Archive Liste Typographie
Message : Re: [typo] i.e. en début de phrase ?

(Jacques Melot) - Lundi 29 Mai 2006
Navigation par date [ Précédent    Index    Suivant ]
Navigation par sujet [ Précédent    Index    Suivant ]

Subject:    Re: [typo] i.e. en début de phrase ?
Date:    Mon, 29 May 2006 12:08:43 +0000
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>

Title: Re: [typo] i.e. en début de phrase ?
 Le 2006-05-29, à 10:32 +0200, nous recevions de Leraillez Benoit :

Le 28/05/06 21:19, « Jacques Melot » <jacques.melot@xxxxxxxxx> a écrit :

> se substituer quasi systématiquement aux autres modes d'enrichissement de la
> langue.

    Mais une langue ne se constitue pas d'emprunt de façon éternelle ? La
biologie, entre autres, nous force à créer de nouveaux mots, certes, mais la
majorité des évolutions est l'ajout de mots étrangers qu'ils proviennent
d'un jargon professionnel, d'un patois, d'un argot ou d'une autre langue.


   Vous parlez comme si seul le français existait ou comme si c'était la seule langue qui vous est familière. Ou encore comme quelqu'un qui s'est habitué à l'emprunt systématique au point d'y voir la norme et donc de s'étonner ou de refuser l'idée qu'il puisse en aller autrement, qui plus est pour les langues en général. La connaissance d'autres langues montre pourtant que l'enrichissement terminologique peut tout aussi bien être endogène, et ce, à tous les niveaux de langue, comme en finnois, en hébreu, etc., et - vous semblez l'oublier - en bonne partie en anglais aussi ! Je ne vous ferais pas l'insulte de vous rappeler l'existence des mots software, hardware, monitor, firewall, firewire, shareware, setup, plug-in, drive, marketing, design, piggy back, starter, tuner, push-pull, phishing, etc., parmi des dizaines de milliers d'autres.

   Je ne peux pas non plus ne pas citer l'islandais où l'emprunt est réduit à l'extrême minimum. Voyez en annexe, à titre d'exemple, un extrait d'une intervention que j'ai faite il y a une dizaine d'années dans un forum de la Délégation générale à la langue française.



    Comme de toute façon l'enrichissement de la langue est mal vue par bon
nombre, puisque cela prouve qu'on peut ne pas respecter leur savoir. Le
débat se clôt de lui-même car nous sommes là pour discuter des moyens de
retranscrire ces suites de lettres d'une façon claire et élégante et non de
revoir les idées de l'auteur.
    Non ?


   C'est ce que je disais au tout début de mon intervention et j'en ai donné la preuve en commençant non seulement une phrase, mais un paragraphe par id est (sous réserve que j'ai bien compris votre « revoir les idées de l'auteur »).

   Jacques Melot


--
Benoît Leraillez

Tout vers, toute phrase qui a besoin d'explication, ne mérite pas qu'on
l'explique. (Voltaire)


ANNEXE

    Les exemples suivants étaient destinés à montrer que l'islandais, malgré la longueur de ses mots, est une langue très concise. Ils montrent par la même occasion que cette langue germanique, donc indo-européenne et en cela parente de la nôtre, utilise un vocabulaire qui lui être propre, y compris pour désigner les plus récentes nouveautés techniques. L'exemple de l'islandais est d'autant plus frappant et instructif que les autres langues scandinaves, toutes étroitement apparentées à l'islandais, essentiellement le suédois, le danois et le norvégien, empruntent à l'anglais à tour de bras. C'est ainsi que les Suédois utilisent le mot anglais layout, là où les islandais se servent uniformément de umbrót (le suédois ombrytning existe bien, mais est inconnu de la plupart des Suédois, parfois même des gens du métier !), qu'ils parlent de design, là où les Islandais ne connaissent que hönnun, ou encore utilisent le mot jeans, sans alternative possible, là où l'Islandais de 7 à 107 ans utilise exclusivement le mot gallabuxur.

[Début de citation]
   Voici un exemple réel - le premier venu - pris dans une réclame (pour un ordinateur) :

Isl. :
« Án aukabúnaður er hægt að tengja tölvuna við ýmsan búnað, til dæmis prentara, víðóma hátalara eða stafræna ljósmyndavél. »
[119 lettres, 18 mots]
Trad. fr. :
« Sans matériel supplémentaire il est possible de connecter l'ordinateur à divers appareils, comme par exemple une imprimante, des haut-parleurs stéréophoniques ou un appareil photographique [à prise de vue] numérique. »
[215 lettres, 30 mots]

búnaður : matériel ; vélbunaður (« hardware », de vél, machine) ; hugbúnaður (« software », de hugur, pensée) ; aukabúnaður, matériel supplémentaire.

tengja : connecter.

tölva : ordinateur, mot composé de tölur sur le modèle de völva, magicienne, envouteuse.

prentari : imprimante.

víðómur : stéréophonie, de víður, spatial (large, ample, dans un autre contexte, donc avec ces connotations), et ómur, son ; þrivíður, tridimensionnel.

hátalari : haut-parleur, de hár, haut, et talari, parleur, de tala, parler.

stafrænn : numérique (angl. digital), de stafur, nombre, et suffixe -rænn, qui a la qualité de (comme -ique).

ljósmyndavél : appareil photographique, de ljós, lumière, mynd, image, vél, appareil.


   L'exemple suivant, que j'ai choisi de laisser, montre à quel point cette langue peut se montrer concise.

Isl. :
« Mæðgur sleta, smjata og ulla til skiptis. »
Trad. fr. :
« Une mère et ses filles alternativement parlent en mêlant leur langage de mots étrangers, font du bruit avec leur bouche en mangeant et tirent la langue. »

   (Soit 151 lettres et 26 mots en français contre 40 lettres et 7 mots en islandais)
mæðgur : est un nom collectif qui signifie « mère et sa ou ses filles » et qui n'a pas d'analogue en français (que je sache) ; il existe aussi « mæðgin » (mère et son ou ses fils), etc.

sleta : est intraduisible, sinon par une périphrase : « parler en mêlant son langage de mots étrangers » (ce que les français - et bien d'autres - font avec l'anglais à longueur de journée, sans avoir un mot pour désigner ce phénomène).

smjata : même remarque ; signifie « faire du bruit avec sa bouche en mangeant ».

ulla : également intraduisible par un seul mot en français, veut dire « tirer la langue ».

til skiptis : signifie « alternativement » (deux mots, plus court qu'un seul : concision !)
[Fin de citation]