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Message : Re: Soulignement (et bibliographie)

(Alain Hurtig) - Mercredi 23 Avril 1997
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Subject:    Re: Soulignement (et bibliographie)
Date:    Wed, 23 Apr 1997 06:08:26 +0200
From:    Alain Hurtig <alain.hurtig@xxxxxx>

At 21:18 +0200 22/04/97, Emmanuel Curis wrote:
>	Une utilisation  que  je rencontre fréquemment, c'est   l'écriture des
>bibliographies d'articles scientifiques en condensé (pour mettre dans un autre
>article, par exemple);  [...]  je soupçonnerai  bien une
>convention  anglaise ou américaine répandue  par uniformisation
>
Dans le cas d'espèce, je ne vois pas ce qui justifie le soulignement !

>	C'est aussi souvent utilisé pour numéroter des produits : le numéro du
>produit est écrit en gras souligné.
>
Et à vrai dire là non plus ! Comme le dit Olivier, un « black » suffirait
amplement.

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Bibliographies :

De fait, la présentation des bibliographies est un extraordinaire foutoir,
chaque dommaine d'activité (de production de savoir) s'étant bricolé ses
propres normes, différentes (et bien entendu meilleures !) que celles du
voisin. Cela va parfois jusqu'au ridicule de se refuser à faire comme le
labo d'à côté (qui est en concurrence avec le vôtre... ;-))

D'autre part, la tradition française fait que les normes de présentation
bibliographiques (et de façon générale de l'appareil savant) sont peu
enseignées aux étudiants, et qu'il ne viendrait jamais à l'esprit d'un prof
(en tout cas en France) de baisser fortement la note d'un devoir, d'un
mémoire... voire d'une thèse d'État ! où la bliographie ne respecte pas les
normes en viguer dans le secteur concerné.

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Soulignement :

Je pense (pure hypothèse) qu'à l'origine, le soulignement a été banni de la
typo en raison des coûts de production : soit il fallait graver des
caractères romains avec un trait de soulignement (et donc rencontrer des
problèmes de jointure entre deux lettres !), soit il fallait placer un
filet sous les lignes (avec un problème sous les descendantes : g, j, p, q,
y). Bref, c'était compliqué et cher.

À noter : je ne connais, sur Mac, qu'un seul logiciel qui gère ce problème
de descendante (il supprime le soulignement sous ces lettres) : c'est Word.
Mais je n'en connais aucun qui permette de gérer l'épaisseur du filet, ni
sa distance de la ligne de base (sauf un plug-in de XPress).

Reste à savoir pourquoi, à part la force de l'habitude, le soulignement
paraît si laid et à la limite gênant (il devient pourtant très employé,
même dans des collections qui ont un souci évident d'avoir une belle
maquette, comme la collection « Découvertes » de Gallimard).

Pour moi, la raison en est du rôle ambigu de la ligne de base dans notre
système d'écriture imprimée.

Notre écriture est « posée » sur une ligne, et non pas « suspendue » comme
l'est le sanscrit ou l'hébreu ashkénaze. Cette ligne conduit tout
l'écriture, c'est sur elle que reposent le mot, la phrase. Le soulignement,
qui redouble cette ligne (et occupe une partie de l'espace entre deux
lignes) gêne parce qu'il est redondant avec la ligne de base. Il ajoute un
signe là où il y a déjà une fonction, et vient heurter cette fonction :
c'est un frein à la lecture et donc à la compréhension.

Dans le même temps, et paradoxalement (au moins en apparence), les études
de lecture montrent que l'oeil ne perçoit, en lecture courante, que la
partie _supérieure_ des lettres. Ceci est facile à vérifier
expérimentalement : prendre un texte quelconque (en corps suffisement gros,
du 15 par exemple) et masque la partie inférieur de chaque ligne (tout ce
qui en dessous de la barre du milieu du f ; disons). le proposer en
lecture : malgré quelques hésitations, le texte est reconnu et lu.
Reprendre le même texte, et masquer la partie supérieure des lettres : le
texte devient rigoureusement illisible. Qu'en conclure ? Que le filet de
soulignement vient inutilement obliger l'oeil à descendre vers la ligne de
base, qu'il la montre trop, et de ce fait la survalorise. Là encore, ça
freine la lecture.

Dans tous les cas, on lit moins vite une phrase soulignée. Mais pas parce
qu'on perçoit qu'elle est importante, juste parce qu'elle est plus
difficile à lire ! Elle oblige à lire _toute_ la lettre, elle affaiblit la
fonction de conduite d'une ligne normalement invisible, tout en rendant
cette ligne trop présente (ce qui, une fois encore, n'est un paradoxe qu'en
apparence).

--
On le réservera donc aux écritures qui ne connaissent pas l'italique :
manuscripte, ou dactylographique.

Alain Hurtig         alain.hurtig@xxxxxx
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« Quand on n'a plus rien à désirer, tout est à craindre ; c'est une
félicité malheureuse. La crainte commence où finit le désir. »
   Baltasar Gracian, L'homme de cour.