Le 13/06/10, à 15:08 +0200, nous recevions de Jean-Luc
BLARY :
Le 13/06/2010 13:58, Jacques Melot a
écrit :
[typo] Re : et/ou
Tous
les emplois prétendument raisonnables de « et/ou »
reposent sur la prémisse définitivement fausse comme quoi la
conjonction de coordination ou est
exclusive.
Perso, j'évite d'employer et/ou si ça
ne paraît pas nécessaire,
[J. M.] Ce n'est jamais
nécessaire.
mais ça permet de lever un risque
d'ambiguïté au cas où le lecteur traiterait "ou" comme
exclusive dans le contexte.
[J. M.] En fait, vous ne nous
dites là rien d'autre que vous faites partie de ceux emploient
« et/ou » !
Tout texte qui serait
irrémédiablement ambigu si l'on s'en tient aux ressources du
français correct pour le rédiger, le resterait en recourant à «
et/ou » ou tout autre artifice. Du reste, si le rédacteur
vient à s'interroger sur l'ambiguïté possible d'une phrase,
modifier cette dernière en ajustant le texte pour y introduire
« et/ou » - à commencer par se demander s'il doit le faire -
n'est pas une entreprise moindre que celle qui consiste à tourner la
phrase autrement, comme, par exemple, lorsqu'on a commencé par
écrire un « il prend son chapeau » et qu'on s'aperçoit
qu'il y aura ambiguïté possible sur le possesseur. Au demeurant,
nous modifions fréquemment et spontanément des formulations
ambiguës ou qui pourraient l'être et qui, comme dans l'exemple
précédent (pron. possessif son), n'ont rien à voir avec la
conjonction de coordination ou. Personne ne s'en trouve mal,
car il s'agit là de l'exercice on ne peut plus normal de la langue.
On ne voit pas pourquoi la conjonction ou devrait faire
exception.
Non, le meilleur service à
rendre au lecteur, pour ce qui est de la compréhension d'un texte,
est de rédiger ce dernier en français correct, donc sans y
introduire de symboles qui, comme tels, demandent à être
déchiffrés, tant soit peu. Le faire, ralentit la lecture et est la
porte ouverte à des erreurs d'interprétation, quoi que vous ayez
l'air convaincu du contraire. A cela s'ajoute que la compréhension
d'un texte comportant « et/ou », contrairement à ce qui se passe
avec la conjonction ou, nécessite l'application d'une règle
d'une rigidité toute mécanique, parce que de nature
mathématique, comme ce qui se mêle au langage courant lorsqu'on fait
une opération arithmétique.
L'usage de
« et/ou » nécessite une compétence qui sort du domaine
du langage courant, compétence qui vient se substituer à celle
dans l'utilisation normale de la conjonction de coordination
ou, au point qu'on finisse par ne plus savoir employer cette
dernière correctement ou sans hésitation. Ce
« désapprentissage » étant incompatible avec la spontanéité
qui caractérise le langage courant, la conjonction sur laquelle on
hésite est remplacée par une sorte de joker, à savoir la barre
oblique (/), symbole indéniablement de plus en plus fréquemment
utilisé à la place de la conjonction qui s'impose et qui semble
dire au lecteur : « S'en débrouille qui peut ! A
vous de trouvez la bonne conjonction... si vous y parvenez ».
C'est ainsi qu'on affaiblit le pouvoir de communication de la langue
et rend les gens dyslexiques ou, du moins, renforce ce syndrome chez
ceux que le présentent déjà. En fait, au-delà de son inanité
et des lourdeurs qui en résultent, c'est là la conséquence la
plus grave de l'usage de « et/ou » : il entraîne
indirectement une grave altération des mécanismes de la langue. A
lui seul, « et/ou », pour pouvoir être utilisé,
oblige souvent à reconstruire plus ou moins complètement la
phrase, donnant lieu à des constructions syntaxiques peu naturelles,
pour ne pas dire tout à fait artificielles et qui ne peuvent en
aucun cas être considérées comme du français
correct.
Car le rédacteur n'est pas dans la
tête du lecteur.
[J. M.] Il n'est rien cependant
que nous rédigions sans nous mettre à la place de ceux à qui
nous destinons notre texte, que nous le fassions consciemment ou non.
Quand vous destinez un texte à un enfant de huit ans, par exemple,
il n'est pas un instant où vous perdez de vue le style adopté pour
la circonstance, sans pour autant y penser consciemment.
Et en littérature, je proscris
totalement le et/ou, vu qu'il est toujours possible de tourner la
phrase d'une manière plusŠ sympathique :
« Pain ou croissant ? Ou les deux ? »
[J. M.] C'est là est une
formation emphatique, qui, contrairement à ce que votre exemple
semble vouloir montrer, n'a rien de nécessaire si le contexte ne
suggère aucune exclusion. Dans ce cas, l'_expression_ correcte est
simplement « Pain ou croissant ? ». Cela dit, il
faut se méfier de tous ces exemples ad hoc.
Jacques Melot
Jean-Luc