Puisque nous sommes vendredi et que nous parlons de ces
choses, voici un peu de distraction...
Message envoyé le 24 novembre 1998 au forum Interlang.
Chère Luce,
« parturiologue » est sûrement à éliminer : c'est un
coup à pousser les gens à recourir systématiquement aux services
d'une femme — sage ou pas sage — pour accoucher. De plus, et
d'ailleurs avant tout, puisqu'il s'agit d'intercepter
éventuellement un terme avant qu'il ne passe dans l'usage afin
de promouvoir ou favoriser celui qu'on estime être le meilleur,
« parturiologue » s'insérerait dans la série des archéologue,
philologue et autres mycologue, c'est-à-dire qu'il
évoquerait, de par sa construction même, un savant, spécialiste
de « parturiologie ». Il s'agit donc d'un terme a priori mal
choisi et qu'il faut écarter d'emblée ; parturiatre aurait
plus de chance (cf. gériatre relativement à gérontologue),
sauf que dans la profession on insiste sur le fait que médecin
accoucheur et sage-femme sont deux choses différentes, à ne pas
confondre.
« Maïeutiste » est proposé faute de mieux,
logiquement, en quelque sorte par résurgence d'un souvenir des
cours de philosophie des classes de terminale des lycées
français : la maïeutique (de Socrate) ou l'« art d'accoucher les
esprits ». Si l'on veut recourir à une formation savante basée
sur le grec, en effet, c'est là, sans doute, le première
solution à laquelle on pense.
Comme toujours, un bon réflexe, que, soit dit en
passant, certains semblent avoir plutôt lent ou mousse, consiste
à aller jeter un coup d'œil dans le dictionnaire. Dans le petit
Robert on trouve « maïeuticien » (et non « maïeutiste »), un mot
introduit en 1980 et dont la définition est « Homme qui exerce
la profession de sage-femme », ce qui semble raisonnable, mais
ce terme n'a finalement pas été accepté.
Reste accoucheur (attesté dès le XVIIe
siècle) d'autant que accoucheuse est attesté dans le
sens de sage-femme (mais semble de nos jours un tantinet
péjoratif à côté du respectable et rassurant sage-femme).
Comme il existe une notion de médecin accoucheur, il est assez
naturel d'admettre qu'il puisse y avoir des accoucheurs
non-médecins, ce qui est bien le cas. Là encore, le petit Robert
nous apporte des informations intéressantes. À accoucheur,
il est indiqué que la forme masculine est attestée en 1677 et
qu'elle fait sage-femme au féminin. Que veut-on de
plus ? Ce n'est pas si mal ! Mais accoucheur, comme maïeuticien
est jugé trop restrictif par la profession ou l'ordre des
médecins.
Même sage-femme appliqué a une personne de
sexe masculin, comme je l'ai suggéré la semaine passée, à peine
par boutade, d'ailleurs — une femme peut bien être un
homme-grenouille —, n'est pas entièrement satisfaisant, car son
utilisation peut, dans certains cas, obliger à des contorsions
langagières. (À propos d'homme-grenouille, si l'on tient
absolument à mettre du sexe là-dedans, sachant que grenouille
est féminin, je redoute qu'une personne bien intentionnée ne
trouve bon, pour respecter la symétrie et ainsi faire bonne
mesure, d'introduire à la place un terme semblable, mais
masculin ; un candidat tout désigné serait « femme-crapaud »...
hum !)
Quand à « sage-homme »...
Si l'on ne se satisfait pas du terme accoucheur,
je ne vois alors qu'une seule solution élégante et digne d'un
terminologue : une production métaphorique qui reste à trouver.
En passant... l'anglais offre la même difficulté,
laquelle est résolue en employant le mot français...
accoucheur !!!