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Message : Re: La guerre des tranches (etait: crenage vertical)

(Jacques Melot) - Mardi 18 Novembre 1997
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Subject:    Re: La guerre des tranches (etait: crenage vertical)
Date:    Tue, 18 Nov 1997 10:46:28 +0000
From:    Jacques Melot <melot@xxxxxx>

 Le 18/11/97, à 3:09 +0000, nous recevions de Olivier RANDIER :

>>Marc Herbert écrit:
>>> Le sens "pile" est vital pour la pile. Je veux dire que tourner la tête
>>> de 180° n'est *vraiment* pas pratique.
>>> Par contre, il me semble que le sens "bibli", n'est pas vital, cad que
>>> si les livres sont rangés en rayon, un sens ou l'autre est lisible.
>>> Donc pourquoi pas se ranger (hum :-) au sens anglo-saxon ?
>>-------
>>Le sens « pile » est vital... dans les librairies... non dans les
>>bibliothèques. Reste à savoir quelle est la place de prédilection d'un
>>livre... l'étal du marchand ou les rayonnages du lecteur...
>
>Nous sommes d'accord. Là encore, il serait intéressant de savoir si le sens
>anglo-saxon ressort d'une tradition réelle ou simplement de l'arrogance du
>libéralisme dans les pays anglo-saxons. Pour la ponctuation, lors de
>conversations dans comp.fonts, j'avais appris avec surprise que les anglais
>respectaient autrefois les mêmes règles que nous (espace avant la
>ponctuation haute, etc.) et qu'ils avaient abandonné leurs standards
>typographiques élevés sous la pression économique. :(


   Je trouve cela plutôt étonnant, d'autant plus qu'on ne peut pas parler
de changement récent, ni même relativement récent.

   Comme ça, à toute blinde, dans un ouvrage anglais publié en 1776 à
Birmingham, par M. Swinney, je vois la convention suivante :

- devant ; : ! ? une espace, après deux espaces,
- devant . pas d'espace, mais après trois espaces.
- devant , pas d'espace, après une espace.

   Dans un ouvrage de 1682, publié à Londres (Impensis Henrici Faitborne, &
Joannis Kersey) :

- devant ; : une espace (à peine) ou pas, après deux ou trois espaces.
- devant , une espace ou pas, après deux ou trois espaces.

   Dans un ouvrage de 1724 (Londini, Impensis Gulielmi & Joannis Innys),
semblable au précédent, la plupart du temps l'espace avant : et ; est
inexistante. Une espace près point d'abréviation, deux ou trois après point
final de phrase.

   Plus récemment (1836, 1902, 1924, etc.) on note comme une espace fine
devant ; et : mais toujours une à deux espaces après.

   Je pense donc que le passage à la ponctuation anglo-saxonne actuelle
peut être attribué à l'usage de la machine à écrire, la meilleure
restitution de l'impression visuelle de l'imprimé, du fait du contraste
entre les espacements, étant pas d'espace avant :; et une espace après, et
deux espaces après ponctuation forte. Sinon ce serait, une espace avant :;
deux espaces après et trois espaces après ponctuation forte, ce qui serait
manifestement trop aéré.



>>Dans une bibliothèque, même pour des livres rangés en pile, « notre »
>>façon de faire est la meilleure... car, en principe, on prend d'abord
>>l'ouvrage situé en haut... Imaginez un ouvrage comportant plusieurs
>>volumes. Il est rangé « biblio », le premier volume à gauche, le dernier
>>à droite. Vous décidez de les ranger en « pile » et vous couchez
>>l'ensemble. Avec la méthode anglo-saxonne, que vous nous conseillez
>>d'adopter, si vous tenez à ce que les dos demeurent lisibles, c'est le
>>dernier volume qui se retrouve en haut de la pile (à moins de
>>réorganiser la série dans l'ordre inverse... Pratique !...)... Avec
>>notre méthode, c'est le premier.
>>Autre exemple. Votre étagère est vide. Vous y placez un livre. Il y a
>>fort à parier que vous allez l'appuyer sur le montant gauche (et que
>>vous rangerez les suivants en progressant vers la droite). S'il tombe
>>sur le flanc, comme c'est probable, le dos « français » sera lisible, le
>>dos « anglo-saxon » sera illisible...
>
>Remercions ici Jean-Pierre pour nous avoir enfin fourni les arguments
>rationnels incontournables qui justifient la « pile biblio » face à la
>« pile librairie ».
>
>Pour abonder dans son sens, je dirais qu'à mon avis le sens de lecture des
>rayons est directement fonction du sens de lecture normal de l'écriture
>latine.
>Nous lisons une page de texte de gauche à droite, comme ceci :
>--->|
>    |
>    V
>Quand nous transposons à la verticale, la seule solution cohérente est la
>solution bibliothèque « à la française », c'est-à-dire en pivotant de 90°
>vers la gauche.
>--->
>?
>|
>|
>Parce que si on pivote vers la droite, comme ceci :
>    |
>    |
>    V
><---
>on se retrouve à lire de gauche à droite les titres successifs des
>ouvrages, ce qui implique, si on pousse la logique jusqu'au bout, de
>classer les tomes dans cet ordre : V, IV, III, II, I ; et les auteurs de Z
>à A !
>
>Nous sommes des lecteurs latins, donc la circulation logique dans une
>bibliothèque est de gauche à droite. J'avoue avoir été surpris au départ
>qu'il y ait une différence à ce sujet entre les anglo-saxons et les autres.
>Effectivement, tous les ouvrages anglais que je possède sont « à
>l'envers ». Que les arabes classent leurs bibliothèques autrement que nous,
>c'est logique.
>Mais que les anglais aillent à ce point à l'encontre du bon sens ;-), ça me
>scie...


   Il ne faut pas se faire scier pour si peu :  le bon sens, c'est, de
toutes façons, la pire des choses (je développerai peut-être cela un jour,
mais dans france-langue...).


>
>Il y a, enfin, un dernier argument qui n'a pas encore été cité, en faveur
>de la pile biblio. J'ai appris en composition qu'une ligne qui descend à
>droite ou, plus encore, un titre écrit de bas en haut « tombe » et produit
>un effet psychologique négatif tout-à-fait désastreux (dans notre culture,
>s'entend). Il y fort à parier que les arabes, qui composent de droite à
>gauche et de haut en bas, verraient d'un fort mauvais oeil que le titre du
>Coran soit composé de haut en bas sur la tranche !
>
>>De toute façon, dans bien des cas, le problème ne devrait pas se poser,
>>car le dos est suffisamment large pour accueillir une composition
>>horizontale. Si les éditeurs délaissent cette méthode, c'est parce
>>qu'ils veulent du gros corps, de l'énorme, de l'accrocheur, du visible à
>>deux kilomètres (au moins depuis l'entrée du lieu de vente)... Toujours
>>le même problème... Que pensez vous du dos (jaquette) du Petit Robert ?
>>Qui a besoin d'un tel corps pour repérer cet ouvrage dans sa
>>bibliothèque ?...
>
>Il est vrai qu'il y a de l'abus. Je ferais pourtant remarquer que la
>composition verticale des tranches tire son origine, à mon avis, de la
>technique du brochage. Celle-ci a considérablement réduit l'épaisseur des
>ouvrages, en supprimant les reliures. Du coup, nombre de livres aujourd'hui
>n'ont justement pas l'épaisseur suffisante pour permettre une composition
>horizontale. Et l'impression de la couverture broché autorisant toutes les
>fantaisies, la composition verticale s'est imposée, parce qu'elle permet
>des corps plus lisibles. Personnellement, je trouve que les tranches à
>composition horizontales sont souvent illisibles, surtout si, comme ça
>arrive souvent, la dorure s'est estompé avec le temps. Cela dit, il est
>bien agréable de pouvoir, de temps en temps, lire le titre d'un bouquin
>sans se dévisser les cervicales...
>
>>Au-delà d'une certaine épaisseur du dos, les seules compositions
>>verticales intelligentes sont celles des ouvrages (atlas, « beaux
>>livres », etc.) dont la hauteur est telle qu'ils ne peuvent se caser
>>dans un rayonnage destiné aux « grands livres d'un format courant »...
>>Ils sont donc destinés à demeurer le plus souvent couchés...
>
>Au-delà d'une certaine épaisseur, justement. À mon avis, la majorité des
>livres aujourd'hui (livres de poche, revues « gonflées ») sont en-dessous
>de cette épaisseur.
>
>
>P.S. : puisque tu semble t'y connaître en bibliothèques, une petite
>question qui me turlupine. Dans les bibliothèques, on trouve souvent des
>versions reliées d'ouvrages proposés brochés au public. Sont-ce les
>éditeurs qui les leur fournissent ? Si oui, un particulier peut-il aussi
>les acheter sous cette forme ? Et le surcoût est-il important ?
>Parce qu'il est souvent désolant de voir la couverture de nos livres
>préférés s'avachir misérablement...
>
>Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
>		http://perso.wanadoo.fr/thierry.vidal/
>Claviers et scripts WorldScript translittérés pour faciliter la composition
>des langues est-européennes, du grec et du cyrillique.