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Message : Re: [typo] contribution et codage

(Jean-François Roberts) - Mardi 11 Mai 2004
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Subject:    Re: [typo] contribution et codage
Date:    Tue, 11 May 2004 01:33:02 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Pour les Chinois, j'y répond par ailleurs ;)

Mais il n'y a rien de "mystérieux" à la transmission de la xylographie de
Chine en Europe avant le XVe siècle - sauf à en rester au mythe tenace selon
quoi le monde arabo-musulman aurait fait barrage à l'imrimerie - alors même
qu'il adoptait avec enthousiasme le papier (dont l'Occident allait se saisir
à son tour). Surprenante contradiction, non ? D'autant plus que cette
contradiction n'existe pas, puisque les Arabes (et les Perses, etc.) ont
imrimé à qui mieux mieux, à l'instar des Chinois (xylographie), et bien
avant les Européens.

Cette xylographie arabe, dont les premiers exemplaires connus remontent au
Xe siècle de notre ère (sic), répond au doux nom de "tarsh". L'auteur d'une
étude sur la question (P. B. Fenton, "Les tarsh-s arabes. Une page manquante
de l'histoire de l'imprimerie", dans le recueil _Les Trois Révolutions du
livre_, p. 71-77 ; et la notice du document n° 27, ibid. p. 139) estime que
c'est le caractère particulier de l'écriture arabe (plus que les
bouleversements qu'a connus la région aux XIIIe-XIVe siècles) qui a empêché
l'adoption de la solution typographique développée par les Chinois. On sait
en effet que l'écriture arabe (même typo ou monumentale) ne consiste pas en
caractères isolés. 

Ce qui n'empêchera pas une typo gutenbergienne de se développer pour l'arabe
(dès le XVIe siècle en Europe, le Vatican menant la charge). Développement
assez laborieux, certes, mais qui a su prendre en compte toutes les
ligatures, diacritiques, etc. (et les fameux "kashida" de justification). On
peut penser que les imprimeurs arabes du XIIIe siècle en avaient les moyens
intellectuels... mais peut-être pas les moyens matériels, en pleine peste
noire et invasions mongoles.


> De : "Christian Laucou-Soulignac" <lefourneau@xxxxxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Date : Mon, 10 May 2004 09:49:35 +0200
> À : <typographie@xxxxxxxxxxxxxxx>
> Objet : Re: [typo] contribution et codage
> 
> Cher P. S.,
> 
> Je ne dis rien d'autre que cela : l'idée que Gutenberg a eue, des chinois
> avant lui l'ont eue, ils ne sont pas allés jusqu'au bout de leur idée, alors
> qu'ils auraient pu, à cause de leur système d'écriture. Ils sont restés
> finalement avec le bois gravé parce que, finalement, bien que long et
> pénible, c'était moins contraignant qu'une typographie à "idéogrammes
> mobiles". La typo a fini par leur revenir via l'Occident, mais bien plus
> tard.
> De plus, il me semble que Gutenberg n'est pas parti de rien. Si le bois
> gravé (technique utilisant le relief) n'avait pas été connu à son époque,
> Gutenberg ne se serait peut-être pas orienté vers le relief pour mettre au
> point son invention. Or ce bois gravé occidental nous vient des Chinois (on
> ne sait pas trop comment, mais il nous vient d'eux). Donc, sans les Chinois,
> il n'y aurait peut-être pas eu Gutenberg ou il aurait fait une autre
> invention (là on frise la S. F. et les mondes parallèles).
> 
> Bien à vous,
> Christian Laucou.
> 
> 
> ----- Original Message -----
> From: Pierre Schweitzer
> To: typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Sent: Sunday, May 02, 2004 8:25 PM
> Subject: Re: [typo] contribution et codage
> 
> Cher Christian Laucou,
> 
> J'ai un peu de mal à vous suivre dans la suite Chinois - bois gravés -
> Gutenberg.
> 
> Je ne conteste rien aux Chinois. Mais vouloir industrialiser mécaniquement
> une écriture alphabétique comptant un petit nombre de signes (300 pour
> Gutenberg, quand-même) et industrialiser la reproduction d'une page
> d'idéogrammes, ça n'a peut-être rien, absolument rien à voir... Le système
> technique est une chose, le type d'écriture à laquelle ce système technique
> s'applique en est une autre.
> 
> Là où je vous suis encore, c'est dans l'analogie entre les Chinois et les
> bois gravés occidentaux concernant la xylographie. Les Chinois dessinent
> autant qu'ils écrivent et les bois gravés servent principalement à
> illustrer.
> 
> Mais l'hypothèse selon laquelle les types en plomb seraient une
> transposition métallurgique de livres-blocs dont on aurait découpé les
> lettres me laisse bouche bée... Bechtel justement en fait une analyse
> critique que je trouve très convaincante.
> 
> Gutenberg était métallurgiste. Son environnement technique, ce sont les
> médailles, les monnaies, les sceaux, les "miroirs" (médaillons) estampés à
> la presse dans des plaques métalliques, à Strasbourg, dix ans avant B42.
> C'est là que prend racine son invention géniale, pas dans la xylographie !
> 
> Cordialement,
> 
> Pierre Schweitzer
> 
> 
> 
> 
> 
> 
> ----- Message d'origine -----
> De : Christian Laucou-Soulignac
> À : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Envoyé : vendredi 30 avril 2004 23:03
> Objet : Re: [typo] contribution et codage
> 
> 
> Oui, la technique de Gutenberg est la première technique industrielle
> d'impression des textes. Ce que je voulais dire et que je n'ai pas dit c'est
> que les autres tentatives tant qu'en Orient qu'en Occident voulaient
> probablement devenir elles aussi des procédés industriels. Et contrairement
> à ce que vous pensez il s'agissait bien bien là de réflexions sur un système
> de composition puisque ce qui apparaissait comme contraignant avec la
> xylographie, c'était l'obligation de graver planche par planche des pages de
> texte sans jamais pouvoir rien récupérer. La gravure est l'opération de loin
> la plus longue et la plus contraignante. D'où l'idée de découper les
> planches pour pouvoir récupérer les signes ou celle de fondre. On remplaçait
> la gravure par un simple assemblage d'éléments déjà gravés. Et on gagnait du
> temps.
> Gutenberg a gagné le pompon probablement parce qu'il est allé plus loin que
> les autres dans son raisonnement. Toutes les tentatives antérieures connues
> ne font état, justement, que d'un système de composition à caractères
> mobiles : soit multipliés (fontes orientales au sable) soit à l'unité
> (caractères bois occidentaux). Gutenberg, lui, va jusqu'au bout et propose
> la presse, cerise sur le gâteau. Autre gain de temps et de qualité. C'est la
> perfection d'emblée de son système qui en a fait succès. Succès immédiat :
> un peu plus de 50 ans après son invention on imprimait un peu partout dans
> le monde (fait sans précédent jusqu'alors qu'une technique se soit répandue
> aussi rapidement. Il faudra, tout près de nous, attendre la traînée de
> poudre informatique pour voir la même chose se reproduire) ; succès de
> longue durée : née au milieu du 15e siècle elle sera pratiquée sans
> changement majeur jusqu'au milieu du 19e. Il faudra attendre le 20e pour
> qu'elle perde son statut industriel et le 21e pour qu'elle disparaisse
> totalement (du moins je vous en fiche mon billet).
> Vous trouvez que le fait d'imprimer est un fait secondaire ! Vous n'y allez
> pas de main morte !
> S'il n'y avait pas eu les Chinois, il n'y aurait pas eu le bois gravé. S'il
> n'y avait pas eu le bois gravé, il n'y aurait pas eu Gutenberg. S'il n'y
> avait pas eu Gutenberg nous serions peut-être en train de correspondre en ce
> moment à l'aide d'une plume de volatile trempée dans une encre
> ferro-gallique se promenant sur un vélin ou un parchemin (Harry Potter sans
> la magie), éventuellement un papyrus, car s'il n'y avait pas eu les chinois,
> il n'y aurait pas eu le papier non plus... Je sais, vous ne me contestez pas
> les Chinois mais seulement l'imprimerie ! Mais comme c'est eux qui l'ont
> inventée... J'ai l'ire bileuse, ça me donne le teint jaune : c'est peut-être
> pour ça que je défends les Chinois avec autant de véhémence. :-))
> La xylographie est une étape capitale dans l'histoire de l'écrit. C'est elle
> qui a permis la première multiplication à l'identique et de façon mécanique.
> Ce n'est pas insignifiant... puisque c'est la base même de la diffusion de
> la culture... pour un plus grand nombre.
> 
> Votre bien féal,
> Christian Laucou.
> 
> ----- Original Message -----
> From: "Pierre Schweitzer" <pierre.schweitzer@xxxxxxxxxxx>
> To: <typographie@xxxxxxxxxxxxxxx>
> Sent: Friday, April 30, 2004 9:04 PM
> Subject: Re: [typo] contribution et codage
> 
> 
>> Christian Laucou-Soulignac écrivait :
>> 
>> Gutenberg a inventé une technique d'impression des textes : la typographie
> à
>> caractères mobiles. (...)
>> 
>> _ _ _
>> 
>> 
>> Euh... la typographie à caractères mobiles, c'est pas la typographie ?
>> Ou bien il y a encore quelquechose qui m'échappe...
>> 
>> Pour moi, Gutenberg a industrialisé la composition par des éléments
>> préfabriqués... les caractères mobiles en plomb. Cette histoire
> d'imprimerie
>> est assez secondaire, non ? Les Chinois, les Coréens, les Hollandais et
> tout
>> ça... ils imprimaient bel et bien mais ils ne composaient pas.
>> 
>> Pierre Schweitzer
>> 
>> 
>> 
>> 
> 
>