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Message : Re: [typo] étymo [était : chif. rom.]

(Jean-François Roberts) - Vendredi 09 Avril 2004
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Subject:    Re: [typo] étymo [était : chif. rom.]
Date:    Fri, 09 Apr 2004 04:26:01 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Chose promise, chose due...

Voici donc la suite (et fin !). Tout cela est, encore une fois, tiré de
l'_Oxford English Dictionary_ en 20 volumes - en passant sur tout ce qui ne
se rapporte pas au centre d'intérêt défini ici (acceptions divergentes), et
en restreignant le nombre de citation à 2 ou 3 maximum.

Pour ce qui est du verbe "publish", le sens qui nous intéresse est celui de
"préparer et faire paraître pour la vente au public (livre, périodique,
rapport, partition, etc.)", par les soins d'un auteur, d'un éditeur
scientifique, ou, plus particulièrement, d'un éditeur (commercial, au sens
français du terme) dont c'est l'activité :

1450 Reginald Pecock, manuscrit (d'après le Quaritch's Catalogue [1887], I.
n° 54 [publié par le grand libraire londonien, spécialiste de bibliophilie])
: That no person cristen ... after sufficient pupplishing of this book to
hem schulde have eny excusacioun for this that they knowe not the lawe ...
of her lord god. (Le théologien envisage que, son livre une fois
suffisamment publié ["pupplishing"], aucun chrétien ne pourrait prétendre
ignorer la loi divine.)

1529 Thomas More, A dyalogue wherin he treatyd dyvers matters as of the
veneration and worshyp of ymagys etc., I. Preface (Works 106/1) : I am now
driuen ... to this third busynes of publishynge and puttynge my boke in
printe my selfe. (Dans la préface de ce dialogue sur les hérésies, l'auteur
de l'_Utopie_ indique qu'il en est réduit à s'occuper lui-même de publier et
faire imprimer son livre.)

1611 The Holy Bible, conteyning the old testament and the new..., préface
des traducteurs, 10 : He could no sooner write any thing, but presently it
was caught from him, and published, and he could not haue leaue to mend it.
(Les traducteurs la version du roi James [Ier], dite "version autorisée", de
la Bible exposent la condition problématique de la production de la première
traduction des saintes écritures par saint Jérôme : à peine écrivait-il un
passage qu'on le lui arrachait pour le publier, sans lui accorder le répit
de le revoir.)

Au sens de "rendre disponible au public, placer ou porter devant le public
(informations, nouvelles, résultats, découvertes, illustrations...)",
particulièrement par le biais d'un livre, d'une revue, etc. :

1638 Francis Junius, Jr. (François Du Jon), The painting of the ancients,
186 : The old Artificers ... would not have their workes smoothered up in
some private corners, so were they very careful in publishing them. (Les
artistes de l'Antiquité, peu soucieux de voir leurs ¦uvres enterrées dans un
coin obscur, prenaient soin de les publier.)

1771 Philip Luckombe, The history and art of printing, 5 : Two Jewish
Rabbins ... were the first who published the Hebrew character in separate
types. (D'après cette histoire de l'imprimerie, deux rabbins furent les
premiers à "publier" l'impression en caractères hébraïques séparés
[mobiles].)

1803 Medical journal, IX. 287 : Mr. W. assures us that he will publish his
medicine as soon as its efficacy is established. (L'inventeur d'une
médication compte la publier sitôt qu'il en aura établi l'efficacité.)

Au sens passif "être publié", c'est-à-dire "paraître" :

1928 Public opinion, 6 avril, 325/1 : The newspapers do not publish on Good
Friday. (Les journaux ne paraissent pas le Vendredi saint [jour férié chômé
dans les pays anglophones].)

1972 Evening telegram (St. John, Terre-Neuve) , 14 juin, 1/1 : The Evening
Telegram will publish Monday, June 26 which is being observed as Discovery
Day in Newfoundland. (Le journal paraîtra le jour de la Fête de la
découverte de Terre-Neuve.)

Quant au substantif "publisher", le sens correspondant à notre propos est
celui de "personne qui fait paraître un livre, une ¦uvre". Mais le sens
initial visait celui qui le livre au public, en tant qu'auteur ou éditeur
scientifique (sens désormais rare) :

1654 Richard Whitlock, Zootomia : The Publisher [Sir John Birkenhead] to the
Reader. (En cet exorde, c'est bien l'éditeur scientifique de cet ouvrage
d'anatomie animale qui parle - J. Birkenhead, publiciste actif du temps de
la République cromwellienne, sera nommé, à la restoration de la monarchie,
responsable des autorisations de paraître, pour la presse.  ; il sera
d'ailleurs vite supplanté à ce poste.)

1657 Francis Bacon (William Rawley [trad. et éd.]), Resuscitatio, or
bringing into publick light severall pieces of the works hitherto sleeping
... of F. Bacon, Viscount St. Albans, together with his lordship's life
(1661), 181 : Written by his Lordship in Latin; and Englished by the
Publisher. (Le présentateur des ces ¦uvres de l'homme d'Etat et philosophe
de la Renaissance indique que c'est lui, le "publisher", qui en a effectué
la traduction du latin en anglais.)

Au sens usuel aujourd'hui de l'"individu ou société commerciale préparant et
faisant paraître, pour la vente au public, des livres, périodiques,
partitions, etc." (pris absolument, désigne en général un éditeur d'ouvrages
vendus en librairie ; ou, aux USA, le propriétaire d'un organe de presse) :

1740 Thomas Dyche et W. Pardon, A new general English dictionary :
_Publisher_, ... among the Booksellers, is one that has his name put at the
bottom of pamphlets, news-papers, &c. though the property is in another
person, to whom he is accountable for the sale, &c. (L'éditeur vend des
livres, mais se distingue du simple libraire en ce que son nom apparaît au
bas des brochures, journaux, etc. - encore que leur propriété soit investie
chez une autre personne, à laquelle il doit rendre compte des ventes, etc.)

1797 Encyclopedia Britannica (3e éd.), III. 392/1 : Petty dealers, or
venders of small ware, like our publishers. (Des petits négociants, ou
marchands de petites choses, tels nos éditeurs.)

1802 Joshua Montefiore : The Law of Copyright, being a Compendium of Acts of
Parliament and Adjudged Cases, relative to Authors, Publishers, Printers
[etc.] (titre d'ouvrage). (La Loi du copyright, recueil de lois et de
jurisprudence concernant auteurs, imprimeurs, éditeurs...)

1911 Springfield Weekly Republican (Springfield [Mass.]), 6 avril, 11 :
Connecticut Publisher Dead. F. R. Swift, owner of the Brigeport and
Waterbury Herald, died last week. (Mort d'un "publisher" du Connecticut
[titre de brève]. Annonce la mort du propriétaire d'un journal local.)

Pour en venir à "edition", le premier sens indiquait "le fait de publier,
faire paraître", la "publication" (sens désormais non usité) :

1551 Robert Recorde, The pathway to knowledge, Ep. to King : Desiring your
grace not so muche to beholde the simplenes of the woorke ... as to fauour
the edition thereof. (En son épitre au roi, le mathématicien formule le
souhait que celui-ci ne ne s'arrêtera pas tant sur la simplicité de
l'ouvrage mais qu'il en favorisera l'"edition" [au sens français
d'"édition", si on veut...].)

1577 H. Bullinger, Bullinger's Fiftie ... godlie sermons divided into fiue
decades (trad. H. I.) (1592) III : Touching ye [= the] proclamation or first
edition of the ten Commaundements. (Concernant la proclamation ou première
édition [sic] des dix commandements.)

Au sens moderne de l'"une des formes diverses sous laquelle une ¦uvre (ou un
ensemble d'¦uvres) est publiée", du fait de l'auteur ou d'un éditeur
(scientifique) tiers ; ou de l'"une des impressions d'un ouvrage, ou un
tirage de l'ouvrage" - les deux acceptions pouvant se chevaucher, suivant
les usages :

1555 Ralph Robinson (trad.), A frutefull and pleasaunt worke of the beste
state of a publyque weale, and of the newe yle called Utopia, written in
Latine by Syr Thomas More knyght (2e éd.), A iij b : I haue now in this
seconde edition taken about it such paines. (Le traducteur de l'_Utopie_ de
Thomas More [écrite en latin !] évoque le soin qu'il a apporté à cette
deuxième édition.)

1607 Sir William Vaughan, Naturall and artificial directions for health,
derived from the best philosophers, as well moderne, as auncient, page de
titre : The third Edition. (Mention "3e édition" sur la page de titre de cet
ouvrage contenant, entre autres, nombre de recettes de cuisine et autres
conseils de santé.)

Pour "editor", le premier sens fut celui... d'"éditeur" (au sens français),
c'est-à-dire celui qui fait paraître un ouvrage (sens désormais inusité) :

1649 Bishop Joseph Hall, Resolutions and decisions of divers practicall
cases of conscience in continuall use amongst men, I. v. 33 : Otherwise some
Interloper may perhaps underhand fall upon the work at a lower rate, and
undoe the first editor. (L'ouvrage de casuistique évoque la possibilité
qu'un troisième larron, en cassant ses prix, rafle l'affaire à l'éditeur
initial.)

Par la suite, "editor" en vint à désigner (c'est son sens actuel) l'éditeur
scientifique ou technique, c'est-à-dire celui qui prépare pour publication
un texte ou des matériaux littéraires ou d'information en les soumettant à
sélection, révision, etc. :

1712 Joseph Addison, The Spectator n° 470 : When a different Reading gives
us ... a new Elegance in an Author, the Editor does well in taking Notice of
it. (Le grand essayiste et "lion littéraire" indique l'attention que
l'éditeur doit porter aux lectures possibles d'un auteur.)

1725 Alexander Pope (éd.), The Works of Shakespear, Notes : This nonsense
got into all the editions by a mistake of the stage editors. (Le poète
s'élève contre les énormités qui ont entaché les éditions successives de
Shakespeare, du fait des erreurs commises par les acteurs qui ont édité ses
pièces pour la scène [les "stage editors", ou "éditeurs pour la scène"].
Début d'une *très* longue polémique...)

De là, le sens de "responsable d'un organe de presse ou périodique" :

1803 George Rose, The diaries and correspondence (1860), II. III : The
Editor of the _True Briton_. (Dans ses "carnets", l'auteur évoque le
rédacteur du _True Briton_ ["Le Vrai Britannique"], périodique tory [les
tories, on le sait, allaient devenir par la suite les conservateurs ; leurs
adversaires étaient les whigs, futurs libéraux].)

1823 William Cobbett, Rural rides in the counties of Surrey, Kent, Sussex,
... with economical and political observations relative to matters
applicable to, and illustrated by, the state of thoses counties
respectively, 146 : This blunder-headed editor of _Bell's Messenger_.
(L'auteur de ces descriptions célèbres de la condition sociale de
l'Angleterre du début du XIXe siècle, lui-même défenseur des classes
laborieuses, s'élève contre la stupidité du rédacteur d'un périodique.
Humour [délibéré ?] des rédacteurs de l'_Oxford English Dictionary_ :
Cobbett avait lui-même refusé, en 1800, le poste de rédacteur du _True
Briton_, que lui proposait le gouvernement tory...)

Puis au sens de "responsable de rubrique", ou responsable subalterne, dans
un organe de presse ou périodique :

1843 The Knickerbocker: or New York monthly magazine, XXII. 494 : We cannot
permit the young associate-editor of that print ... to misrepresent us. (La
rédaction du périodique s'insurge contre les calomnies du rédacteur adjoint
d'un confrère.)

1936 Society for Pure English, Tract XLV. 188 : In American newspaper
offices, a member of the staff who is in charge of a single feature or
department is dignified by the title of editor. This practice is being
introduced into English journalism, but not without protest. (Ce pamphlet
["tract"] de la Société [britannique] pour la pureté de la langue anglaise
s'élève contre l'importation récente, en Angleterre, d'une novation
linguistique américaine : il s'agirait, comme dans les rédactions
d'outre-Atlantique, d'élever à la dignité de "rédacteur" ["editor"] les
simples responsables de rubrique, ou de département, dans les entreprises de
presse. Cette américanisation des titres susciterait une levée de boucliers
dans les rédactions britanniques...)

Enfin, au sens de "directeur littéraire" d'une maison d'édition, ou d'un de
ses départements (initialement aux USA) :

1915 The Bookman, XLI. 306/2 : You know find erstwhile stonewall editors wax
in your hands. (De la mutabilité des directeurs littéraires, quand ils
sentent un succès.)

1958 Oxford Books (catalogue d'Oxford University Press), 3 : _Oxford
Progressive English_ ... was founded by E. C. Parnwell, while oversea editor
of the Oxford University Press. (Le catalogue évoque un périodique fondé par
le directeur littéraire outre-mer de la maison d'édition.)

L'"editor" se distingue, bien sûr, de l'humble "copy editor" (secrétaire de
rédaction, ou d'édition) :

1899 Jesse Lynch Williams, The stolen story, and other newspaper stories, 24
: The copy-editors began gathering in now. (Les secrétaires de rédaction
commencèrent à s'attrouper.)

1931 Notes and queries, 29 août, 146/1 : The copy editor, in preparing the
despatch for the printer, began with the last clause of the note. (Le
secrétaire de rédaction, préparant la dépêche pour l'imprimeur, commença par
la dernière propsition de la note.)

Lequel "copy editor" se distingue à son tour de l'obscur "proof-reader" (ou
"corrector", ou "proof-corrector", ou "press-corrector"). Mais ceci est une
autre histoire...

Quant à "editorial", le terme apparaît comme adjectif, désignant ce qui
relève de l'éditeur (scientifique) :

1744 Mark Akenside, Lettre, in Poems (1830), 30 : He has intirely devoted
himself to ... editorial criticism. (Le poète évoque un confrère qui s'est
consacré exclusivement à la "critique éditoriale".)

1794 Samuel Parr, in British Critic, février : Lambin ... and Heyne also ...
seem to have considered it as part of their editorial duty, etc.  (De la
conception de la "tâche de l'éditeur".)

Puis, suivant l'évolution du substantif "editor", au sens de ce qui relève
du responsable de publication, et plus spécifiquement les articles écrits
par lui ou de son fait, par opposition aux informations :

1802 Debates and proceedings in the Congress of the United States, 25
février (1851), 796 : The editorial part of the paper ... was supposed to
come from the pen of Mr. Hobby. (Evoque le responsable de la "partie
éditoriale" d'un périodique.)

Comme substantif, "editorial" désignera donc naturellement un article de
presse publié sous l'autorité directe de l'"editor", que ce soit sous sa
propre signature ou non (synonyme : "leader", ou "leading article") :

1830 Collegian (Cambridge, Mass.), 44 : The great green table in the centre
groaning under the weight of editorials, and friendly correspondence.
(Evoque les locaux de la rédaction, où la table peine sous le poids des
"éditos" et autres correspondances.)

1864 The Spectator, a weekly review of politics..., 539 : Mr. Bennett ...
thinks that "an editorial" is the highest form of composition known. (De
l'importance accordée à l'"édito" par un "editor"...)

Enfin, le verbe "editorialize" (ou "editorialise") apparaît (initialment aux
USA), au sens d'"écrire un édito", ou de donner un caractère "éditorial" à
un compte rendu factuel (on sait que la tradition du journalisme anglophone
prône la séparation de l'information factuelle et du commentaire éditorial -
principe souvent mis à mal) :

1856 George Douglas Brewerton, The war in Kansas. A rough trip to the
border, among new homes and a strange people, 75 : As Mrs. Partington
feelingly remarked, when Ike tumbled into a barrel of soft soap: "Isn't it a
blessed thing to editorialize for an appreciative public?" (Des déboires
d'un rédacteur dont les éditos sont peu appréciés.)

Pour bien faire, il faudrait poursuivre l'enquête avec "print" (verbe et
substantif), "printer", "impression", "press", "proof", "copy", "type",
"typography", "typographer", "book", "bookshop", "bookseller"...

A d'autres... ou à une autre fois ?


> De : "Jef Tombeur" <jtombeur@xxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxx
> Date : Wed, 7 Apr 2004 02:11:54 +0200
> À : <typographie@xxxxxxxx>
> Objet : Re: [typo] étymo [était : chif. rom.]
> 
> 
> ----- Original Message -----
> From: "Jean-François Roberts" <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>
> To: <typographie@xxxxxxxx>
> 
>> De rien : pur plaisir. Et par perversion pure, ...
> 
> Faut croire... Mais, comment ce fait-ce que d'aucun(e)s s'intéressent
> encore à ce genre de choses qu'au billard électrique (mon autre dada) ?
> En tout cas, merci pour ce développement...
>