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Message : Re: [typo] Le ou la Covid-19 ?...

(Jacques Melot) - Jeudi 07 Mai 2020
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Subject:    Re: [typo] Le ou la Covid-19 ?...
Date:    Thu, 7 May 2020 10:23:43 +0200
From:    Jacques Melot <jacques.melot@xxxxxxxxx>

Title: Re: [typo] Le ou la Covid-19 ?...
 Le 16/04/20, à 23:36 +0200, nous recevions de Flora Vern :

Bonsoir,

Je n'ai pas de réponse claire à apporter à la question d'Yves, mais un avis personnel et une autre question sur le même thème.

Pour le genre, je ne suis pas convaincue par l'idée que le féminin se justifierait parce que disease se traduit par maladie en français. Ce mot n'a pas de genre en anglais, d'une part, et covid-19 est une abréviation, ce qui invite à la prudence. Doit-on décomposer le mot pour découvrir le genre qu'il n'a pas dans sa langue d'origine? C'est sans doute pousser trop loin quand on sait que la langue française ne respect déjà pas les pluriels étrangers (confetti / confetto, referendum / referenda, inuk / inuit).


[J. M.]   Pour ce qui est de votre dernière phrase j'ajouterai même ceci : confetti, scenario, etc. ne sont pas des mots italiens. Ce sont des mots français résultant d'un emprunt à l'italien, ce qui est bien différent. Il est donc normal que leur pluriel soit un pluriel français régulier : un confetti, des confettis, un spaghetti, des spaghettis (ce deux mots s'utilisent normalement au pluriel, secondairement au singulier, d'où l'emprunt du pluriel italien), un scénario, des scénarios. Utilisées en français, les formes confetto, spaghetto, scenarii sont des réfections pédantes, une forme de discrimination langagière, perçue comme valorisante par celui qui la pratique, entre instruits et moins instruits.

   Emprunter un mot étranger tout en respectant le genre grammatical et, surtout, le pluriel étrangers, en un mot la morphologie étrangère, mène nécessairement à des difficultés. Ainsi, exemple entre mille, le centième de la couronne islandaise (le centime islandais si l'on veut) est eyrir au singulier, aurar au pluriel, et cela ne donne pas le genre grammatical (masculin en l'occurrence). Comment voudrait-on que les gens de manière générale se souviennent de cela et de quantité d'autres choses de la même veine ? Les emprunts sont innombrables et ne se font pas qu'à l'anglais. Il en va de même en ce qui concerne la prononciation, d'où l'adaptation phonétique et orthographique nécessaire des emprunts destinés à figurer pour un temps indéterminé dans le lexique français.


Après, cela ne prouve pas que l'on doive préférer le masculin. Seulement qu'il n'y a pas davantage de raison de choisir (tout aussi arbitrairement) le féminin. Ma préférence pour « le covid-19 » tient uniquement à ma conviction que le masculin est le genre neutre en français.


   Dans le cas présent, comme dans une foule d'autres, c'est surtout l'analogie qui décide du genre que nous adopterons spontanément, l'analogie ou encore les ellipses soupçonnées plus ou moins consciemment. Lorsqu'on pense « au covid-19 » on est à deux doigts de penser « au virus covid-19 ». En admettant que ce sentiment soit fondé, s'il s'agit de dire « au virus covid-19 », très vite l'ellipse « au covid-19 » prendra le pas dans la pratique. Cela admis, il me semble difficile et surtout arbitraire comme à beaucoup de passer à « la covid-19 » pour désigner la maladie, d'où ce que l'on observe en ce moment : l'emploi majoritaire du masculin. Comme l'a fait remarquer Emmanuel Curis, il existe des noms de maladie dont le genre grammatical est masculin. Pourquoi dans ce cas passer du masculin pour le virus, au féminin pour la maladie, sans raison logique exprimée ? Parce qu'on le ressent ainsi pour des raisons que l'on ne saurait exprimer ou parce que, inconsciemment, quelqu'un, qui a fait un raisonnement plus ou moins valable, nous l'a soufflé par l'intermédiaire des médias ? J'ai le sentiment que certains disent la covid-19, parce qu'en filigrane il y a « la maladie », ce qui est tout à fait insuffisant et pèse bien peu en face d'un raisonnement sérieux et argumenté, que ce soit en faveur du masculin ou contre le masculin d'ailleurs.

   Le principal argument en faveur du masculin a été donné ici par Yoann Le Bars, puis, de manière plus tranchée, par Amalric Oriet : le masculin est passé dans l'usage. L'usage est comme un train lancé à pleine vitesse sans conducteur et que plus rien ne peut arrêter ; entendez par là qu'aucun argument, aucune décision, aucune injonction, aucune menace ne peut arrêter.


Une question maintenant: s'agissant d'un mot étranger, ce qui est avéré puisqu'il s'agit du coronavirus disease, on devrait le mettre en italique sauf à considérer qu'il est entré dans le langage courant?


   Je pense que les sigles (acronymes compris) font exception : ils sont opaques, l'étant souvent autant dans la langue d'origine. Interrogés, bien des gens vous répondront que l'acronyme Unesco est constitué sans doute des initiales de mots français, et bien plus encore vous diront qu'ils n'en savent rien au juste. De même, les anglophones seront dans l'immense majorité des cas dans l'incapacité de dire de quels mots les lettres qui consitutent l'acronyme Unesco sont les initiales.

   Bonne soirée,

   Jacques Melot


Bonne soirée,
Flora


Le 16 avr. 2020 à 23:29, Philippe MICHEL <philippe@xxxxxxxxxxxxx> a écrit :

En routine on dit LE COVID. Mais ce n'est pas une preuve irréfutable vu le
nombre d'erreurs qu'on fait sur des mots plus anciens. Et, de manière très
incorrecte, "un COVID", c'est un patient atteint du virus.
Donc LE COVID, c'est le virus, LA COVID C'est la maladie induite par ce
dernier ?

Dr Philippe MICHEL
Bonjour,

 

 

Il existe actuellement une incertitude sur le genre que doit avoir en
français le nouveau terme de "Covid-19", provenant de l'anglais
"Coronavirus Disease 2019". La pratique s'est répandue dans la presse et
dans la plupart des institutions de parler "du" Covid-19. Mais l'OMS et
l'ONU parlent de "la" Covid-19, arguant logiquement du fait qu'il s'agit
de "la maladie induite par le coronavirus". C'est également la position
de l'Office québécois de la langue française
(http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26557671), et toute la
presse canadienne francophone parle de "la Covid-19".

 

 

Le débat a été enrichi par des articles de Libération
(https://www.liberation.fr/checknews/2020/03/19/doit-on-dire-le-ou-la-covid-19_1782334)
et de France Culture
(https://www.franceculture.fr/sciences-du-langage/doit-dire-le-ou-la-covid-19).
Ces articles exposent divers arguments dans un sens ou dans l'autre, et il
en ressort une certaine confusion. En témoigne d'ailleurs le fait que
dans un même journal (Le Monde, par exemple), on trouve, selon les
articles, les deux genres. Les correcteurs n'ont pas encore dû prendre
position officiellement...

 

 

Bref, y a-t-il parmi vous des gens qui auraient un avis sur la question ?
En tant que correcteur et responsable de la marche typographique d'une
revue, je vais devoir me décider rapidement. Je penche pour le féminin,
mais je rencontre des résistances au sein du CR...

 

 

Merci à vous !

Yves

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Bien cordialement,
Dr Philippe MICHEL


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