Subject: |
Re : « Féminisation », Québec |
Date: |
Mon, 8 Nov 2004 16:45:54 +0000 |
From: |
Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx> |
Title: Re : « Féminisation »,
Québec
Le 06-11-2004, à 1:04 +0100, nous recevions de Jef
Tombeur :
Re: [CORRECTEURS] « Féminisation »,
QuébecFrom: Jacques Melot
To: Forum de terminologie et traduction
Mais comment diable peut-on aller se
compliquer à plaisir la vie ainsi ?!
Ça, l'objection... je la connais. Débat philosophique qui nous
entraînerait un peu trop loin (mettons que, si je pouvais changer la
face du monde, je ne me soucierai guère de ce genre de chose : mon
porte-parole te dirait que je suis totalement d'accord avec toi, et
dirait à tes contradicteurs que je suis totalement d'accord avec
eux, et j'envahirais un autre continent, ce qui me mobiliserait
davantage ; où j'aurais un saint Esprit qui me chipoterait au sujet
des notes de frais car pour visiter la future Concepcion, il voudrait
un hélico, ce qui est franchement hors de prix).
Bon, tout ça pour te mettre bien
en bouche, et après ?
Tiens, on laisse ignorer le possible
usage des petites capitales, et tu sais où ça finit ? Par la fonte
des icebergs... (bon, le développement serait un peu longuet :
simplement, c'est - parfois, pas toujours - en s'attachant à
certains détails qu'on évite des dérives autrement plus
importantes).
Je suis d'accord avec toi sur
un point. Mais cela reste très vague et je ne suis pas sûr que
nous appliquions ceci toujours de la même façon.
Non un francophone n'est pas un
Anglo-Saxon parlant français !
Dis donc, je t'aurai fait sortir du bois, en quelque sorte. Bon, tes
opinions sont connues, et généralement (litote) clairement
exprimées. Mais là, le raccourci a le mérite de la clarté (et
l'inconvénient de l'ambiguité : un Anglo-Saxon parlant, vivant,
pensant français est bien sûr un francophone, et tu en conviens le
premier ; et de plus, c'est une être humaine, non ? Aïe, pas taper
! pas taper !).
J'aurais dû
écrire :
« Un francophone n'est
pas un Anglo-Saxon parlant français, pas plus qu'un Anglais n'est un
Américain des États-Unis. »
Si tu veux identifier un
Gascon à un Texan, crois-moi que le faire parler anglais ne va pas
suffir et inversement ! Seul l'aliénation de l'identité
permettrait d'y parvenir. Et c'est de cela dont il était question
dans mon texte.
L'identité du Canadien
francophone est menacée, minée, chez l'élite ou, ce qui revient
presque au même (mais avec une lueur d'espoir sous la cendre) chez
une partie influente et puissante, même si minoritaire, de
l'élite.
Je ne pense pas non plus que la
terminologie ne soit qu'une technique, par conséquent, si on veut
avoir une vraie réflexion terminologique (quitte à s'égarer, à
blablater, etc., ce qui est le travers en propre de la plupart des
disciplines en sciences humaines), il faut bien sûr t'entendre. Mais
si tu as lu quelques écrits de C. Labrosse, tu verras qu'elle va
plutôt puiser dans l'ancien français qu'ailleurs.
Je connais les techniques et
arguments de ces personnes. J'ai même rencontré un jour un
inspecteur de l'éducation nationale qui passait son temps à
« démontrer » que tous nos emprunts à l'anglais ne
l'étaient qu'en apparence et donc que tout était pour le mieux et
dans le meilleur des mondes.
Cela dit, il y avait-il besoin d'aller
trouver des formules de désexisation alors que des amendes copieuses
suffisaient. Tu passais une annonce d'embauche sans préciser «
(H/F) » et on te saisissait jusqu'à ta chemise, et basta, le
suivant (donc, la suivante aussi) y songeait deux fois.
Mais ce que tu signale là,
cet esprit coercitif, rectifiant, est déjà une ingérence
de la pensée et de la mentalité étrangère que je
dénonce ! Les gens qui font ça sont déjà complètement
passés de l'autre côté et le fait qu'ils parlent français n'y
change rien. Par contre, l'ingérence de la mentalité étrangère
se traduit par une insatisfaction, en particulier au niveau de la
langue qui apparaît comme inapte à rendre la pensée - la
nouvelle pensée -, lexicalement déficiente, imprécise,
etc.
Mais avec des si...
C'est ta question : pourquoi se
compliquer la vie ainsi ?
Réponse : d'autres ont eu d'autre appréciation des enjeux que toi.
Ils (elles aussi, donc) ont fait passer, par ex., l'emploi des femmes
avant le respect des us langagiers établis (depuis quand d'ailleurs
? Quinze siècles ? Bien peu en regard d'autres choses, plus
durables).
Quand, chef d'entreprise, je
fais passer une annonce demandant un tourneur (exprimé sous
cette forme exactement) et qu'une femme se présente, c'est alors que
se pose la question, à savoir si je la refuse parce que c'est une
femme ou si je l'accepte parce que c'est un tourneur qualifié pour
le travail à faire, et ce, indépendamment de son sexe. C'est aussi
simple que ça.
De plus, l'usage de la langue
de bois sexsualisante n'offre aucune garantie pour la femme, hormis le
fait qu'il sert éventuellement de cache-misère ou permet, à elle
et aux autres, d'halluciner sa libération : la sélection peut
très bien être effectuée en considération du sexe du candidat,
sans qu'il n'en transpire rien. Et c'est ce qui se fait ! Même
chose avec l'affaire - honteuse - de la sélection par
l'« anglais, langue maternelle » dans entreprises,
organismes et autres institutions : ceux qui n'explicitent pas
cette restriction ne la pratiquent pas moins, si telle est leur état
d'esprit !
La sexualisation du langage
est, sur fond d'arguments linguistiques mal digérés, une
démarche primaire d'inspiration tyrannique qui consiste à
s'illusionner sur les vertus d'un traitement symptomatique :
croyant soigner le mal, on ne fait qu'en masquer les symptômes.
Autrement dit, c'est un cautère sur une jambe de bois.
Le résultat est certainement
pire que le mal, en ce sens qu'il donne l'illusion d'une
amélioration, voire d'une guérison, alors que les causes de
l'ostracisme restent actives sous la surface. Oui, pire, car lorsque
le symptôme apparaît, la cure adéquate du mal véritable s'en
trouve facilitée.
Croit-on vraiment que la
féminisation mécanique du langage va changer la mentalité des
chefs d'entreprises qui considèrent les femmes d'une manière ou
d'une autres comme inférieures aux hommes avec les conséquences
que cela a sur l'embauche et les salaires ? Cela empêche-t-il
celui qui bat sa femme de continuer à la battre ? Celui qui
méprise les femmes de continuer à les mépriser ? Non, mais
par contre on donne à tous ceux là l'occasion de masquer le fond
de leur pensée pour sévir avec plus d'aise encore, pour peu qu'ils
donnent les signes qu'on attend d'eux. Il me revient cette affaire du
texte d'une annonce de vacance de poste rédigée par un professeur
francophone d'une université canadienne : l'auteur
s'appliquant a employer un langage « politiquement
rectifié » ne s'est même pas aperçu que la rupture de
spontanéité entraînée par cet exercice périlleux et
antinaturel, pratiquement impossible à appliquer avec esprit de
suite, hormis peut-être dans un texte lapidaire, avait eu pour
conséquence de lui faire écrire exactement l'inverse de ce qu'il
voulait ou devait écrire concernant les femmes, révélant ainsi
le fond de sa pensée ou, au contraire, le trahissant.
La termino, comme toute discipline de sc.
hm. (hum. serait mieux, mais pourrait être estimé ironique), est
infléchie par des enjeux de pouvoir.
Pour la correction, eh..., là... Tu penses bien que la marche maison
peut être infléchie, mais qu'on ne peut aller trop au-delà.
Enfin, si, on peut claquer la porte, et aller aux _resto_ du coeur du
coin.
La vie nous réserve parfois
des dilemmes difficiles. De toute façon tu as une conscience,
non ? Alors fait comme moi : écoute-la ! Elle ne te
dictera pas nécessairement de démissionner, ce qui souvent est un
constat d'impuissance, mais de te battre, si ! (Du moins je
l'espère.)
Jacques Melot
- Re : « Féminisation », Québec,
Jacques Melot <=
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- Re: [typo] Re : « Féminisation », Québec,
Thierry Bouche (08/11/2004)
- Re: [typo] Re : « Féminisation », Québec,
Jacques Melot (08/11/2004)
- Re: [typo] Re : « Féminisation », Québec,
Jean-François Roberts (08/11/2004)
- Re: [typo] Re : « Féminisation », Québec,
Christian Laucou-Soulignac (09/11/2004)
- Re: [typo] Re : « Féminisation », Québec,
Michel Bourdain (09/11/2004)
- Re: [typo] Re : « Féminisation », Québec,
Thierry Bouche (09/11/2004)
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