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Message : Re: [typo] Nouvelle orthographe ?

(Jacques Melot) - Jeudi 03 Janvier 2013
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Subject:    Re: [typo] Nouvelle orthographe ?
Date:    Thu, 3 Jan 2013 00:55:19 +0000
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>

Title: Re: [typo] Nouvelle orthographe ?
 Le 2/01/13, à 17:00 +0100, nous recevions de Jean Revol :

Cette orthographe s¹imposera car il est possible de choisir ancienne orthographe, nouvelle orthographe ou les deux dans le correcteur de Word.


[J. M.]   Vous êtes sérieux, là ?


Aujourd¹hui il serait saugrenu et carrément faux d¹écrire les imparfaits en ³ois ou oit² au lieu de ³ais ou ait².
On n¹écrit plus veoir mais voir depuis le début du XIXe siècle.
Ce changement avait été aussi initié à l¹époque par une décision administrative.


[J. M.]   D'une part, cela se passait il y a très longtemps, avant l'apparition des moyens de communication actuels, dans un contexte différent, à une époque où les choses allaient plus lentement, etc. D'autre part, n'est-ce pas le peu qui est resté parmi une foule de changements proposés ?


Et depuis 2008 il ne faut plus écrire asseoir mais assoir.


[J. M.]   Les rédactions de tout genre ignorent très généralement ces nouveautés, même si elles ont entendu parler de ces réformes de l'orthographe, comme tout un chacun. Une des raisons en est qu'elles redoutent que les gens prennent cela pour des fautes d'orthographe, ce qui n'est jamais un bon point dans l'édition, quotidiens et magazines compris.

   En fait, l'Académie adopte depuis quelques décennies une position intelligente qui consiste non à imposer (ce qui est l'erreur commise par l'État), mais à autoriser des orthographes alternatives. Cela vaut la peine qu'on y réfléchisse. Alors que la non univocité est un péché mortel dans bien des domaines, on peut se demander si le fait d'accepter des orthographes alternatives présente de réels inconvénients. Après tout la polysémie due à l'homonymie et à la paronymie n'en présente guère, ayant même l'avantage considérable de favoriser le jeu de mot, ce qui n'est pas rien. Pendant que j'y pense, il faut aussi se rappeler que les dictionnaires listent des orthographes alternatives, lorsqu'il y a lieu de le faire, alors que celles-là ne sont issues d'aucune tentative de réforme de l'orthographe, reflétant seulement l'usage (et on n'a pas l'impression que l'une finisse nécessairement par supplanter l'autre, pouvant toutes deux subsister indéfiniment à ce qui semble).

   Je tiens à faire ici une remarque que j'ai déjà faite ailleurs : une réforme orthographique qui nécessite la consultation d'une liste pour être appliquée, ou encore une réflexion qui n'est pas à la portée de tous, parce que nécessitant certaines bases culturelles, est une réforme con-dam-née ! Seule une réforme où tout locuteur naturel de la langue peut appliquer spontanément, donc sans avoir à réfléchir ou à consulter un texte, des règles modifiées a des chances de passer et de s'imposer. Le tri qui a été fait, dans les réformes récentes, entre les circonflexes qui disparaissent et ceux qui subsistent, qui s'appuie sur une connaissance de l'étymologie ou de l'histoire de la langue, est une condamnation à mort ! Quand vous suggérez, éventuellement argument à l'appui, ou, au moins, en vous appuyant sur votre ascendant sur la population que tous les -ois seront désormais remplacés par -ais (sur le modèle de françois > français), vous avez toutes les chances qu'on vous suive. Mais... mais, cela n'a pas empêché que les Suéd...ois ont été laissés sur la touche, et l'on ne peut invoquer le manque quasi total de relation - très réel - pendant des siècles entre la France et la Suède pour expliquer cette relique, puisque les habitants du Québec ont subi le même sort orthographique ; et puis on dit bien « islandais » et non plus « islandois », etc.). En somme, voilà une réforme qui, voulant harmoniser l'écrit et l'oral, laisse derrière elle plus de fouillis qu'elle n'en a trouvé, ne l'oublions pas !

   Enfin, reste à se pencher sur le caractère bien inspiré ou non de l'acte qui consiste à vouloir réformer l'orthographe. Certes, il est clair qu'en voulant simplifier, on veut avant tout, non pas tellement mettre plus d'ordre, mais tout simplement faciliter la vie des gens et l'apprentissage de la langue. Seulement, qui sait si, ce faisant, non ne la déséquilibrons pas par ailleurs, faisant peut-être même l'un dans l'autre plus de mal que de bien ? Il n'est pas si facile de répondre à cette question, et il est tout à fait impossible de le faire avec certitude. N'oublions pas qu'il s'agit là d'une entreprise humaine et que certaines choses importantes concernant les langues, ignorées à l'heure actuelle, feront partie, dans un avenir plus ou moins éloigné, c'est-à-dire tôt ou tard, du corpus des connaissances, tout comme celui existant à l'heure actuelle, n'est pas ce qu'il était il y a deux, cinq, dix décennies, etc. Il est donc fort possible que ce qui nous semble raisonnable aujourd'hui apparaisse à l'évidence comme une inanité aux générations à venir. L'histoire de la connaissance nous apprend qu'il y a même de bonnes chances qu'il en soit ainsi. Autrement dit, faisons preuve constamment d'humilité en nous rappelant la caractère nécessairement réducteur -- et donc parfois destructeur -- de nos décisions, de nos approches et des réformes que nous prétendons fonder sur elles.

   On a des exemples patents de cette situation en ce qui concerne la réforme de l'écriture cursive. Là encore, l'étroitesse d'esprit inévitable des réformateurs et le caractère par conséquent réducteur de leur approche s'est avéré désastreux. Et toujours, en toile de fond, cette idée de simplifier pour rendre service ! Quand vous ajoutez une quantité finie à l'infini, cet infini reste inchangé. Eh bien, il en est de même avec les réformes orthographiques, lesquelles ne changent rien à la complexité -- en pratique infinie -- d'une langue, si ce n'est même en rajoutent dû à des effets pervers imprévus.

   L'orthographe et donc ses réformes est une chose bien trop sérieuse pour être laissée aux seuls spécialistes, en particulier aux grammairiens, linguistes et lexicologues.

   Mes meilleurs voeux à tous.

   Jacques Melot


Les professeurs du secondaire n¹ont pas été avertis explicitement en 2008 ou 2009. Les maitres (sans l¹accent circonflexe) des écoles, je ne sais pas.
Du reste le correcteur d¹orthographe de Windows Mail Live me souligne en rouge maître. Il est peut-être possible de le configurer sur l¹ancienne orthographe...
 
Cela dit, en 2009, pour avoir vérifié les dictionnaires usuels Larousse et Petit Robert, le Larousse était totalement à l¹ancienne orthographe et le Petit Robert avait commencé sa mutation.
Je ne sais ce qu¹il en est aujourd¹hui.
 
Ce changement se fera insensiblement comme les précédents se sont faits.
 
From: Jacques ANDRÉ
Sent: Wednesday, January 02, 2013 4:39 PM
To: typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
Subject: [typo] Nouvelle orthographe ?
 
Une question à la limite du hors-charte, ou plutôt qui irait mieux sur langue-fr, mais je ne suis plus abonné et la réponse peut intéresser quelques colistiers plus (ortho-)typo.
 
On lit dans le BO du ministère de l'éducation nationale (Hors-série nº 3, 19 juin 2008, ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/bo/2008/hs3/hs3.pdf), en page 37 (en tout petit dans le coin gauche), à propos de l'orthographe enseignée dans les écoles primaires françaises : « L¹orthographe révisée est la référence»;
ce qui veut dire, si je comprend bien, que les élèves doivent apprendre désormais la « nouvelle orthographe » (celle où, par exemple, on écrit "ambigüité" et non "ambiguïté").
 
Ma question est donc de savoir si cette nouvelle orthographe a été adoptée au point que les instituteurs (enfin les nouveaux instituteurs) doivent utiliser ces règles, ou si ce BO, officiel donc, n'est pas plus royaliste que le roi.
 
En tout cas, sans que je sois ambigu, bonne année à toutes & tous,
 
Jacques André