre précisément pas dans le cas de
figure évoqué ici, l'Alsace n'étant pas une ville, que je sache ; mais ça
serait éventuellement une évolution ultérieure ?)

Mais ce glissement vous permet bien sûr d'invoquer je ne sais quel jargon de
"commerciaux" (après les nomades, voici les mercantis... bon dieu que les
fantasmes des puristes charrient une longue histoire !).

Dire que c'est "un effet de mode" ne règle rigoureusement rien : tous les
phénomènes d'évolution linguistique commencent par un stade qu'on peut
assimiler à un tel effet. Ce qui compte est la pérennité, ou non, dudit
phénomène. S'il a déjà 30 ans (au dire de D. Pemerle), c'est déjà une "mode"
qui a pas mal de bouteille...

Reste à évoquer sa légitimité, ou sa francité : et là, aucun doute, ça n'a
rien à voir avec ce que vous désignez (par un effet de manchette qui fait
penser au coup du bonnetot) cpmme "un goût du « techno-français », comme
les anglicismes inutiles" - sans aucunement justifier cette assimilation.

De fait, cette acception de "sur" est *parfaitement attestée et reconnue*
par... l'Académie française elle-même (eh oui !). Je précise : ce n'est que
l'extension au sens spatial de l'acception de "sur" au sens temporel,
parfaitement entrée dans la norme depuis des temps immémoriaux. Et ce va et
vient du spatial au temporel et réciproquement est un des moteurs
d'évolution linguistique les plus constants, et les plus banals même.

Si vous refusez "sur Paris" au sens de "à Paris et ses environs", "aux
approches de Paris", alors il vous faudra, pour être cohérent, récuser ces
autres expressions : "Etre sur son départ. (...) Sur la fin de l'hiver, sur
l'heure du dîner, sur les dix heures." Or, tous ces exemples sont issus du
_Dictionnaire de l'Académie française_ (1932-1935), et sont cités  - avec
mention (Acad.) - par Thomas (_Dictionnaire des difficultés de la langue
française_, 1971), sv "sur".

CQFD