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Message : Re: [typo] Le ou la Covid-19 ?...

(Yoann LE BARS) - Jeudi 07 Mai 2020
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Subject:    Re: [typo] Le ou la Covid-19 ?...
Date:    Thu, 7 May 2020 23:26:50 +0200
From:    Yoann LE BARS <yoann@xxxxxxxxxxx>

	Salut à tous !

Le 07/05/2020 à 21:17, Jacques Melot a écrit :
> D'une part, l'usage dans la
> langue commune leur fournira le masculin -- après tout, le nom d'une
> maladie n'est pas nécessairement féminin -- ou ils adopteront le féminin
> et ce ne pourra être que sur la base d'un raisonnement. C'est là que ça
> se corse ou, plus exactement se gâte, car le fait que le/d/ de « covid »
> soit mis pour « maladie » dans la langue à laquelle on emprunte
> l'acronyme ne justifie en rien que ce dernier doit ipso facto être
> considéré comme féminin.

	Tout à fait. Cet argument fonctionne également pour le masculin.
Clairement, le genre est ici arbitraire.

	Tout de même, je pense que l’on perd de vue certaines choses. Tout
d’abord, avant d’entrer dans le langage courant, Covid-19 est un terme
qui a été utilisé dans un domaine spécialisé. Dans ce domaine, pour
autant que j’ai pu en juger, l’usage a d’abord été d’user du féminin,
raison pour laquelle, par exemple, j’use du féminin. De plus, je pense
qu’il ne faut pas perdre de vue la consistance : pour reprendre mon
exemple, même si je suis persuadé que l’usage va consacrer le masculin
et que ça ne me pose aucun problème, je n’ai pour l’instant pas basculé
vers le masculin pour conserver une consistance dans mes publications.

	De toute façon, en l’espèce le choix du masculin ou du féminin est
clairement un arbitraire et c’est très bien. Le raisonnement savant
n’est qu’une rationalisation après coup, qui fonctionnerait tout aussi
bien si l’usage avait consacré l’autre genre.

>    La question se pose car, comme certains l'ont rappelé, un des noms
> possibles de la maladie est/syndrome respiratoire aigu sévère/

	Pour autant que je sache, il s’agit d’un message que j’ai envoyé le 17
avril 2020 à 17 h 41, où je faisais remarquer que la Covid-19 n’était
pas une grippe, mais un syndrome respiratoire aigu sévère. Au demeurant,
les noms de virus et de maladies sont standardisés et en l’espèce le
virus est nommé SARS-CoV-2, tandis que la maladie est appelée Covid-19.
Sur ce point, il n’y a pas d’ambiguïté.

> De « maladie », un féminin, nous passons à
> « syndrome », un masculin, le SRAS-CoV-2

	Par exemple, ici vous faites une erreur très dommageable à la
communication : le SARS-CoV-2 n’est pas une maladie, c’est un virus.
C’est un point essentiel, j’y reviens.

> soit, une fois développé,
> « *le* syndrome respiratoire aigu sévère dû au [virus] CoV-2 »

	Non. Une fois développé, c’est « deuxième coronavirus provoquant un
syndrome respiratoire aigu sévère ». Encore une fois, SARS-CoV-2 désigne
un virus, pas une maladie.

	La maladie s’appelle Covid-19, soit une fois développée « maladie à
coronavirus de 2019 ».

	Clairement, là-dessus il y a une grosse erreur de départ, qui pose de
gros problèmes – je vous l’ai dit, j’y reviens plus bas.

>    D'un point de vue linguistique, en français courant, « covid-19 » est
> de fait le signifiant associé à un signifié, lequel signifié est en
> l'occurrence un virus.

	Là, par contre, je me pose en faux. Le signifiant Covid-19 désigne le
signifié maladie à coronavirus de 2019, pas le virus lui-même. Alors,
oui, l’erreur est souvent faite, mais en l’espèce il est *nécessaire* de
ne pas la propager. Cette erreur est *très* dangereuse. Voici pourquoi :

	Par exemple, si une grande partie du mécanisme n’est pas entièrement
élucidé, on peut dire sans trop s’avancer que si la Covid-19 est
provoquée par l’action du SARS-CoV-2, son évolution n’est pas uniquement
due à cette action du virus.

	Si, dans la phrase précédente, on remplace « la Covid-19 » par « le
Covid-19 » ou « le SARS-CoV-2 » par « la SARS-CoV-2 », la phrase reste
tout aussi intelligible, choisissez la variante qui vous plaît. En
revanche, voici ce qu’il advient lorsque l’on fait l’amalgame entre
virus et maladie :

	« Par exemple, si une grande partie du mécanisme n’est pas entièrement
élucidé, on peut dire sans trop s’avancer que si la Covid-19 est
provoquée par l’action du Covid-19, son évolution n’est pas uniquement
due à cette action du virus. »

	Immédiatement, c’est beaucoup moins clair et la communication devient
très opaque. Ce qui est fortement délétère.

	Il est vraiment essentiel de bien séparer le virus de la maladie qu’il
provoque, car le mécanisme d’une maladie implique d’autres éléments que
la seule action du virus. Pour prendre un exemple que tout le monde
connaît, l’action du VIH est la cause première d’un effondrement du
système immunitaire, lequel effondrement est appelé SIDA. Au demeurant,
ce n’est pas le VIH qui tue, mais les infections opportunistes qui
profitent de cet effondrement. C’est une des raisons pour lesquelles les
trithérapies sont d’autant plus efficaces qu’elles commencent rapidement
après l’infection au virus : au plus tôt la prise en charge est-elle
effectuée, au moins le système immunitaire aura été éprouvé.

	Cette distinction entre maladie et virus est très loin d’être
anecdotique, notamment dans la situation actuelle. Ainsi, au moment où
j’écris ces lignes, nous ne disposons pas d’un traitement permettant de
contrecarrer l’action du SARS-CoV-2. En revanche, on sait prendre en
charge la détresse respiratoire ainsi que les autres symptômes de la
Covid-19, ainsi que leurs conséquences. Or, dans la mesure où il a été
intégré que l’on n’est pas en mesure de contrecarrer l’action du
SARS-CoV-2, une partie du public en a déduit que l’on ne fait rien
contre la Covid-19. C’est non seulement extrêmement irrespectueux de
l’effort de titan fourni par le personnel de santé, mais également
produit des raisonnements très dangereux, où certains sont prêt à
administrer n’importe quoi au motif que ce serait mieux que de ne rien
faire. Or, administrer une substance sans savoir quels peuvent en être
les conséquences est bien plus dangereux que de se contenter d’un prise
en charge déjà bonne.

	Autours de la Covid-19, la communication a été très mauvaise et cause
de nombreux problèmes. Cette communication dangereuse a été notamment le
fait d’individus qui se déclaraient d’une communication scientifique. Il
n’en demeure pas moins que c’est la cause d’attitudes dangereuses.

	Alors, oui, la confusion entre virus et maladie est une erreur
répandue. Cette erreur est extrêmement dangereuse : rien ne justifie de
la propager.

	Après, la question du genre, vraiment, on s’en moque…

	À bientôt.

-- 
Yoann LE BARS
http://le-bars.net/yoann/
Diaspora* : ylebars@xxxxxxxxxxxxxxx