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Message : Re: La guerre des tranches (etait: crenage vertical)

(Olivier RANDIER) - Mardi 18 Novembre 1997
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Subject:    Re: La guerre des tranches (etait: crenage vertical)
Date:    Tue, 18 Nov 1997 04:09:20 +0100
From:    Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>

>Marc Herbert écrit:
>> Le sens "pile" est vital pour la pile. Je veux dire que tourner la tête
>> de 180° n'est *vraiment* pas pratique.
>> Par contre, il me semble que le sens "bibli", n'est pas vital, cad que
>> si les livres sont rangés en rayon, un sens ou l'autre est lisible.
>> Donc pourquoi pas se ranger (hum :-) au sens anglo-saxon ?
>-------
>Le sens « pile » est vital... dans les librairies... non dans les
>bibliothèques. Reste à savoir quelle est la place de prédilection d'un
>livre... l'étal du marchand ou les rayonnages du lecteur...

Nous sommes d'accord. Là encore, il serait intéressant de savoir si le sens
anglo-saxon ressort d'une tradition réelle ou simplement de l'arrogance du
libéralisme dans les pays anglo-saxons. Pour la ponctuation, lors de
conversations dans comp.fonts, j'avais appris avec surprise que les anglais
respectaient autrefois les mêmes règles que nous (espace avant la
ponctuation haute, etc.) et qu'ils avaient abandonné leurs standards
typographiques élevés sous la pression économique. :(

>Dans une bibliothèque, même pour des livres rangés en pile, « notre »
>façon de faire est la meilleure... car, en principe, on prend d'abord
>l'ouvrage situé en haut... Imaginez un ouvrage comportant plusieurs
>volumes. Il est rangé « biblio », le premier volume à gauche, le dernier
>à droite. Vous décidez de les ranger en « pile » et vous couchez
>l'ensemble. Avec la méthode anglo-saxonne, que vous nous conseillez
>d'adopter, si vous tenez à ce que les dos demeurent lisibles, c'est le
>dernier volume qui se retrouve en haut de la pile (à moins de
>réorganiser la série dans l'ordre inverse... Pratique !...)... Avec
>notre méthode, c'est le premier.
>Autre exemple. Votre étagère est vide. Vous y placez un livre. Il y a
>fort à parier que vous allez l'appuyer sur le montant gauche (et que
>vous rangerez les suivants en progressant vers la droite). S'il tombe
>sur le flanc, comme c'est probable, le dos « français » sera lisible, le
>dos « anglo-saxon » sera illisible...

Remercions ici Jean-Pierre pour nous avoir enfin fourni les arguments
rationnels incontournables qui justifient la « pile biblio » face à la
« pile librairie ».

Pour abonder dans son sens, je dirais qu'à mon avis le sens de lecture des
rayons est directement fonction du sens de lecture normal de l'écriture
latine.
Nous lisons une page de texte de gauche à droite, comme ceci :
--->|
    |
    V
Quand nous transposons à la verticale, la seule solution cohérente est la
solution bibliothèque « à la française », c'est-à-dire en pivotant de 90°
vers la gauche.
--->
?
|
|
Parce que si on pivote vers la droite, comme ceci :
    |
    |
    V
<---
on se retrouve à lire de gauche à droite les titres successifs des
ouvrages, ce qui implique, si on pousse la logique jusqu'au bout, de
classer les tomes dans cet ordre : V, IV, III, II, I ; et les auteurs de Z
à A !

Nous sommes des lecteurs latins, donc la circulation logique dans une
bibliothèque est de gauche à droite. J'avoue avoir été surpris au départ
qu'il y ait une différence à ce sujet entre les anglo-saxons et les autres.
Effectivement, tous les ouvrages anglais que je possède sont « à
l'envers ». Que les arabes classent leurs bibliothèques autrement que nous,
c'est logique.
Mais que les anglais aillent à ce point à l'encontre du bon sens ;-), ça me
scie...

Il y a, enfin, un dernier argument qui n'a pas encore été cité, en faveur
de la pile biblio. J'ai appris en composition qu'une ligne qui descend à
droite ou, plus encore, un titre écrit de bas en haut « tombe » et produit
un effet psychologique négatif tout-à-fait désastreux (dans notre culture,
s'entend). Il y fort à parier que les arabes, qui composent de droite à
gauche et de haut en bas, verraient d'un fort mauvais oeil que le titre du
Coran soit composé de haut en bas sur la tranche !

>De toute façon, dans bien des cas, le problème ne devrait pas se poser,
>car le dos est suffisamment large pour accueillir une composition
>horizontale. Si les éditeurs délaissent cette méthode, c'est parce
>qu'ils veulent du gros corps, de l'énorme, de l'accrocheur, du visible à
>deux kilomètres (au moins depuis l'entrée du lieu de vente)... Toujours
>le même problème... Que pensez vous du dos (jaquette) du Petit Robert ?
>Qui a besoin d'un tel corps pour repérer cet ouvrage dans sa
>bibliothèque ?...

Il est vrai qu'il y a de l'abus. Je ferais pourtant remarquer que la
composition verticale des tranches tire son origine, à mon avis, de la
technique du brochage. Celle-ci a considérablement réduit l'épaisseur des
ouvrages, en supprimant les reliures. Du coup, nombre de livres aujourd'hui
n'ont justement pas l'épaisseur suffisante pour permettre une composition
horizontale. Et l'impression de la couverture broché autorisant toutes les
fantaisies, la composition verticale s'est imposée, parce qu'elle permet
des corps plus lisibles. Personnellement, je trouve que les tranches à
composition horizontales sont souvent illisibles, surtout si, comme ça
arrive souvent, la dorure s'est estompé avec le temps. Cela dit, il est
bien agréable de pouvoir, de temps en temps, lire le titre d'un bouquin
sans se dévisser les cervicales...

>Au-delà d'une certaine épaisseur du dos, les seules compositions
>verticales intelligentes sont celles des ouvrages (atlas, « beaux
>livres », etc.) dont la hauteur est telle qu'ils ne peuvent se caser
>dans un rayonnage destiné aux « grands livres d'un format courant »...
>Ils sont donc destinés à demeurer le plus souvent couchés...

Au-delà d'une certaine épaisseur, justement. À mon avis, la majorité des
livres aujourd'hui (livres de poche, revues « gonflées ») sont en-dessous
de cette épaisseur.


P.S. : puisque tu semble t'y connaître en bibliothèques, une petite
question qui me turlupine. Dans les bibliothèques, on trouve souvent des
versions reliées d'ouvrages proposés brochés au public. Sont-ce les
éditeurs qui les leur fournissent ? Si oui, un particulier peut-il aussi
les acheter sous cette forme ? Et le surcoût est-il important ?
Parce qu'il est souvent désolant de voir la couverture de nos livres
préférés s'avachir misérablement...

Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
		http://perso.wanadoo.fr/thierry.vidal/
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